Plusieurs thèmes ont été abordés durant les échanges :

1 - Distinction entre l’amour et l’amitié :

Les amis se choisissent pour la réciprocité de leurs échanges dans une relation forte et durable,

tout en ayant par ailleurs une vie « privée ».

Souvent dans ce que l’on appelle l’amour il y a un surinvestissement affectif et une dépendance irrationnelle de l’un envers l’autre ou vice et versa.

Il arrive parfois, entre 2 personnes, que le sentiment amoureux partagé  soit vécu simultanément  avec une sincère amitié réciproque.

 Il arrive aussi que l’amour accapare trop pour laisser de la place à des relations amicales.

 2-  Comment se forme le lien d’amitié

 

Plusieurs personnes ont relaté la construction progressive de leur amitié à travers le travail ou les loisirs vécus en commun.

Une rencontre peut installer d’emblée une amitié, mais il faut qu’elle soit le chemin d’une histoire commune  pour exister dans la durée.

 3 - Quelles sont les façons de vivre et poursuivre une relation entre amis

Depuis l’école, puis à l’adolescence où les amis servent d’appui pour se « séparer » des parents, en passant par l’âge adulte ou plus tard, il n’y a pas de saison pour se faire des amis.

Un jeune homme évoque le fait que l’on reconnaît une amitié solide lorsque la présence de l’ami suffit et que le silence entre eux est possible sans provoquer de la gêne.

L’on peut se revoir des années après une perte de contact et se sentir liés par une amitié intacte.

Il y a aussi des amitiés  qui s’effacent, car la vie « sépare  ceux qui s’aiment, tout doucement, sans faire de bruit… »

 4- Les relations « avec nos amis » sur les réseaux sociaux

Les jeunes gens présents ont expliqué :

-          Les amis sur « facebook » sont souvent de simples relations avec qui ils échangent des points de vue ou des infos.

-          Leurs vrais amis sont ceux qu’ils fréquentent « en vrai », par la présence physique, les regards, les paroles échangées, les réunions, les sorties etc…

-          L’on peut avoir plusieurs amis et proposer la même activité à n’importe lequel sans distinction.

 5- Attention, il peut y avoir des amitiés « toxiques » :

Cela est provoqué par la prise de pouvoir de l’un sur l’autre, où de plusieurs sur le plus faible.

Dans ces cas la maltraitance psychologique est une perversion de la relation d’amitié, qui a servi d’alibi pour l’exercice d’un sadisme dangereux. Il faut dans ce cas avoir la force de demander de l’aide à l’extérieur du  groupe.

 6- Et le point de vue de 2 philosophes :

 Seule l'amitié fondée sur la vertu est authentique

Aristote (384-322 av.J.-C.), dans l’Ethique à Nicomaque (Livre VIII, 1) définit l’amitié (philia, en grec) comme une « vertu », en même temps qu’il estime qu’elle est "ce qu’il y a de plus nécessaire pour vivre". Il en distingue cependant trois espèces, selon que cette amitié se fonde sur l’utilité, sur le plaisir ou sur la vertu.
"Ceux dont l’amitié réciproque a pour source l’utilité ne s’aiment pas l’un pour l’autre pour eux-mêmes, mais en tant qu’il y a quelque bien qu’ils retirent l’un de l’autre" (VIII, 3). Aristote explique que les vieillards, les jeunes hommes et les hommes mûrs sont enclins à ce type d’amitié, sans donner vraiment davantage de précision. Les vieillards sont cependant particulièrement concernés : "car les personnes de cet âge ne poursuivent pas l’agrément, mais le profit". Bien qu’également concernés par cette amitié basée sur l’utilité, les « jeunes gens » sont néanmoins plus enclins à rechercher l’amitié pour le plaisir que celle-ci peut leur procurer : "car les jeunes gens vivent sous l’empire de la passion, et ils poursuivent surtout ce qui leur plaît personnellement et le plaisir du moment". Les jeunes sont versatiles, aussi bien, précise Aristote, en amitié qu’en amour. Les sentiments, à cet âge, sont donc passagers et fragiles.
L’amitié fondée sur la vertu représente, seule, l’amitié authentique. Elle concerne peu de monde ; peu de gens souhaitent en effet du bien à leurs amis « pour l’amour de ces derniers ». Autrement dit, l’amitié pure, désintéressée, est rare.

L'amitié parfaite est un idéal de référence

Kant (1724-1804), de son côté, donne de l’« amitié parfaite » (que l’on pourrait comparer à l’amitié fondée sur la vertu, telle que la définit Aristote) la définition suivante : "L’amitié (considérée dans sa perfection), est l’union de deux personnes par un amour et un respect égaux et réciproques"  (Doctrine de la vertu, §46). Mais Kant précise aussitôt qu’il s’agit là d’« une simple Idée », c’est-à-dire d’un idéal. S’il est moralement nécessaire de concevoir cet idéal, il reste néanmoins « irréalisable dans quelque pratique que ce soit ». Kant suppose en effet que l’amitié est rarement répartie, entre deux individus, de manière égale. L’amitié requiert un « harmonieux équilibre » entre l’amour et le respect d’une part ; mais d’autre part, l’amitié « idéale » voudrait que chacun des deux amis ait à l’égard l’un de l’autre la même quantité harmonieuse d’amour et de respect, c’est-à-dire la même quantité d’« attraction » et de « répulsion ». Kant nomme « répulsion », en fait, ce qui fait que deux amis se respectent. Car même les meilleurs amis ne doivent pas se traiter familièrement. S’il doit y avoir de l’amour dans l’amitié, celle-ci ne peut être une affection (nous comprenons : une passion), car l’affection est aveugle en son choix et se dissipe par la suite. L’amour comme affection, comme passion, est inconstant. L’amitié, en son essence, ne saurait l’être.

 

Petit traité pratique de l’amitié (selon nous).

L’amitié est une des belles réalités de la vie. Que serait la vie humaine s’il n’était pas possible de se lier d’amitié? Autant l’amitié est belle, autant elle peut être source de souffrances. Qui n’a pas été déçu des comportements d’un ami ou de celui qu’il croyait être tel?

L’amitié pour mériter ce nom doit être réciproque.

 

Il y a au moins trois motivations possibles dans le lien amical :

 1-      soit pour l’entraide, les services que l’un et l’autre peuvent s’apporter :

L’homme a tellement de besoins à satisfaire qu’il est normal de faire appel aux autres. 

Souvent des personnes se connaissent d’abord dans un contexte qui se prête à l’échange de services (au travail, à l’école, dans un organisme). Ce premier lien est clairement utile (s’entraider dans les matières scolaires ou pour le travail). Par la suite, tant qu’à  collaborer pourquoi ne pas le faire en s’amusant? Enfin, à force de se connaître, les qualités de chacun deviennent plus évidentes ce qui ouvre la porte à la possibilité de s’aimer pour ce que l’on est.

 2-      soit se fréquenter  pour les plaisirs vécus en commun 

Le plaisir occupe une grande place dans la vie, il est décuplé en le partageant avec d’autres.

Une amitié motivée par le plaisir (par exemple, pratiquer un sport ensemble) peut conduire à l’occasion à rendre des services au coéquipier, tout comme ouvrir la porte à l’amitié véritable dans la mesure où le sport permet  à chacun de dévoiler ses qualités. Dans l’amitié utile et de plaisir, il arrive de passer beaucoup de temps ensemble et donc de croire à un lien plus profond. La longueur du temps en commun ne garantit pas pour autant le passage automatique à l’amitié véritable.

 3-      soit enfin, parce qu’on a rencontré l’âme sœur, l’ami véritable :

Qui ne souhaite aimer et être aimé pour lui-même?

Bien que de vrais amis passent bien du temps ensemble, se rendent des services et savent savourer des moments de plaisir, ce n’est pas d’abord pour ces raisons qu’ils sont liés. Ils s’aiment avant tout pour ce qu’ils sont.

L’amitié véritable n’est possible qu’entre des êtres matures, responsables, équilibrés et généreux  puisqu’elle implique une totale confiance en l’autre, un désir de vivre dans la vérité et de vouloir fermement le bien de l’autre.

Aimer l’autre pour lui-même suppose de bien se connaître, exige les qualités dont il été question plus haut, elle prend  donc forcément du temps à s’établir. Lorsque le lien est formé, il ne se rompt pas facilement et perdure dans le temps. Si  l’un des deux doit déménager, la force du lien montre que ni l’espace, ni le temps ne saurait avoir raison de lui.

L’amitié véritable requiert une qualité fondamentale : l’humilité. L’humilité consiste à avoir suffisamment confiance en soi pour porter un regard réaliste sur sa personne : sans amoindrir ses qualités, ni gonfler ses défauts.

A notre avis, il faut  préciser un aspect de l’amitié véritable qui est primordial : c’est le respect mutuel.

Cela implique une maturité de part et d’autre. En amitié vraie, chacun respecte les limites de l’autre, son jardin secret, son espace de liberté. Sous prétexte d’une amitié ancienne ou d’une « connaissance mutuelle » on ne peut se donner le droit d’envahir l’autre, de s’en accaparer ou de faire ce que l’on veut de (et chez) lui. Il arrive que par crainte de perdre un(e) ami(e) en vertu de tout ce qu’il (elle) a fait pour soi, l’on n’ose pas mettre nos limites et qu’après des années seulement, un peu de distance est demandé. Alors, si cet ami manque de maturité, il va s’ériger en victime et refusera la discussion objective et franche. Ainsi, je pense que l’amitié est essentiellement respect mutuel et qu’elle doit tenir compte de l’avis de l’autre qui ne peut toujours être un « oui ».

 La véritable amitié existe, elle est le cadeau acquis grâce à  des qualités personnelles dont nous avons parlé :

sens des responsabilités, équilibre personnel, maturité et générosité, humilité, respect de l’autre.

Il est possible de s’appliquer à développer ces qualités, puis de les mettre en œuvre dans une nouvelle relation que nous sentons d’une qualité rare, et ainsi elle deviendra une amitié véritable.