Réflexion sur le transhumanisme

 

L’humanité serait-elle en marche vers le meilleur des mondes  ?

 Depuis le 17ème siècle, les Hommes vivent trois fois plus longtemps. Certains chercheurs travaillent aujourd’hui à atteindre l’immortalité ….

 Le transhumanisme est un mouvement culturel et philosophique qui prétend qu'il est souhaitable et  possible, d'améliorer l’humanité par la science, la technologie, les biotechnologies, l’électronique, la robotique et aussi la spiritualité, de la libérer de ses limites biologiques, de surmonter l’évolution naturelle. Cela pourrait signifier changer l'humain, le libérer des contraintes de sa condition, comme le handicap, la souffrance, la pauvreté, la maladie, le vieillissement, la mort...

 En quelques décennies nous aurons radicalement modifié notre rapport aux technologies, à l’intelligence, aux savoirs.. 

 Espoir, inquiétudes, réalité, fiction ? d’innombrables et passionnantes questions se posent sur ces perspectives.

Introduction au sujet

 

  Le transhumanisme, est un courant de pensée, lancé par des futurologues américains, puis soutenu par les géants de la high-tech, qui voient dans la technologie la réponse à tous les maux du siècle, jusqu’à résoudre le mal ultime, la mort elle-même

  Schématiquement, les transhumanistes ont 3 objectifs :

 -           Mettre fin à la mort,

 -           augmenter les capacités humaines,

 -           développer l’intelligence artificielle en l’interfaçant avec le cerveau humain.

  1)      Les principales « figures » du transhumanisme, (ce qui explique l’aspect un peu hétéroclite de ce courant).

  -          Les penseurs :

  Ray Kurzweil. Considéré comme le "pape" de la discipline. Ingénieur de métier, il est professeur au Massachusetts Institute of Technology (MIT) et a été embauché par Google en 2013 comme directeur de l'ingénierie. A créé la Singularity University. "Les machines (...) deviendront équivalentes à nos capacités biologiques et les dépasseront", assure-t-il.

 -  Nick Bostrom. Philosophe de formation, il a fondé la World Transhumanist Association (WTA) en 1998, devenue Humanity +. Il a écrit Superintelligence, où il se positionne sur l'intelligence artificielle et ses conséquences. "Nous pourrions vivre des vies meilleures par l'utilisation raisonnée des technologies", pense-t-il.

 -  Max More. Président d'Alcor, la plus grande société de cryogénisation A la fin des années 1980, il a lancé le mouvement extropien, (qui prône une foi en un progrès illimité. Il est typique du Courant extrémiste. "Nous remettons en question le caractère inévitable du vieillissement et de la mort"

  -          Des financiers

  Sergey Brin. Fondateur de Google, il n'a jamais cessé de soutenir la recherche pour lutter contre le vieillissement. Un choix assumé : avec son compère Larry Page, il a poussé à la création de Calico, l'entreprise fer de lance de Google dans le domaine de la santé. "Vaincre le cancer [...] ne serait pas une si grande avancée", analyse-t-il. 

 Peter Thiel. Créateur du site de paiement en ligne PayPal et une des têtes pensantes de la Silicon Valley. Il ingurgite quotidiennement des hormones pour ralentir son processus de vieillissement et a montré un vif intérêt pour la cryogénisation. Selon lui, "il est impossible de fixer a priori les limites de notre durée de vie". 

  Larry Ellison. Fondateur d'Oracle, considéré comme l'un des individus les plus riches de la planète.. ""La mort n'a jamais eu de sens pour moi", confie-t-il. 

  -          Des scientifiques

 Aubrey De Grey. Ce "bio gérontologue" entend guérir le vieillissement, considéré comme une simple maladie. A créé la Fondation Sens, qui travaille à l'ingénierie d'une « sénescence négligeable", dont le siège a été installé dans la Silicon Valley, près de celui de Google. "La première personne qui vivra mille ans est déjà née", annonce-t-il. 

 Bill Maris. Diplômé en neurosciences, il dirige Google Ventures, spécialisé dans la lutte contre le cancer. Ce fonds d'investissement aurait des parts dans plus de 280 start-up, pour un montant estimé à plus de 400 millions de dollars. Sa spécialité : la lutte contre le cancer. Selon lui, "la médecine doit sortir de l'âge de pierre". 

 Ken Hayworth. Neurobiologiste, diplômé de Harvard, il a monté la Brain Preservation Foundation. En 2012, il annonçait vouloir se suicider par injection létale pour ressusciter son esprit dans une enveloppe cybernétique. "La condition humaine m'énerve, dit-il. Nous avons une durée de vie très courte". 

 -          Des « anticonformistes »

 Natasha Vite-More. Présidente du mouvement Humanity +, la femme de Max More possède une plastique irréprochable et totalement refaite. Elle développe le concept de "primo-post humain" avec l'idée de posséder un corps prothétique (composé de prothèses). "Un jour, nous aurons un corps alternatif", affirme-t-elle. 

 Martine Rothblatt. Martin est devenu Martine à 40 ans, après un long traitement aux hormones. A la tête de plusieurs entreprises, elle est un des PDG le mieux payé du pays (salaire 2015: 38 millions de dollars). Elle a créé son propre mouvement transhumaniste (Terasem). Elle en est convaincue : "Des programmes aussi [...] accessibles qu'iTunes permettront de faire revivre une personne d'une autre façon". 

 Dimitry Itskov. Milliardaire, il a lancé le projet Avatar, qui vise à transplanter un cerveau humain dans un corps robotisé (le sien). Avec l'espoir ultime de créer un avatar-hologramme identique à l'homme. Il aurait embauché 30 chercheurs pour mener à bien son aventure messianique et délirante. "L'immortalité est un effet secondaire", considère-t-il.

 2)     Introduction

 Le transhumanisme est une approche interdisciplinaire qui cherche à évaluer les possibilités de surmonter les limites de l'homme grâce aux progrès technologiques.

 Les conséquences d'une telle évolution préoccupent peu le mouvement transhumaniste qui est porteur d'un optimisme et d'une vision de l'homme complètement différente de celle de la tradition occidentale.

  L'homme est vu comme un être insuffisant et limité qui peut être amélioré et dont les capacités doivent être augmentées. C'est la vision modeste d'un l'homme qui n'est en rien parfait ou divin.

 Le développement technique permet d'augmenter les capacités et possibilités de l'homme depuis toujours. Ce n’est donc pas une démarche toute récente

 On y retrouve la métaphysique de la Gnose de la haute antiquité qui annonçait que la Création, avortée du fait de puissances maléfiques, pourrait être achevée et pleinement réalisée grâce aux savoirs et aux techniques. C'est le vœu d'immortalité qui trouve une nouvelle formulation. Grâce à sa fusion avec la bio-informatique l'homme pourra, peut être, accéder à l’immortalité et égaler les Dieux…

 La philosophie transhumaniste trouve une partie de ses racines dans l'humanisme de la Renaissance et dans la philosophie des Lumières. Pic de la Mirandole appelle ainsi l'homme à « sculpter sa propre statue » et avant lui Plotin (+ 270 apr. J.-C. philosophe gréco-romain de l'Antiquité tardive) : « Si tu ne vois pas encore ta propre beauté, fais comme le sculpteur d’une statue qui doit devenir belle : il enlève ceci, il gratte cela… De la même manière, toi aussi, enlève tout ce qui est superflu, redresse ce qui est oblique » (Énnéades).

 Plus tard, Condorcet (18è siècle) spécule quant à l'application possible des sciences médicales à l'extension infinie de la durée de vie humaine.

 Des réflexions du même ordre se retrouvent chez Benjamin Franklin, qui rêve de pouvoir interrompre et relancer le cours de la vie en temps voulu.

 Par ailleurs d'après Darwin, « il devient très probable que l'humanité telle que nous la connaissons n'en soit pas au stade final de son évolution mais plutôt à une phase de commencement ».

 Chez Nietzsche, il forge la notion de « surhomme », mais il n'envisage absolument pas la possibilité d'une transformation technologique de l'Homme mais plutôt celle d'un épanouissement personnel.

 Cette possibilité a été valorisée sous le terme générique de "progrès" par la modernité, mais il y a quelque chose de nettement différent dans le transhumanisme.

 Le rapport à la technique prend un autre tournure avec les "nouvelles technologies" qui sont beaucoup plus proches du corps de l'homme.

 Avec les progrès de la biologie et du numérique, la frontière entre l'homme et les artefacts s'estompe. L'individu peut entrer en symbiose étroite avec des artefacts intelligents à titre individuel ou collectivement via internet.

 Cette volonté d'augmentation par symbiose soulève des questions scientifiques, sociales et éthiques nouvelles. L'homme sera, peut être, désormais en mesure d’intervenir techniquement sur sa propre évolution, non seulement à l’échelle de l’individu, mais encore à celle de l’espèce.

 Il ne s’agit plus seulement « d'augmenter les capacités et possibilités de l'homme », mais de revisiter rationnellement le concept d’eugénisme ! Les progrès technique exigent que nous nous demandions ce que nous voulons faire par rapport à l’humain, et pourquoi.

 Quelques sujets abordés durant le débat 

Les mythes illustrent les rêves des humains depuis la nuit des temps, par exemple :

-   Le mythe de Prométhée : dérober le « Feu sacré» c’est à dire voler La Connaissance aux dieux

-  L’Odyssée d’Homère : Ulysse refuse l’immortalité et la jeunesse éternelle proposées par Calypso

-  Le Faust de Goethe : Le mythe de Faust est l'histoire fictive d'un savant alchimiste qui a passé un pacte avec le Diable. Il donna son âme pour avoir la connaissance universelle, percer les mystères du monde et jouir de tous les plaisirs défendus.Cette histoire a pour origine un conte allemand qui relate le destin d'un savant, Faust, contractant un pacte avec le Diable, Lucifer, qui met à son service un de ses Esprits ( Méphistophélès), lequel lui procure un serviteur humain, l'étudiant Wagner, qui devient son famulus - et lui offre une seconde vie, tournée cette fois vers les plaisirs sensibles, au prix de son âme. Dans la plupart des versions populaires l’âme de Faust est damnée après sa mort, qui suit une longue période (24 ans précisent certains textes) durant laquelle le Diable a exaucé la plupart de ses vœux.

-  Mary Shelley : la créature du scientifique Victor Frankenstein échappe à son maître.

 La démarche transhumaniste pose de mutliples questions, éthiques, sociales, par exemple :

 - vivre très longtemps, oui mais dans quelles conditions ? cela ne paraît souhaitable que si l’on garde toutes ses capacités, et que l’on ne souffre pas

- Serons-nous trop nombreux sur terre si tous nous vivons 120 ans ?  il n’y a pas de réponse car aucune expérience de cette configuration démographique n’a été faite.

- Risque de devenir couard, peur de mourir par accident

- Cependant il est absurde de penser que l’éternité serait ennuyeuse…

- Risque d’élitisme : Des catégories de gens pourront payer ces artefacts et devenir supérieurs à ceux qui ne pourront les acquérir.

- Question sur l’identité et les rapports entre le corps et le cerveau : Comment  un corps « augmenté » par des « organes artificiels » pourrait-il garder son âme, son identité ?  Le corps et l’âme sont-ils dissociables ? si l’âme se situait ailleurs que dans le corps, ses émotions, sa pensée produite par le cerveau, il n’y aurait aucun inconvénient à changer toutes les parties de ce corps.

- Est-ce seulement lorsque l’on « appareille » le cerveau, chimiquement ou numériquement, que le problème se pose ? nous vivons dans un « bain de paroles et de bruit » qui influencent nos pensées, il est possible qu’un « matériel » implanté dans le cerveau soit moins dangereux qu’une idéologie meurtrière

- L’identité d’une personne est constituée par la mémoire de son histoire et ses projets, mais si une « greffe » d’une partie du cerveau aboutit à le contrôler à distance, que devient-il ? un zombie ?

Là est la vraie question : où se trouve la limite entre l’ajout de capacités et la manipulation ?

Pourquoi les robots « intelligents » et les « puces implantables » nous font-ils peur ?

Condorcet et d’autres philosophes du 18è siècle fondaient de grands espoirs dans le progrès moral et matériel de l’Humanité et le développement des sentiments de paix, de générosité etc. Est-ce que nous n’y croirions plus ?

 Actuellement nous utilisons déjà des procédés pour « augmenter » notre puissance, améliorer les conditions de vie et la santé :

Cependant il convient de distinguer l’homme amélioré (la technologie, les progrès de la médecine, greffes d’organes,  etc) et l’homme augmenté (transhumanisme)

Un exemple pour comprendre ce distingo : la médecine actuelle permet une meilleure vue alors que les transhumanistes ambitionnent d’obtenir la vue la meilleure

On effectue des manipulations génétiques pour implanter des puces électroniques, utiliser des cellules souches, des prothèses performantes etc.

Tout cela aide à améliorer les capacités physiques humaines et lutter contre la maladie et le handicap.

Les coûts baisseront de plus en plus, les progrès médicaux permettront de lutter contre des fléaux qui tuent chaque année des milliers d’humains (paludisme, chicungunia etc.)

Les NBIC (Nanotechnologies - Biotechnologies – Informatique - Sciences Cognitives) :

Certains utilisent la notion de « grande convergence » pour souligner l’interconnexion croissante entre « l'infiniment petit (N), la fabrication du vivant (B), les machines pensantes (I) et l'étude du cerveau humain (C) 

Dans le domaine médical et de l'informatique, un des défis que les NBIC cherchent à relever est d'acquérir l'autonomie par la commande directe du cerveau, assisté par des électrodes externes ou internes qui éviteraient la nécessité de passer par un clavier ou un système de reconnaissance des gestes, mouvements d'yeux, etc pour communiquer avec des systèmes informatisés.

 Du transhumanisme au posthumanisme

 Certains partisans du transhumanisme en font un anti-Darwinisme qui se substitue à la reproduction sexuée comme moyen, pour l’espèce humaine, de s’adapter à son nouvel environnement.

Le fondement en serait que grâce aux progrès de civilisation, nous avons cessé de pratiquer l’eugénisme : Jusqu’à présent les cellules se reproduisent et se copient à l’identique. Parfois des erreurs de copie produisent des mutations qui suscitent des évolutions, des améliorations ou des handicaps. La nature élimine les « mauvaises copies » (handicaps etc), ils ne se reproduisent pas. Or aujourd’hui pour des raisons morales nous les protégeons et nous leur permettons de se reproduire.

Selon eux, c’est mathématique, cela favorisera la reproduction des plus faibles et aboutira à la dégénérescence de notre espèce. Il faut donc y suppléer en augmentant l’homme, en le rendant plus fort, plus intelligent, stimuler, complémenter, compenser les défauts pour ne pas être amenés à éliminer les handicapés.

 D’autres au contraire nous promettent que grâce à ces nanotechnologies, et à ces biotechnologies mêlant le biologique et l’artificiel, nous trouverons un chemin pour une meilleure vie, en surmontant les limites des capacités actuelles de l’Homme.

 Il s’agirait de définir l’homme comme « celui qui peut » et non comme « celui qui ne peut pas » Artificiel et biologique fusionneront. Les neurones croisées avec l’électronique, les ordinateurs fait avec des cellules ADN … Ce sera l’étape du posthumanisme, les humains du futur seront plus intelligents que nous…