Curtis Marea, professeur à l'Institut d'étude de l'évolution humaine et des changements sociaux de l'Université d'État d'Arizona, nous livre ses hypothèses
La plus grande vague de migrants a déferlé sur le monde il y a environ 100 000 ans. À cette époque, Homo sapiens quitte l'Afrique et aborde l'Eurasie. Ce petit pas pour l'humanité marque le début d'une expansion inexorable : nos ancêtres finissent par gagner tous les continents et de nombreux archipels. Sur leur route, ils rencontrent d'autres espèces humaines, tel Néanderthal, qui disparaissent toutes, à l'instar d'un grand nombre d'espèces animales. Le passage en Eurasie d'Homo sapiens est sans doute l'événement migratoire majeur de toute l'histoire de l'humanité. Mais pourquoi l'espèce Homo sapiens, l'« homme moderne », est-elle la seule à avoir suivi ce chemin ?
Pour certains, cela tiendrait à son gros cerveau ; pour d'autres, aux innovations techniques ; pour d'autres encore, au climat, qui aurait affaibli les espèces humaines concurrentes. Cependant, étant donné l'amplitude spectaculaire de l'expansion d'Homo sapiens, aucune de ces théories n'est satisfaisante pour décrire la globalité de cet événement complexe. La raison de ce succès est à chercher ailleurs.
Nos découvertes en Afrique du Sud ainsi que plusieurs avancées en biologie et en sciences sociales m'ont amené à proposer un mécanisme simple susceptible d'expliquer la conquête du globe par Homo sapiens. Selon moi, cette étonnante dispersion s'est produite d'abord grâce à l'évolution et à l'inscription dans les gènes de nos ancêtres de la capacité à coopérer entre individus non apparentés. Ce trait singulier de notre espèce expliquerait l'adaptation de nos ancêtres à tant d'environnements différents et aurait favorisé l'innovation, laquelle a entraîné la mise au point d'armes de jet efficaces. Ainsi équipés et dotés d'un comportement collectif très adaptatif, nos ancêtres sont sortis d'Afrique et ont conquis le monde.
En route pour l'Eurasie...
Puis, il y a moins de 70 000 ans, une population sort d'Afrique et s'étend en Eurasie. Ses membres rencontrent et côtoient d'autres espèces humaines, par exemple les Néandertaliens en Europe et les Denisoviens en Asie. Force est de constater que, peu après l'arrivée des hommes modernes, les traces des autres humains se perdent, bien qu'une partie de leur Adn persiste chez nos contemporains, sans doute à la suite de métissages occasionnels.
Parvenus sur les rivages de l'Asie du Sud-Est, bloqués par une mer apparemment illimitée et dépourvue d'îles, les hommes modernes vont pourtant trouver les moyens de poursuivre leur expansion. Il y a plus de 45 000 ans, ils réussissent à rejoindre l'Australie. Des groupes disposant d'armes de jet et maîtrisant le feu occupent très vite le royaume des marsupiaux qu'aucun humain n'avait encore foulé. Ils en font vite disparaître les plus grandes espèces marsupiales, avant, il y a quelque 40 000 ans, de passer en Tasmanie par un isthme alors émergé.
Dans l'hémisphère Nord, une population d'Homo sapiens pénètre en Sibérie. Elle rayonne dans les régions entourant le pôle Nord, mais les glaces les empêchent d'atteindre l'Amérique. Les scientifiques s'accordent à dire cela ne s'est fait qu'il y a 14 000 ans environ, quand des groupes de chasseurs traversent la Béringie, c'est-à-dire l'isthme qui reliait alors la Sibérie orientale à l'Alaska. L'arrivée en Amérique d’humains chasseurs auxquels la faune n'avait encore jamais été confrontée provoque le massacre et entraîne la disparition de grands animaux américains, tels les mastodontes et les paresseux géants… Une fois établis en Amérique, les hommes modernes n'ont besoin que de quelques milliers d'années pour atteindre l'extrême sud de l'Amérique.
Quant à Madagascar et à la plupart des îles du Pacifique, elles restent préservées de la présence humaine pendant encore 10 000 ans, puis des peuples marins découvrent et colonisent ces endroits. Ces îles aussi souffrent de l'arrivée des hommes modernes, qui remodèlent l'environnement, brûlent les forêts et exterminent des espèces. Seule l'Antarctique restera préservée de l'homme ...
Pourquoi et comment, après être resté des dizaines de milliers d'années confiné dans son continent d'origine, Homo sapiens en est-il sorti et a-t-il colonisé toutes les terres atteignables ? Une théorie de cette dissémination devra expliquer deux choses : d'une part, le moment où elle a commencé ; d'autre part, l'adaptation à tous les milieux et l'évincement des autres espèces humaines rencontrées. Pour échafauder une telle théorie, je propose que l'évolution a conféré à notre espèce des caractères qui l'ont dotée d'avantages compétitifs et dont étaient dépourvues les autres espèces humaines.
« Hyperprosocialité » à double tranchant
Pour nommer ce penchant extrême à la coopération, j'ai forgé le néologisme d'« hyperprosocialité ». Cette hyperprosocialité serait un trait inné, que l'on ne rencontre que chez Homo sapiens. D'autres animaux, tels les loups ou les bovidés, ont aussi des tendances prosociales, mais elles ne sont qu'un pâle reflet de la nôtre. Cette nature coopérative est à double tranchant. Les mêmes humains qui risquent leur vie pour défendre de parfaits étrangers peuvent aussi s'associer pour les combattre sans pitié.
Ainsi, l'hyperprosocialité serait notre « marque de fabrique ». La question de savoir comment nos ancêtres l'ont acquise est difficile. Une récente modélisation mathématique de l'évolution sociale en a toutefois fourni des indices intéressants. Sam Bowles, économiste à l'institut de Santa Fe, a montré que, paradoxalement, l'existence de conflits entre groupes est une condition optimale à la propagation de l'hyperprosocialité au sein d'une population. Dans une telle situation, ce sont les groupes composés du plus grand nombre d'individus prosociaux qui « fonctionnent » le mieux et prennent l'avantage, grâce à quoi ils transmettent mieux leurs gènes aux générations suivantes. La propagation de l'hyperprosocialité dans l'espèce humaine est ainsi facilitée.
Les travaux du biologiste Pete Richerson, de l'université de Californie à Davis, et de l'anthropologue Rob Boyd, de l'université de l'Arizona, suggèrent en outre qu'un tel comportement se propage mieux s'il apparaît dans une sous-population, si la compétition entre groupes y est intense et si ces groupes sont petits. Or la génétique a prouvé que la population africaine originelle d'Homo sapiens était très petite.
Les chasseurs-cueilleurs ont tendance à vivre en petites bandes d'environ vingt-cinq individus, et à rechercher leurs conjoints dans les clans voisins. Leurs clans forment des « tribus » caractérisées par une certaine communauté de langage et de traditions, et dont la cohésion est maintenue par des liens de parenté et des échanges de présents. Or il arrive que les tribus se rassemblent pour combattre d'autres tribus. Les membres des clans risquent alors beaucoup, ce qui pose la question de leur motivation.
La défense des ressources importantes et prévisibles, principale cause de conflits
Par exemple, un animal a intérêt à défendre sa nourriture quand celle-ci est menacée. Selon la fréquence de cette menace, un comportement agressif pourra être sélectionné. En revanche, si la nourriture ne peut être défendue ou s'il est trop coûteux de le faire, ce comportement, avec tous les risques qu'il comporte, serait contre-productif.
Dans un article de 1978, les Américains Rada Dyson-Hudson et Éric Alden Smith ont appliqué le concept de défendabilité économique aux petites sociétés humaines. Leurs résultats montrent que la défense de ressources a du sens surtout quand ces dernières sont importantes et prévisibles (d'un accès sûr). J'ajouterais qu'elles doivent aussi être cruciales pour l'organisme en question : aucun animal ne défend une ressource dont il n'a pas besoin.
Ce principe écologique de base s'applique aussi à l'humanité : tant des États que des ethnies, voire des groupes religieux, se battent durement pour le contrôle de ressources prévisibles et précieuses, telle le pétrole, l'eau ou encore les terres arables. L'une des conséquences de cette théorie territoriale est qu'à l'époque des premiers Homo sapiens, les régions favorisant la compétition entre groupes, et donc les comportements coopératifs, n'ont pu recouvrir qu'une partie seulement de l'aire de répartition de l'espèce. Cette partie est composée de toutes les régions où les ressources étaient de qualité, abondantes et prévisibles.
À l'intérieur de l'Afrique, les ressources sont souvent rares et imprévisibles, ce qui explique que la plupart des groupes de chasseurs-cueilleurs africains ayant été étudiés investissent peu de temps et d'énergie pour défendre un territoire. Certaines régions côtières ont toutefois des ressources alimentaires importantes et prévisibles, par exemple des bancs de coquillages ou des crustacés faciles à pêcher. Or tant l'ethnographie que l'archéologie montrent que les régions où apparaissent les plus hauts niveaux de conflits entre groupes sont celles dont l'économie est fondée sur les ressources côtières, comme ce fut le cas par exemple au sein des peuples vivant sur la côte pacifique nord de l'Amérique.
La question qui se pose alors est : quand les hommes ont-ils fondé pour la première fois leur subsistance sur des ressources importantes et prévisibles ? Des millions d'années durant, nos lointains ancêtres se sont nourris des produits de la cueillette, de la chasse et de la pêche, autant de ressources qui ne sont en général disponibles qu'en faibles quantités imprévisibles. C'est pourquoi nos ancêtres chasseurs-cueilleurs vivaient en petits groupes dispersés et mobiles, se déplaçant constamment à la recherche de nourriture. Toutefois, avec la complexification de la cognition humaine, une population humaine a compris qu'elle pourrait mieux assurer sa subsistance en se nourrissant de coquillages et de crustacés.
Nos fouilles sur les sites de Pinnacle Point prouvent qu'il y a 160 000 ans, ce changement de comportement avait débuté sur la côte sud de l'Afrique. C'est là peut-être que, pour la première fois dans l'histoire de l'humanité, des groupes humains se sont spécialisés dans l'exploitation d'une ressource alimentaire importante, prévisible et de grande valeur – une avancée qui a déclenché une mutation sociale.
Guerre des coquillages et comportement collaboratif
Toutefois, la nécessité de contrôler les vitales ressources côtières constituait aussi une raison sérieuse de conflits. Jan de Vynck, de l'université métropolitaine Nelson Mandela, a récemment montré que les bancs de fruits de mer de la côte sud de l'Afrique peuvent être si productifs qu'ils fournissent jusqu'à 4 500 kilocalories par heure de collecte ! Une telle profusion n'a pu qu'entraîner nos ancêtres à défendre leur territoire. Cette « territorialité » a produit un haut niveau de conflits, se traduisant par des combats réguliers, bref par une compétition guerrière, qui a sélectionné les comportements hyperprosociaux. Se battre pour s'assurer de conserver un accès exclusif aux gisements de coquillages et de crustacés était avantageux pour le groupe. Cela a induit un comportement collaboratif, qui s'est propagé dans toute la population.
La coopération au sein de groupes d'individus non apparentés a transformé les hommes modernes en une force irrésistible. Je pense toutefois qu'ils n'ont atteint leur plein potentiel que grâce à une nouvelle technique décisive : des armes de jet efficaces.
La technique du jet d’armes
Cette invention, longue à émerger, a vraisemblablement évolué ainsi : des épieux de bois ont d'abord été lancés à la main, puis des sagaies plus légères, avant que vienne l'idée du propulseur, un dispositif à effet de levier accroissant la portée des projectiles ; ensuite, l'arc et les flèches, les sarbacanes puis tous les moyens inventés par les hommes pour lancer des projectiles mortels se sont ensuivis.
À chaque étape, les armes de jet sont devenues plus létales. Une lance de bois taillée en pointe produit une blessure ponctuelle, qui ne provoque qu'une faible hémorragie chez l'animal visé. En armant leurs sagaies de lames de pierre, nos ancêtres ont augmenté le saignement provoqué par la blessure. Une telle élaboration d'armes composites requiert la combinaison de plusieurs techniques : la taille d'une pierre, le façonnage d'une hampe facilitant la fixation, un collage ou un lien…
Avec des collègues, Jayne Wilkins, de l'université du Cap, a montré que des outils en pierre provenant du site sud-africain Kathu Pan 1 ont été employés comme pointes de lances il y a environ 500 000 ans. L'âge des techniques de Kathu Pan 1 indique qu'elles sont l'œuvre des derniers ancêtres communs (Homo heidelbergensis) des Néandertaliens et des hommes modernes. Or des vestiges datant de 200 000 ans montrent que, comme on pouvait s'y attendre, les deux espèces ont fabriqué des armes de jet. Pendant un temps, un certain équilibre entre Néandertaliens et premiers Homo sapiens a donc dû se maintenir, mais la situation allait évoluer.
Selon les préhistoriens, l'apparition dans le registre archéologique d'outils dits « microlithiques » (lames et lamelles de pierre) signale l'avènement de projectiles légers conçus et optimisés en fonction des lois balistiques pour être lancés. Trop petits pour être utilisés à la main, les microlithes étaient fixés dans des sillons creusés dans l'os ou le bois.
Les plus anciens exemples connus de ce type de technique proviennent justement de Pinnacle Point. Là, dans l'abri rocheux PP5-6, nous avons mis au jour de nombreux témoignages d'une longue occupation humaine. En utilisant la datation par la luminescence stimulée optiquement, Zenobia Jacobs, de l'université de Wollongong, en Australie, a montré que la séquence archéologique correspondante s'étend de 90 000 à 50 000 ans. Les outils microlithiques les plus anciens de ce site remontent à environ 71 000 ans.
Le changement climatique favorise l'acacia et le silcrète
Ces dates suggèrent qu'un changement climatique a peut-être accéléré la mise au point d'armes de jet performantes. Il y a plus de 71 000 ans, les habitants de PP5-6 fabriquaient des pointes et des lames en pierre à partir de quartzite. Comme l'a révélé Erich Fisher, de notre équipe, la mer était à l'époque proche de Pinnacle Point. Les reconstitutions climatiques et de l'environnement trahissent un environnement caractérisé par de fortes pluies hivernales et une végétation arbustive, comme celui d'aujourd'hui. Mais il y a environ 74 000 ans, le climat de la planète a basculé vers un régime glaciaire. La mer a reculé, exposant la plaine continentale, et les pluies d'été se sont accrues, ce qui a multiplié les prairies grasses et les bois d'acacias. Nous pensons qu'un vaste écosystème à migrations saisonnières s'est alors créé sur la plaine autrefois submergée : les herbivores s'y déplaçaient vers l'est chaque été, puis vers l'ouest en hiver, en suivant à la trace les chutes de pluies et donc les poussées d'herbe fraîche.
On ignore pourquoi, après ce changement climatique, les habitants de PP5-6 ont commencé à fabriquer des armes de jet légères. Était-ce pour abattre des animaux migrant à travers la nouvelle plaine ? Quelle qu'en soit la raison, les individus de cette région ont développé une méthode ingénieuse pour fabriquer leurs petits outils : ils se sont tournés vers un nouveau matériau de base – une roche nommée silcrète – qu'ils ont appris à chauffer au feu afin de faciliter sa taille en lames et lamelles coupantes. Ainsi, une conséquence du changement climatique aurait été l'accès qu'ont eu ces premiers hommes modernes à un approvisionnement régulier en bois de chauffage provenant des abondants acacias, et la fabrication d'outils microlithiques en silcrète qui deviendra une tradition durable.
Nous ne savons pas encore dans quelles armes de jet ces microlithes étaient employés. Marlize Lombard, de l'université de Johannesburg, en a étudié des exemples plus récents trouvés sur d'autres sites. Le fait que les traces d'impact observées sur ces artefacts sont comparables à celles que l'on voit sur des pointes de flèches prouverait que les microlithes sont à l'origine des armatures de flèches. Je ne suis pas tout à fait convaincu, car elle n'a pas étudié les traces d'impact que l'on trouve sur des projectiles lancés au propulseur. Que ce soit à Pinnacle Point ou ailleurs, je pense que le propulseur, un système plus simple que l'arc et les flèches, a précédé ces derniers.
Plus forts avec le poison ...
Je crois aussi que, comme les chasseurs-cueilleurs africains qui ont été étudiés par l'ethnographie, les premiers Homo sapiens ont découvert qu'avec du poison, il était possible d'accroître le pouvoir meurtrier des projectiles. Une mise à mort, en effet, est toujours difficile. C'est blessé qu'un animal devient le plus dangereux, quand il emploie sa dernière énergie à se défendre. Or un projectile paralysant facilite la mise à mort d'une proie. Une telle arme a constitué une avancée technique majeure.
L'association d'armes de jet perfectionnées et d'un comportement hyperprosocial a créé un type nouveau de prédateur : un groupe humain aux membres très coopératifs. Face à un tel superorganisme, plus aucune proie ou ennemi humain n'était en sécurité. Une telle combinaison a par exemple rendu possible la chasse à la baleine, un animal normalement trop puissant pour être pêché. De même, une tribu de cinq cents personnes constituée de vingt clans connectés peut vite devenir une petite armée apte à aller venger l'incursion territoriale d'une tribu voisine.
L'émergence de cet étrange mélange de coopération et de prédation pourrait bien expliquer pourquoi, quand les conditions glaciaires sont revenues il y a entre 74 000 et 60 000 ans et ont à nouveau rendu inhospitalière la plus grande partie de l'Afrique, la population des Homo sapiens a commencé à se disperser. Au lieu de rester confinée à l'extrémité de l'Afrique, comme lors de la précédente période froide, elle s'est répandue en Afrique australe et y a prospéré à l'aide d'une grande diversité d'outils perfectionnés. En effet, lors de cette nouvelle période climatique difficile, les hommes modernes étaient désormais assez bien pourvus en avantages sociaux et en techniques adaptées pour faire face. Les Homo sapiens sont donc devenus les grands prédateurs des terres, avant, un jour, de le devenir aussi sur les mers. Grâce à cette capacité à maîtriser n'importe quel environnement africain, ils ont pu s'aventurer hors d'Afrique et aborder l'Eurasie, puis le reste du monde.
Une tendance à l'agressivité et à la cruauté envers "les autres"…
Il m'arrive d'imaginer la fatidique rencontre des hommes modernes et des Néandertaliens.
Je me représente des chasseurs réunis autour du feu se racontant avec vantardise leurs combats héroïques contre des ours des cavernes ou des mammouths. Un jour cependant, ces récits prirent un tour plus sombre, voire terrifiant : ils témoignaient de l'arrivée d'une nouvelle population d'individus rapides et ingénieux, capables de projeter avec force et précision des lances à des distances incroyables.
La triste histoire de la disparition des Néandertaliens, premières victimes de l'ingéniosité et de l'esprit coopératif des hommes modernes, expliquerait en partie les génocides survenant au sein de notre humanité actuelle. Quand les ressources ou les terres disponibles se raréfient, nous dénommons « les autres » ou « ces gens-là » ceux qui ne nous ressemblent pas ou qui parlent une autre langue. Nous voyons ensuite dans ces différences des raisons de rejeter ou, pire, d'exterminer des humains.
La science a identifié les stimuli qui déclenchent cette tendance à classer des gens comme « autres » et à les traiter cruellement. Mais le fait qu'Homo sapiens ait évolué pour réagir à la pénurie avec cette férocité à l'égard de ses concurrents ne signifie pas que cela doive continuer. La culture peut prendre le dessus, même sur les instincts les plus cruels. J'espère que la prise de conscience des racines anciennes de l'agressivité de nos ancêtres nous aidera à la plus importante de toutes les sagesses : « Plus jamais ça. »