Promenade philosophique dans le monde de la musique

 

La soirée fut agréablement ponctuée de musique jouée par le talentueux pianiste-compositeur Jean-Claude Soldano 

Introduction au sujet

 « La vie sans musique est tout simplement une erreur, une fatigue, un exil » nous dit Frédéric Nietzsche  (1844 – 1900) qui s’est beaucoup penché sur cet art.

 Depuis l’aube de l’humanité, à travers le temps, à travers les pays, la musique, telle une  langue universelle ancrée dans  le subconscient des hommes, dispense plaisir, ivresse mais aussi constitue un mode d’expression qui raconte le monde : un monde qui pleure, qui rit, qui aime, qui a peur, la tristesse, la joie, la violence, la liberté, le mouvement, le changement, le rêve, la beauté …

 

Elle en dit long sur le monde, elle en dit long aussi sur l’individu.  

Toutes ces choses et bien d’autres, résumées par  Victor Hugo : « La musique est dans tout. Un hymne sort du monde ». (Victor Hugo 1802 - 1885)

Déjà 5 siècles avant notre ère Platon (428-348) voyait en la musique  « une loi morale ; elle donne une âme à l’univers, des ailes à la pensée, un essor à l’imagination, un charme à la tristesse, de la gaieté et de la vie à toute chose. Elle est l’essence de l’harmonie, qu’elle rétablit et élève vers tout ce qui est bon, juste et beau dont elle est, bien qu’invisible, la forme éblouissante, passionnante, éternelle » .

Cependant la musique n’est pas que plaisir de l’oreille. Dans le monde antique, des sciences nouvelles comme l’astrologie apportent l’idée qu’il y a un ordre intelligible de l’univers. Dans le domaine de la musique, la découverte de la nature mathématique de l'organisation des sons qui bouleversent l'âme vient confirmer la puissance du nombre et de la raison jusque dans l'irrationnel. Du Vrai, révélé par les nombres, du Beau, perçu par la sensibilité esthétique, et du Bien, résulte une harmonie entre la raison, les passions et les désirs, harmonie qui au niveau de la société, fait apparaître la possibilité d'une cité juste, fondée sur la loi morale plutôt que sur la force. Cependant il y a une mauvaise musique exaltée, emportée, associée au culte dionysiaque qui peut précipiter l’âme vers la bestialité ou l’ivresse extatique, inciter au mépris des lois. Elle doit être bannie à cause de ses conséquences morales sur l’individu et sur la politique de la cité. Esthétique, morale et politique sont-elles ainsi liées. L’artiste a le devoir de mettre son art au profit de la cité juste, comme le philosophe il est un éducateur et doit servir de guide aux prisonniers de la caverne qui ne voient pas la lumière.

 Approche très différente, celle de Francis Wolf, professeur à l’École normale supérieure, spécialiste de philosophie antique. Pour lui aussi la musique nous fait sortir de la caverne, mais pas du tout d’une manière rationnelle. Elle incite à une attitude esthétique et contemplative, elle advient tel un événement pur, créant un monde imaginaire :

«  Notre question n’est pas « qu’est-ce que c’est ? » mais « que se passe-t-il ? », puis « d’où ça vient ? »   (…)

Le visuel, est l’univers des choses (« qu’est-ce que ? »)

Le sonore est l’univers des événements (« que se passe-t-il ? »), « pourquoi ? », « comment  »)

Il y a deux façons de sortir de la caverne : l’une platonicienne et cognitive qui consiste à se retourner vers les causes, donc les choses en soi et leur mouvement ;

 L’autre, esthétique, qui consiste d’abord à contempler les sons, à les distinguer, et bientôt à les produire soi-même, en frappant dans ses mains, en battant des pieds, en jouant de la voix, du souffle… Voilà la musique ! La musique, c’est faire. Dit plus savamment : la musique crée « un monde imaginaire d’événements purs », sans choses.

Pourquoi la musique ? Pour rien, pour tout, pour « sortir de la caverne où nous ne faisons que vivre », pour « chanter, danser, être ensemble. Pleurer seuls, lorsque la musique nous impose son silence »…

Quelques propos notés au fil de la discussion, 

Le langage de la musique est-il universel ?

C’est le fait musical qui est universel, pas la musique ni l’appréciation des œuvres. Par exemple pour certains la musique chinoise n’est que du bruit incompréhensible, pour d’autres, le Sacre du Printemps. ..

L’appréciation de la musique dépend de la sensibilité de chacun.

Elle peut être fédératrice, réunir des gens d’âge, d’expérience, d’origine ethnique différente… Faire vivre quelque chose de commun

Chacun utilise la musique à sa façon, en fonction de sa sensibilité et dans certaines occasions elle unit.

La musique a toujours été utilisée pour les événements de la vie, mariages, funérailles, le muezzin, les moines tibétains, le travail : l’origine du jazz vient de la scansion pour marquer la cadence du travail.

La musique suspend la pensée, permet d’accéder à une existence sur un autre mode que le discours, permet d’adhérer à la vie d’une autre façon.

La musique comme art

La musique a été considérée comme un art tardivement, au Moyen Age. Dans l’Antiquité elle était classée avec les mathématiques. Aristote dans la Métaphysique dit : « Tout ce qu'ils pouvaient montrer dans les nombres et dans la musique qui s'accordât avec les phénomènes du ciel, ses parties et toute son ordonnance, ils le recueillirent, et ils en composèrent un système ; et si quelque chose manquait, ils y suppléaient pour que le système fût bien d'accord et complet ».

Pour les pythagoriciens la science des sons est une des quatre sciences de la mesure, supérieure aux mathématiques car elle s'appuie sur la justesse, si vous essayez de terminer l'opération de diviser 10 par 3 en mathématiques vous ne pouvez terminer cette opération alors que le temps musical le permet.

La science des sons était éthique et médicale et servait à calmer les passions humaines et à remettre les facultés de l'âme à leur juste place (Pythagore).

Pourquoi faire de la musique ?

Comment la comprendre, percevoir ses émotions, joie, tristesse,, souffrance, nostalgie, sérénité, puissance… les sentiments expérimentés sont très variés.

Cependant Spinoza nous enseigne qu’il est préférable de tendre vers les passions ou affects joyeux : gaieté, courage, générosité, gratitude que vers les passions tristes : Peur, colère, jalousie, envie …

Alors, Pourquoi écouter des musiques tristes ?

Cela dépend de l’état d’esprit, de l’envie d’être triste ou gai

Pour entrer en résonnance avec son sentiment de tristesse

Pour exprimer l’inexprimable, ce que l’on ressent

Pour un partage avec le compositeur

On peut être heureux d’être bouleversé…

Mais surtout, parce que l’on cherche la beauté… Si la musique est triste, c’est précisément qu’elle est réussie. Quand on est en souffrance, elle nous permet d’être en résonnance, en synthonie, en harmonie avec nos états d’âme

La musique sublime le moment que l’on vit – Sublimer selon Freud est une énergie vitale, la libido se transforme en idée créatrice, productrice. Ce changement d’état génère la culture, produit de la civilisation

Aspect spirituel de certaines musiques, on lui a attribué un pouvoir spirituel, divin, transcendant.

L’art du son c’est l’art du temps, des rythmes, apparentés à la tonalité vitale.

Comme la conscience, la mémoire, l’existence, la musique est temporelle

On réalise une œuvre musicale avec des sons, des vibrations, tout est vibration

Pourquoi compose-t-on de la musique ? Pourquoi écoutons-nous de la musique ?

Que cherchons-nous ?

Ce serait une erreur que d’essayer d’expliquer la musique par autre chose qu’elle-même, des messages, des théories, des sentiments, une quelconque utilité.  On cherche d’abord et avant tout la musique. On peut avoir en plus l’harmonie, la spiritualité, etc..

Nous faisons et nous écoutons de la musique parce que tout simplement, nous en avons besoin. Alors laissons nous aller au bonheur d’être transportés par sa magie…

_____________________________________________________________