Étienne Klein, CEA Saclay." Les physiciens n'aiment ni les complications arbitraires ni les hypothèses inutiles. Alors, depuis Newton, ils considèrent que l'espace et le temps sont des entités « lisses », que l'on peut donc représenter par des grandeurs continues : il y aurait partout de l'espace et toujours du temps, sans trouée possible, de sorte qu'on a tout loisir d'envisager des longueurs ou des durées aussi petites que l'on veut, sans jamais atteindre de limites.

 

Pareille conception s'impose d'autant plus facilement à notre esprit que son abandon nous exposerait à d'énormes difficultés. Imaginons en effet que le temps soit discontinu, c'est-à-dire constitué d'instants particuliers séparés les uns des autres par des « durées privées de temps » si tant est que cette expression ait le moindre sens. Comment le cours du temps pourrait-il sans cesse s'arrêter, pour sans cesse redémarrer, comme pris d'un hoquet ? Et combien de temps dureraient les périodes privées de temps ? Il semble impossible de concevoir qu'il ne puisse y avoir de temps que... de temps en temps.

Mais peut-être faut-il se garder là de conclure trop vite. D'une part, parce qu'il est déjà arrivé dans l'histoire de la physique que le discontinu survienne là où l'on n'imaginait que le continu. D'autre part, parce qu'un certain nombre de travaux théoriques encore inaboutis suggèrent que l'espace-temps tel que nous le connaissons pourrait émerger d'une structure sous-jacente très différente de lui. Il serait telle une écume surnageant au-dessus d'un réseau discontinu de points. De tels calculs n'ont certes reçu aucun soutien en provenance de l'expérience, mais peut-être déboucheront-ils un jour sur des équations permettant de formuler des situations que nous sommes encore incapables de concevoir."

Une autre conférence d'Etienne Klein sur le temps : 

http://lasciencepourtous.cafe-sciences.org/articles/category/scienceetphilosophie/