Philosopher, ça s'apprend
Un gorille philosophe. (NARSES SOPHIE/CATERS NEWS AGENCY/SIPA)
Par Bertrand Quentin, philosophe.
Publié le 18 janvier 2019 dans l'OBS
A une époque où tout va si vite, où une information chasse l'autre et où il suffit de se connecter à Wikipédia pour avoir un résumé synoptique de chaque auteur, œuvre, discipline, à quoi bon se plonger encore dans des livres? A une époque où l'opinion est devenue la référence officielle dans les démocraties, qu'est-ce qui justifie encore qu'un individu ait quelque chose à nous apprendre? Ne philosophe-t-on pas naturellement? Descartes ne disait-il pas au début du «Discours de la méthode»: «Le bon sens est la chose du monde la mieux partagée»(1) ?
Friedrich Nietzsche (1844 - 1900) Par delà le bien et le mal
La pensée de Friedrich Nietzsche a questionné de nombreux champs de la philosophie et la plupart des valeurs associées à nos sociétés contemporaines. Refusant la transcendance divine, le monde métaphysique, il s'est intéressé aux raisons qui poussent les individus à agir comme ils le font et à croire ce qu'ils veulent croire. Dans sa vision nihiliste, il a notamment fustigé l'idéalisme et questionné la notion de morale, revendiquant une approche relativiste de concepts érigés en règles absolues
Né à Thuringe d'un père pasteur, il étudie la philologie et la philosophie et enseigne la philologie à l'université de Bâle. Il lit Schopenhauer, se lie avec Wagner dont il s'éloigne lorsqu'il découvre son antisémitisme. Malade, il effectue plusieurs voyages en Italie du Nord. Après sa rencontre avec Lou Salomé (qui refuse ses demandes en mariage), il vit isolé. Il meurt à 56 ans après dix années de prostration dans la maladie mentale
Son oeuvre témoigne d'une pensée en grande évolution. Il tente de surmonter la métaphysique, ses "arrières mondes" ("Dieu est mort"), cherche la valeur des valeurs. La vie est la source de toutes les valeurs, toute représentation d'un monde d'idée au delà du monde sensible est un arrière monde, comme une illusion née de la dépréciation de la vie...
Citation extraite de Ecce Homo :
" Comment devient-on ce que l’on est ? Et c’est là que j’atteins ce qui, dans l’art de l’autoconservation, de l’automanie, est un véritable chef-d’œuvre… En admettant en effet que la tâche, la détermination et le destin de la tâche, ait une importance supérieure à la moyenne, le plus grave danger serait de s’apercevoir soi-même en même temps que cette tâche. Que l’on devienne ce que l’on est, suppose que l’on ne pressente pas le moins du monde ce que l’on est. De ce point de vue, même les bévues de la vie ont leur sens et leur valeur, et, pour un temps, les chemins détournés, les voies sans issue, les hésitations, les « modesties », le sérieux gaspillé à des tâches qui se situent au-delà de la tâche. En cela peut s’exprimer une grande sagacité, et peut-être la suprême sagacité : là où le nosce te ipsum serait la recette pour décliner, c’est s’oublier, se mécomprendre, se rapetisser, se borner, se médiocriser qui devient la raison même (…) Pendant ce temps, l’« idée » organisatrice, celle qui est appelée à dominer, ne fait que croître en profondeur, - elle se met à commander, elle vous ramène lentement des chemins détournés, des voies sans issue où l’on s’était égaré, elle prépare la naissance de qualités et d’aptitudes isolées qui, plus tard, se révéleront indispensables comme moyens pour atteindre l’ensemble, - elle forme l’une après l’autre les facultés auxiliaires avant même de rien révéler sur la tâche dominante, sur le « but », la « fin », le « sens ». – Considérée sous cet aspect, ma vie est tout simplement miraculeuse. »
Pour découvrir sa vie, sa pensée et son oeuvre :
Voyage philosophique, Documentaire video
André Comte-Sponville nous parle de Nietzsche
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Emmanuel Levinas (1905 – 1995) : L'immense responsabilité à l'égard d'autrui
Emmanuel Lévinas est reconnu comme un des philosophes les plus importants du XXème siècle.
Pour Levinas, l'éthique de la responsabilité pour
autrui, doit être reconnue comme la "philosophie première". L’expérience de l’horreur nazie l’amènera à remettre en cause certaines des évidences sous-jacentes de la philosophie occidentale. La tradition juive et l’étude talmudique ont aussi influencé sa pensée.
Pour Levinas, l'éthique n'est pas recherche de perfectionnement ou d'accomplissement personnel mais la responsabilité à l'égard d'autrui à laquelle le moi ne peut échapper : personne ne peut me remplacer dans l'exercice de cette responsabilité. Qu’est ce qu’autrui ? Il n'est ni l'élément d'une espèce, ni un concept ou une substance et ne se définit pas par son caractère, sa situation sociale ou sa place dans l'histoire. Il n'est pas objet de connaissance, de représentation, de compréhension, ni l'objet d'une description. Autrui est d'abord un visage.
Baruch Spinoza (1632-1677)
Un esprit libre et ouvert
Baruch Spinoza est né en 1632 à Amsterdam, issu d’une famille juive marrane ayant fui l’inquisition portugaise. Il étudia le Talmud Thorah, s’imprégna de la culture rabbinique et de philosophie juive (Maimonide notamment). A 24 ans, il est exclu de la communauté par les rabbins. Il est probable qu'il professe, dès cette époque, qu'il n'y a de Dieu que « philosophiquement compris » et que la loi juive n'est pas d'origine divine. Pour gagner sa vie il taille des lentilles optiques pour lunettes et microscopes. Il se rapproche des milieux libéraux actifs, du Parti Républicain de Jean de Witt, découvre les doctrines de nombreux philosophes, dont celle de Descartes qui l’influença fortement malgré certaines divergences. Sa réputation devenant considérable, il est de plus en plus fréquemment attaqué comme athée. Il rédige anonymement le Traité Théologico-politique qui fut interdit par l’église et dans lequel il défend la liberté de philosopher.
Athée ou Panthéiste ?
Pierre Bourdieu (1930 – 2002)
"A chacun son capital économique, culturel, social, symbolique"
Pierre Bourdieu est un des intellectuels français les plus cités et les plus traduits dans le monde. Agrégé de philo, rénovateur de la sociologie, dont il fait un outil d'analyse des inégalités sociales, il était habité d’une curiosité insatiable pour tous les univers sociaux.
Il analyse le monde social comme divisé en champs. Selon lui, La différenciation des activités conduit à la constitution de sous-espaces sociaux : champ politique, champs économique, culturel, artistique, sportif, religieux, etc.
Ils sont hiérarchisés et leur dynamique provient des luttes et compétitions que se livrent les agents sociaux pour y occuper les positions dominantes. Les interactions se structurent en fonction des atouts et des ressources que chacun des agents mobilise, c’est-à-dire de son capital, qu’il soit économique, culturel, social ou symbolique.
Montesquieu (1689 -1755)
Le précurseur de la séparation des pouvoirs
Charles-Louis de Secondat, baron de La Brède et de Montesquieu, connu sous le nom de
Montesquieu, né le 18 janvier 1689 à La Brède (à côté de Bordeaux), mort le
10 février 1755 à Paris, est un moraliste et surtout un penseur politique, précurseur de la
sociologie, philosophe et écrivain français des Lumières
Montesquieu est l'un des penseurs ayant inspiré le principe de séparation des pouvoirs, aujourd'hui encore considéré comme un élément essentiel des gouvernements républicains et démocratiques.
Condorcet 1743 - 1794
Philosophe des « Lumières », des libertés et du progrès
Né à Ribemont (Aisne) en 1743, il perd son père la même année lors de manœuvres en Alsace. Sa mère, très dévote a voué son enfant à la Vierge, l'élève et l'habille en fille jusqu'à 9 ans et confie son éducation à un précepteur jésuite à domicile, puis, grâce à l'intervention de son oncle paternel évêque de Gap, Auxerre et Lisieux, est formé au collège des Jésuites de Reims à onze ans. Il est envoyé à quinze ans au collège de Navarre à Paris. Par réaction à cette éducation religieuse, il fera partie de la première génération des idéologues.
Condorcet se distingue rapidement par ses capacités intellectuelles. À l'âge de 16 ans, ses capacités d’analyse sont remarquées par d'Alembert et Clairaut,. Il devient l’élève de d’Alembert et soutient à sa thèse de mathématiques.
Voltaire (1694 – 1778)
La liberté d’expression au service des Lumières
Voltaire, de son vrai nom François-Marie Arouet est né à Paris, dans un milieu bourgeois et aisé. Dernier fils d’un notaire parisien, il perd sa mère à l'âge de sept ans. Il étudie au collège des Jésuites Louis Legrand, fait de brillantes études de rhétorique et de philosophie et se destine à une carrière littéraire, contre la volonté de son père, qui pensait qu'il ne pourrait pas vivre de ses écrits. Il fréquente les salons littéraires et la haute société parisienne.
Deux séjours à la Bastille
Claude Levi-Strauss (1908 - 2009)
Un regard éclairé sur les sociétés humaines
Pour cet agrégé de philosophie devenu ethnologue, il existe une multiplicité de critères pour juger des sociétés humaines et de leur réussite et c’est une erreur de vouloir appliquer les normes de nos sociétés occidentales et industrielles au monde entier. Son anthropologie met au jour les écarts, les différences qui rendent le monde pluriel. Son regard ouvert et multipolaire englobe aussi la nature. L’anthropologie « appelle à la réconciliation de l’homme et de la nature dans un humanisme généralisé ».
Diderot (1713 – 1784)
Entre raison et sensibilité
Tricentenaire et pourtant si moderne, du rationalisme au culte de l’instinct et de la passion, Diderot est représentatif du tournant du siècle des Lumières. Esprit universel, il croit en la « Science de toutes les sciences », la philosophie, qui, en synthétisant toutes les connaissances, peut mener au progrès de l’humanité.
Né en octobre 1713 dans une famille d’artisans, (père maître coutelier) et bien que destiné par sa famille à l’état ecclésiastique, tonsuré et confié aux jésuites de Langres, il poursuit ses études es arts à l’Université de Paris et mène une jeunesse bohème, ponctuée de métiers divers, enseigne les mathématiques, travaille chez un procureur... Il se lie avec Jean-Jacques Rousseau et Grimm et épouse une lingère, Antoinette Champion qui lui donne une fille.
Thomas Hobbes (1588 – 1679)
"L’homme est un loup pour l’homme" »
Philosophe anglais, le plus vigoureux et le plus original parmi les maîtres modernes de la sociologie. Il entra à Oxford en 1605; là il prit en haine le régime intellectuel des universités ainsi que leur esprit de fanatisme religieux. Son traité le plus connu, Léviathan (1651) fit scandale. En 1667, il est un des écrivains nommément visés par l'Unbill des Communes, voté sous l'émotion causée en Angleterre par le double fléau de la grande peste et de l'incendie de Londres. Thomas Hobbes est l'un des premiers philosophes qui fonde la légitimité du pouvoir sur autre chose que la religion ou la tradition. Il fonde l'ordre politique sur un pacte entre les individus, et fait de l'homme un acteur décisif dans l'édification de son monde social et politique. L'homme mû principalement par la crainte et le désir doit ainsi sortir de l'état primitif et fonder un état artificiel sur les bases de la raison : c'est le passage de l'état de nature à l'état de droit civil.
Epicure (né fin -342 mort en -270)
Une éthique de la sagesse
Philosophe grec, il est le fondateur, en -306, de l'épicurisme, l'une des plus importantes écoles philosophiques de l'Antiquité.
En physique, il soutient que tout ce qui est se compose d'atomes indivisibles. Les atomes se meuvent aléatoirement dans le vide et peuvent se combiner pour former des agrégats de matière. L'âme en particulier serait un de ces agrégats d'atomes, et non une entité spirituelle, notamment d'après son disciple Lucrèce. En éthique, le philosophe grec défend l'idée que le souverain bien est le plaisir, défini essentiellement comme « absence de douleur ». En logique ou épistémologie, Épicure considère que la sensation est à l'origine de toute connaissance et annonce ainsi l'empirisme. De ces trois aspects, c’est l’éthique qui apparait comme le plus reconnu généralement par ceux qui se reconnaissent « épicuriens ».
Le hasard en mathématiques : de Pascal à Kolmogorov
Benoit Rittaud, maître de conférences de l’université Paris XIII, a retracé quelques grands moments de l’histoire du hasard en mathématiques. C’était à Livry-Gargan et nous avons noté pour vous :
Dès l’antiquité, dès l’époque Babylonienne, la notion de hasard était
Jean Jacques Rousseau (1712 – 1778)
Précurseur, novateur, hypersensible
Philosophe et écrivain du Siècle des Lumières, il est considéré comme le précurseur des valeurs essentielles de l'ère moderne : les idées de liberté, d'égalité, les grands thèmes de la littérature et des sciences humaines comme la sincérité et le rapport à la vérité. Il eut une influence sur la Révolution Française mais des théoriciens de la contre-révolution (Joseph de Maistre, Louis-Gabriel de Bonald) se réclament eux aussi de Rousseau. Arthur Schopenhauer le qualifiait de « plus grand des moralistes modernes »