Ci-dessous exposé des sujets, comptes-rendus des débats  

 

La science est-elle une menace ? - 13 avril 2015

Peut-on fixer les limites de la vie - 9 février 2015

Y-a-t-il un sens de l'histoire ? - 11 décembre 2014

Doit-on partager ? - 13 novembre 2014

Peut-on vivre sans illusions ? - 13 octobre 2014

 Le travail a-t-il un sens ? - 16 septembre 2014

 Doit -on pardonner ? - 2 juin 2014 

Quel est notre rapport à la nature ? - 27 mars 2014

Que signifie avoir des valeurs ?  13 février 2014

Le hasard existe-t-il ? - 10 décembre 2013

L'autre est-il un miroir de moi-même ? - 26 septembre 2013

A propos du bonheur - 12 juin 2013

La violence est-elle conséquence de nos choix ? - 10 avril 2013

Amour, sexualité, érotisme : l'énigme- 19 février 2013

 

 

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  Café Philo du 13 avril 2015

La science est-elle une menace ?

 Introduction au sujet

Qu’est ce que la science ? Quel est son lien avec la philosophie ?    

La science est la connaissance exacte et approfondie des choses, dont la valeur est universelle et la réalité vérifiable. C’est la réponse (provisoire souvent) à 3 questions : Quoi ? Pourquoi ? Comment ?

 La méthode scientifique consiste à acquérir des connaissances, et à les expérimenter pour prouver qu’elles sont capables d’expliquer le réel, et d’agir sur la réalité d’ici-bas.

 Toutes les civilisations ont institué des lieux de recherche, de  transcription et de transmission, dans tous les domaines, permettant une meilleure utilisation des ressources : navigation, agriculture, commerce, médecine, armes, éducation, vêtements, etc…

 La science, en tant que corpus de connaissances, mais également comme manière d'aborder et de comprendre le monde, s'est constituée de façon progressive depuis quelques millénaires. C'est en effet aux époques protohistoriques qu'ont commencé à se développer les spéculations intellectuelles visant à élucider les mystères de l'univers.

 

L'homme pense à son environnement, depuis la nuit des temps, comme en témoignent les fresques préhistoriques. Mais ce n'est que quelques siècles avant l'ère chrétienne, qu'a commencé à se former une véritable pensée scientifique, au croisement de diverses traditions dont les principales sont : mésopotamienneégyptienneindiennechinoise et grecque.

  Les grecs ont hérité des savoirs des Babylonniens et des Egyptiens, et ont continué à étudier le monde….

 Les sciences grecques entretiennent un lien étroit avec la spéculation philosophique :

 -        la logique (Aristote) est née de la question de la cohérence du discours ;

 -       la physique de celle du principe de toutes choses.

 A cette époque, il n'y a d'ailleurs pas de frontière nette entre la science et la philosophie. La plupart des savants sont à la fois scientifiques et philosophes, pour la simple raison que la science n'est pas encore formalisée. Tout comme la philosophie, elle utilise exclusivement la langue naturelle pour s'exprimer. 

 Deux courants existent :

 -  le monisme - ou idée de l'unité du monde pris dans sa totalité,

 - le formalisme - introduit par l'école pythagoricienne, propose une vision mathématique d'un  Cosmos ordonné par les nombres (entiers )-

 Ces 2 courants se servent de la preuve par l'expérience.

 L'astronomie en est l'exemple parfait. Si l'astronomie grecque, à ses débuts, était fortement imprégnée de présupposés philosophiques (géocentrisme, mouvements circulaires uniformes des astres), elle a su s'en écarter progressivement  à mesure que des observations plus fines venaient contredire ces présupposés, (sans aller toutefois jusqu'à adopter une vision héliocentrique).

 Les Grecs sont considérés comme les fondateurs des mathématiques, car ils ont inventé ce qui en fait l'essence même : la démonstration. La synthèse la plus importante des mathématiques grecques vient des Éléments d’Euclide. Les objets géométriques doivent être définis : il ne s'agit plus d'objets imparfaits mais de l'idée parfaite des objets. Dans ses Éléments, Euclide se lance dans la première formalisation de la pensée mathématique. 

 La liste des savants grecs importants est fort longue. On citera, dans l'ordre chronologique, 

 Thalès de Milet(-625 ~ -547Pythagore(v. -580 ~ -500), Hippocrate(v. -460 ~ -377) , Aristote (-384 ~ -322),

  Euclide(-325 ~ -265), Archimède(287 av JC - 212 av JC), Aristarque environ 280 av. J.-C.

 Ératosthène (-276 ~ -194), Hipparque (v.190 av. J.-C. – 120 av. J.-C.),  etc…

  Epicure -341 à -270, à la suite de Démocrite(v. -460 ~ v. -370), a énoncé une théorie atomique extraordinairement avancée : les atomes sont à la matière ce que les lettres sont aux mots.

   Beaucoup plus près de nous, au Moyen Âge, les sciences grecques sont préservées par leur traduction en arabe de nombreux livres, dont ceux des philosophes grecs, , avant leur destruction  dans la Bibliothèque d'Alexandrie (noter aussi le pentateuque en Hébreu déjà traduit en grec) .

 Ces sciences sont alors enrichies et diffusées par la civilisation arabo-musulmane qui vit alors un âge d'or, avec des philosophes qui sont aussi des chercheurs en sciences, comme partout, tels Al KhwarizmiAvicenneAverroès

 A qui l’on doit notamment de nombreux travaux, rédigés en langue arabe, en astronomie, en géographie, en optique, en médecine, mais aussi en mathématique=algèbreanalyse combinatoire et trigonométrie principalement.

  Ce n'est que plusieurs siècles plus tard, au xviie siècle, avec Galilée que la science se formalisera, et commencera à se détacher de la philosophie.

 Galilée se rend compte que les mathématiques sont l'outil idéal pour décrire le monde physique, ce qu'il affirme en disant « La philosophie est écrite dans cet immense livre que nous tenons toujours ouvert sous nos yeux, je veux dire l’uni­vers. Nous ne pouvons pas le comprendre si nous n’avons pas cherché à l’avance à en appren­dre la langue, et à connaître les caractères au moyen desquels il a été écrit. Or il est écrit en langue mathématique, et ses caractères sont des triangles, des cercles et des figures géométriques, sans les­quels il serait impossible à tout homme d’en saisir le sens. Sans eux, nous ne ferons que tournoyer en vain dans un labyrinthe obscur ».

 Les mathéma­tiques ont été employées par lui non comme des idées, et donc des causes universelles, mais com­me des principes linguistiques.

 Pour lui, le savant s’appro­che de la nature comme le grammairien du livre. Il peut comprendre la structure des phrases, sans pour autant en expliquer le sens.

   Les mathématiques constituent depuis, avec la démarche expérimentale, l'un des deux piliers du développement de la Science moderne.

  Ce soir nous arrivons au 21ème siècle et allons nous dire ce que nous pensons de leurs découvertes  et de leurs applications …

Compte-rendu des débats 

 La science elle-même n’est pas une menace, ce sont les applications qu'en font les hommes qui peuvent être nuisibles :

 La science est une méthode de recherche fondamentale avec laquelle les chercheurs  veulent connaître le monde, la nature, le pourquoi et le comment de ce qui fait notre vie, et ils trouvent ! Et ils créent de nouvelles formes de vie (ou de mort). Ces chercheurs en science fondamentale ne se proposent pas de conduire nos vies ! Ils ont juste soif de connaissance, ce sont les « descendants de Prométhée ».

  Ensuite c’est l’industrieuse activité des hommes qui utilisent leurs découvertes : c’est ce que l’on nomme « la recherche appliquée », puis ils forgent les nouveaux outils, ce sont les « descendants de Vulcain ».

 Il  faut distinguer la science = recherche fondamentale, de la techno-science = recherche appliquée :

 La science et l’industrie sont des réalités différentes : les découvertes en recherche fondamentale sont antérieures à leur utilisation par la recherche appliquée, qui ne pourrait exister sans elles.

  La science est souvent confondue avec les grandes entreprises technologiques mises en œuvre par les pouvoirs publics ou privés :

  Exemple : les recherches sur le Penicilluim, actives de 1870 à 1928 en Europe, puis la mise au point d’une forme stable et distribuable de la Pénicilline de 1938 à 1944, a permis le traitement et la guérison de millions de gens.

 Des maladies bactériennes mortelles comme la tuberculose, la pneumonie, la diphtérie, la syphilis ou encore le tétanos contre lesquelles il n'existait aucun remède il y a 70 ans peuvent désormais être traitées grâce aux antibiotiques. On considère aujourd'hui que leur utilisation thérapeutique a permis d'allonger la durée moyenne de la vie humaine d'une dizaine d'années.

 Mais leur distribution massive par les laboratoires pharmaceutiques, profitant des systèmes de santé subventionnés, ainsi que leur injection systématique dans des animaux élevés de manière intensive, a produit partout une augmentation de l'antibio-résistance des bactéries (capacité à résister aux antibiotiques).

 La lutte contre l'antibio-résistance passe bien sûr par la recherche de nouveaux antibiotiques, mais elle commence surtout par un contrôle et un arrêt des abus dans les industries utilisatrices.

  Les jeunes générations semblent adopter sans difficultés les nouvelles technologies, et développent une approche indifférenciée entre la science et l’art de vivre, comme aux origines de la philosophie, alors qu’il semble que les plus anciens pensent que « c’était mieux avant », que l’on se parlait…

  Explications de notre docteur en philosophie :

 La vitesse des changements, des modifications sociétales est effectivement source d’anxiété,  car elle semble renvoyer vers un temps révolu nos apprentissages comportementaux, et même la pertinence de ce que nous avons appris « à l’école ».

 Nous gagnons des fonctionnalités, de la vitesse en réduisant le temps, de l’expansion dans l’espace,

 MAIS SIMULTANEMENT, nous perdons de la qualité de vie dans notre façon d’exister en temps qu’êtres humains. Par nature nous avons besoin de côtoyer d’autres humains et de les sentir physiquement dans toute leur dimension, recevoir «les vibrations  charnellement » par les regards échangés, le toucher réel, le mouvement  et la parole, liés à cet « Etre » en mouvement qu’est le visage et le corps de l’autre quand il « nous parle », « il nous touche »…

 Toute avancée technologique nous fait accéder à UN PLUS = progrès, ET  subir  UN MOINS= régression

 Exemples :

 Les voyages en calèche obligeaient à un dépaysement, cela permettait de s’isoler et de faire naître des idées nouvelles pour les écrivains, aujourd’hui le train va si vite que l’on ne perçoit plus le paysage et que l’on ne côtoie plus de gens du terroir.

 La qualité d’écoute a perdu en subtilité en gagnant en compression, passant du vinyle au CD puis au MP3.

  Le scientisme nous a fait croire du 18è au 20è siècle que découvertes scientifiques et progrès humain étaient synonymes :

 La réalité objective du monde et des lois qui le gouvernent, la cohérence des lois de la raison humaine avec les lois du monde sur lesquels s’édifie la science, a permis de réels progrès dans la connaissance de la place de l’homme au sein de l’univers, d’où, l’utopie, l’espoir que cette science pourrait abolir les méfaits du genre humain, c’est le scientisme.

 Or cela revenait à substituer la croyance « scientiste » aux autres croyances religieuses, idéologiques, raciales, productivistes, nationalistes, (séparées ou combinées) etc…

 Et lorsque l’on s’aperçut que ces vieilles ou nouvelles croyances utilisaient la science pour prendre le pouvoir, et ce faisant devenaient opératives dans les capacités humaines de destruction de l’espèce et de la planète, il nous fallut  revenir à une attitude critique.

 Et savoir que  notre responsabilité est engagée dans notre choix des politiques, qui décideront  de mise en fabrication (ou pas) des applications découlant des découvertes scientifiques.

  Pierre RABHI : « Le problème des êtres humains, c'est qu'ils s'entre-égorgent pour des idées, des idéologies, des croyances. Si les extraterrestres nous observaient, ils diraient : ils sont doués, mais tellement stupides, puisqu'ils portent atteinte à ce à quoi ils doivent la vie ! Si je mets des produits chimiques dans la terre, je les retrouve dans mon corps. Ces produits ont été présentés comme éléments de progrès alors qu'ils ont nié les mécanismes de la vie ; c'est une régression terrible. Il n'est pas possible de survivre sur Terre sans la coopération avec la vie… »

 Depuis l’antiquité, les philosophes qui étaient en même temps des mathématiciens, des astronomes, etc … , (ces savoirs n’étaient pas séparés), nous ont permis de comprendre - puis les scientifiques modernes, le jour où la Terre fut filmée depuis un vaisseau spatial - que nous vivions sur un petit point dans l’immensité du cosmos.

 Et depuis nous savons notre fragilité, notre dépendance à notre environnement.

 En même temps, nous sommes acteurs et consommateurs de plusieurs révolutions scientifiques, dans tous les domaines, et nous serions incapables de revenir en arrière, toute  notre organisation sociale est aujourd’hui basée sur les sciences :

 -          La santé

 -          La production d’énergies renouvelables

 -          Les communications satellitaires

 -          Les transports

 -          La robotisation dans l’industrie et l’agriculture

 -          La construction immobilière et des infrastructures

 -          Le développement des villes

 -          L’internet

 -          La surveillance de notre espace aérien

 -          La dissuasion nucléaire

  La liberté nous est donnée de savoir par la connaissance, et la liberté nous permet aussi de faire usage, ou de ne pas utiliser, ces savoirs. Mais comment penser juste pour pouvoir se saisir de cette liberté ? Il faudrait :

 1-      ne pas passer d’un excès à l’autre : la science c’est-à-dire la recherche fondamentale ne doit pas être menacée,

 2-      faire connaître la joie de l’acquisition des savoirs scientifiques et la diffuser, car la régression provient de ce qu’une large fraction de la population et  des élus ignore et même déteste le monde de la science, certains ont même préconisé la dissolution du CNRS, l’utilisant comme bouc émissaire,

 3-      la recherche est un élément essentiel de la culture, au même titre que l’écriture, la philosophie, la poésie, la musique, le théâtre, les arts plastiques, l’architecture,  etc… et sa langue, les mathématiques,  doit continuer à être enseignée et diffusée largement, tout autant que les autres langues par lesquelles nous pensons, rêvons et vivons ensemble, avec nos visions du monde différentes, et indispensables dans leur diversité.

 Romain Gary, diplomate et écrivain du 20ème siècle affirme que : « Le paradoxe de la science est qu’il n’y a qu’une réponse à ses méfaits et à ses périls : encore plus de science. »

  "C'est le paradoxe de notre rapport au progrès : nous prétendons ne plus y croire, mais nous tenons encore à lui farouchement" constate Etienne Klein. Le chercheur plaide pour un renforcement des relations entre le scientifique, le politique et le citoyen.

  Aller sur les sites :

 https://www.youtube.com/watch?v=NA2XOTSTs8w : pour écouter  Etienne Klein - Cours introductif de Philosophie des Sciences en 9 séances

 -http://home.web.cern.ch/about, pour consulter le CERN et connaître ses activités

 -www.ccne-ethique.fr, pour consulter le Comité Consultatif National d’Ethique

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Lundi 9 février 2015

 Peut-on fixer les limites de la vie ?   

Introduction au sujet 

La vie est limitée, elle tient à un fil. La philosophie nous invite à en prendre conscience et à mesurer sa finitude.

 Cependant depuis l’apparition d’une science relativement nouvelle, la biologie née avec Lamarck au 19ème siècle, puis la génétique au 20ème siècle, l’homme a le pouvoir d’agir scientifiquement et médicalement sur les mécanismes fondamentaux de la vie

 Il a désormais le pouvoir de décider quand commence la vie (contrôle des naissances, IVG), comment on peut la transformer (ADN et manipulations génétiques, utilisation de l’embryon à des fins expérimentales)  et quand elle s’achève (fin de vie, euthanasie, acharnement thérapeutique)

 Les débats éthiques qui accompagnent  le développement de la biologie moléculaire et de la médecine nous invitent  à prendre conscience du fait  que la notion de vie n’est pas évidente ni claire et combien il est difficile de déterminer ses limites.

 Où commence la vie, où finit-elle ?

 Le mot vie a-t-il  la même signification si l’on considère du sperme congelé, un embryon, un animal clôné ?...

 Quelles limites donner à l’expérimentation sur le vivant ?

 Ces questions nous invitent à une réflexion sur le sens de la vie, sur son caractère sacré qui a été proclamé depuis l’antiquité et poursuivi par les conceptions  vitalistes :

 Descartes, qui n'hésitait pas à voir les animaux comme de simples machines, admettait que, bien que le corps humain soit une machine, l'âme (qui n'est pas un « principe vital » propre à tous les êtres vivants) est le propre de l'homme. Il n'est donc pas possible de considérer un être humain comme n'importe quel autre être vivant.

 Kant dit aussi : « Un être organisé n'est pas simplement machine, car la machine possède uniquement une force motrice ; mais l'être organisé possède en soi une force formatrice » (Critique de la faculté de juger, 1790).

 Mais dans ce débat nous sommes invités aussi à une réflexion sur des questions qui se posent  face à la mort.  En cela la sagesse des  philosophes nous sera encore d’une grande utilité :

  Epicure : « Ce n’est pas toujours la plus longue durée qu’on veut recueillir, mais la plus agréable. Quand à ceux qui conseillent aux jeunes de bien vivre et aux vieillards de bien mourir, leur conseil est dépourvu de sens, non seulement parce que la vie a du bon même pour un vieillard, mais parce que le  soin de bien vivre et celui de bien mourir ne font qu’un. »

  On peut évoquer ici la définition de la vie par le médecin français Xavier Bichat : « La vie, c'est l'ensemble des fonctions qui résistent à la mort » (Recherches physiologiques sur la vie et la mort, 1800).

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Compte-rendu du débat mené par Daniel Ramirez et Nicole Consille, médecin

 

Bien que ce sujet puisse englober la condition animale, et que nos pratiques, en particulier d’élevage et d’abattage sont souvent cruelles et indignes, les débats ont porté sur la condition humaine.

  Qu’est-ce qu’une personne humaine ?

 Une caractéristique est de dire que cette personne existe dans le projet parental, un désir réalisé par un couple et mis en mots, qu’elle a des potentialités de réaliser des projets, et qu’elle éprouve le besoin de vivre des expériences… La naissance reconnait le moment où un individu est sujet de droit

  Quand la vie commence-t-elle ?

 Quand finit-elle ?

 La vie est-elle modulable depuis sa conception, pendant son cours et à sa fin ?

 La vie est-elle distincte de la conscience ?

 Pour l’IVG : à quel moment y –t-il  un être humain ?

 Comment définir une personne humaine ?

 C’est souvent une affaire personnelle. Le problème est complexe sur le plan philosophique et politique, c’est un domaine où les deux ne vont pas de pair  – Il faut tenir compte des équilibres.

  Les réponses à ces questions sont différentes selon les points de vue : un religieux (même les religieux n’ont pas le même avis sur cette question…), un chimiste, un biologiste, n’auront pas le même avis.

 a)      Des personnes ayant la foi dans l’existence dès le début de la gestation et jusqu’à la vie éternelle,

 b)      De celles et ceux qui affirment que la vie débute avec l’autonomie du sujet, c-a-dire la naissance, par laquelle il devient titulaire de droits, et pensent que la vie se termine avec la perte de conscience, prouvée par l’arrêt de l’activité cérébrale.

  La loi prescrit comme un devoir de protéger la vie humaine.

 Cas du suicide :

  Si une personne « rate » son suicide le médecin est obligé de le soigner et de le guérir physiquement, ensuite, sa faculté de vivre dignement ne  concerne pas le médecin en droit.

  Cas de la fin de vie :

 Tout le temps durant lequel un(e) malade garde ses facultés cognitives et sa conscience, si elle peut rédiger elle-même une demande d’arrêt des traitements et demander à mourir sous sédation, il n’y a pas de cas de conscience, ni pour la famille, ni pour les personnels médicaux.

  La nouveauté de notre époque est constituée par la possibilité de garder un corps en vie, malgré un encéphalogramme plat, dans un coma, par des méthodes qui n’existaient pas il y a 50 ans.

  Le maintien en vie par des « machines » extérieures au corps humain pose le problème de savoir qui décide de continuer ou d’arrêter ces « soins » ?

 Le corps médical se trouve investi de la décision – elle n’est jamais individuelle

  Avant la Loi Léonetti, elle était individuelle et cachée, au risque du médecin – c’était une transgression.

 C’est devenu une décision d’équipe.

 En France la loi Leonetti du 22/04/2005 –voir ci-dessous - permet à une personne de manifester sa volonté, en rédigeant un formulaire de « directives anticipées », et permettre ainsi aux médecins et à la famille de stopper le maintien artificiel de la vie à tout moment, sans culpabilité, dès que la mort cérébrale est constatée.

 Sans ces volontés, c’est un collectif composé des médecins et de la famille qui doit se prononcer, avec un accord sur la procédure. Les médecins ne  peuvent contraindre la famille à cesser l’assistance, ni la famille ne peut obliger le médecin à arrêter les soins.

  L’obligation morale de tous est de ne pas faire souffrir le malade par leur activité, ou leur non activité.

  Tous les soins palliatifs répondent à ce devoir, et sont en France de grande qualité. Ils sont destinés aux personnes conscientes – c’est à la personne de décider si elle veut continuer.

  Mais pour le corps médical c’est considéré comme un échec .

  Les médecins sont mis devant des cas de conscience car ils ont pour mission de soulager le malade pas de  « l’achever ». Le patient doit faire confiance à son médecin et de tels actes peuvent casser la confiance.

  La loi Leonetti est considérée comme insuffisante, la sédation profonde ne permet pas au malade de rester conscient – d’autres produits pourraient lui permettre de rester conscient.

  Le cas Vincent Lambert :

 A été hyper médiatisé. De ce fait il n’est plus possible de ne rien faire - La décision appartient à la famille (qui est en désaccord et se déchire sur l’arrêt ou pas du maintien en vie de l’homme à l’état végétatif) -  1000 personnes sont dans son cas en France.

  L’eugénisme

 A son origine chez les Suédois et les Américains. Il définissait le bien, la bonne gestation, une politique de stérilisation. Alexis Carel – Jean Rostand s’en sont emparés – elle a suscité des dérives : décider d’une vie qui ne mérite pas d’être vécue, les dérives nazies, etc..

  Prélèvement d’organes : Est-ce bien ? est ce normal ?

 Cela dépend si on considère que l’on n’identifie pas la personne avec son corps (conception Platoncicienne) ou si on considère que la personne est son corps (Deleuze) ou que la personne est identifiée par son cerveau

 Descartes : où est le point où l’âme rejoint le corps ? Descartes n’est pas parvenu à le résoudre.

  Les limites de la vie :  il s’agit de définir le début et la fin mais aussi, ce qui est vivant, ce qui ne l’est pas : par exemple les protéines, les virus

  Le Comité Consultatif d’Ethique : plusieurs membres sont représentants des religions, ce qui complique l’objectivité – il comporte aussi des médecins, des juristes, des philosophes…)

  Culturellement, nous ne sommes pas prêts à voir la mort ni à en parler

  Toute médecine est une intervention sur la vie et sur ses limites naturelles.

 Toute la nature humaine est partagée avec la nature globale et dénaturée par notre intervention. Il s’agit de décider sur l’artificiel. L’exemple d’Ulysse qui refuse l’immortalité proposée par Calypso illustre la revendication humaine d’accepter ce qui est de nous et chez nous et non de relever du « divin ».

 Ce que chacun de nous considère comme une vie vivable et qui vaut la peine -

 Notre liberté est essentielle.

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  Les réalisations de l’extension des limites dans le cours de la vie ont été discutées :

 -          sélection des embryons selon la volonté des parents,

 -          procréation médicalement assistée,

 -          réalisation de greffes et auto-greffes,

 -          l’utilisation de prothèses pour les membres, le cœur, les oreilles, etc …,

 -          le port de montres ou de  lunettes connectées…,

 -          la pose de puces à introduire sous la peau…,

 -          le port de casques qui opère une bascule dans un monde virtuel, etc…

  « Oubliez les Google Glasses, voici "Sight". Dans ce court-métrage (en anglais), deux étudiants israéliens ont imaginé ce que serait notre quotidien si l'on portait des lentilles permettant de superposer une interface virtuelle à notre vue. Vous pourriez vous balader sur les réseaux sociaux, obtenir des rappels de rendez-vous, voire recevoir des informations sur ce qui reste dans votre frigo, le tout directement depuis votre rétine. 

A mi-chemin entre le fantasme technologique de la réalité augmentée et le cauchemar orwellien, Sight met également en lumière une autre tendance actuelle : celle de la "ludification". Avec de telles lentilles, tout devient un jeu, depuis la découpe des concombres… jusqu'à la drague.
Le monde du 3 août 2012 »

 L’apparition d’un cœur artificiel externe au corps et transportable, nous fait franchir la limite spatiale du corps relié à la technique.

 La limite temporelle est repoussée par la découverte de cellules capables de réparer ou de remplacer les cellules malades ou vieillissantes, ce qui nous promet déjà la « vie éternelle » !!!!

 Il ne nous manque plus que la jeunesse, l’intelligence, la beauté et la paix éternelle !!!!

 Mais il faudrait aussi des ressources infinies, sinon dans quelles conditions vivrons-nous, entourés de mille milliards de personnes « éternelles » ???

  Dans l’Odyssée, « Ulysse refuse l’immortalité lorsque Calypso la lui propose. Ulysse considère que le désir de toute puissance et de maîtriser la mort est un enfermement. Il nous apprend qu’accepter la mort, affronter les aléas du destin, font partie d’une vie  d’homme libre. Ulysse préfère la vulnérabilité à l’immortalité. » Extrait du livre de Jean Léonetti de 2010 « Quand la science transformera l’humain ».

  « Ulysse peut choisir chez Calypso entre l'immortalité et la terre de la patrie. Il choisit la terre, et la mort avec elle. Une si simple grandeur nous est aujourd'hui étrangère. »

Albert Camus, L'Eté (1948) 
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  Extrait de l’amendement n°754 déposé le 27 février 2013 par Mr Jean LEONETTI à l’Assemblée Nationale et proposant une extension de la loi dite « Leonetti » du 22 avril 2005.

 EXPOSÉ DES MOTIFS

 Mesdames, Messieurs,

 La loi n° 2005-370 du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie a constitué une avancée significative dans la reconnaissance des droits des malades en fin de vie. Elle a permis de condamner clairement l’obstination déraisonnable, de définir les procédures de limitation et l’arrêt de traitement, de mieux respecter l’expression et la volonté du malade, et de mieux prendre en compte les souffrances des malades en fin de vie, en faisant progresser les soins palliatifs.

 Une étude récente de l’INED, menée en lien avec l’Observatoire National de la Fin de Vie, a montré que les dispositions légales restent encore insuffisamment connues et respectées et que la rédaction par les patients des directives anticipées reste en pratique très rare. Par ailleurs, des médicaments sont donnés pour mettre délibérément fin à la vie seulement dans moins de 1 % des cas.

 Le Président de la République a confié au Professeur Didier SICARD une mission sur l’accompagnement des personnes malades en fin de vie. Dans ses conclusions remises le 18 décembre 2012 au chef de l’État le rapport confirme « l’application insuffisante » de la législation actuelle, « souligne avec force l’exigence d’appliquer résolument les lois actuelles plutôt que d’en imaginer sans cesse de nouvelles, l’utopie de résoudre par une loi la grande complexité des situations de fin de vie et le danger de franchir la barrière de l’interdit ». Résolument opposé à la légalisation de l’euthanasie, le rapport souligne cependant « l’impératif du respect de la parole du malade et de son autonomie. »

 Souhaitant qu’une nouvelle étape à la législation en vigueur soit franchie tout en faisant preuve de continuité, la présente proposition de loi, qui s’inscrit dans les orientations du rapport de la commission SICARD, vise à renforcer les droits des malades et à garantir le respect de leur dignité.

 Elle le fait sur deux terrains : celui de la sédation en phase terminale et celui des directives anticipées.

 La définition de la sédation en phase terminale telle qu’elle figure dans les recommandations de la Haute Autorité de Santé est la suivante : « la recherche, par des moyens médicamenteux, d’une diminution de la vigilance pouvant aller jusqu’à la perte de conscience, dans le but de diminuer ou de faire disparaître la perception d’une situation vécue comme insupportable par le patient, alors que tous les moyens disponibles et adaptés à cette situation ont pu lui être proposés et mis en œuvre sans permettre d’obtenir le soulagement escompté par le patient ».

 L’article premier vise à permettre le droit à la sédation pour les malades conscients, et atteints d’une affection grave et incurable en phase terminale, quelle qu’en soit la cause, lorsque les traitements et les soins palliatifs ne peuvent plus soulager sa douleur physique et sa souffrance psychique qu’ils jugent insupportables. Le même droit est reconnu aux malades hors d’état d’exprimer leur volonté, lorsqu’ils ont exprimé cette demande dans leurs directives anticipées. Dans les deux cas la procédure serait celle prévue à l’article R. 4127-37, applicable aux limitations et arrêts de traitement. La réponse à cette demande serait très proche du dispositif retenu par le projet de loi espagnol sur les droits des personnes en fin de vie adopté en conseil des ministres le 11 juin 2011 par le gouvernement présidé par José Luis Rodríguez Zapatero (1). En permettant aux malades de demander une sédation (dont l’un des effets secondaires est parfois d’accélérer la survenue de la mort), de telles dispositions répondraient à la quasi-totalité des situations de fin de vie douloureuses auxquelles notre société peut être confrontée. L’objectif de cette évolution de la législation française est bien de répondre aux attentes de nos concitoyens, qui souhaitent que les personnes en fin de vie meurent dans des conditions apaisées et dans la dignité, comme l’exige l’article L. 1110-5 du code de la santé publique.

 L’article 2 tire les conséquences de ce droit en prévoyant que les directives anticipées soient mieux utilisées et puissent demander un traitement sédatif en phase terminale, à l’instar des dispositions prévalant pour les limitations ou les arrêts de traitement.

 Plusieurs dispositions contenues dans ce même article contribueraient à étendre la portée des directives anticipées – celles qui permettraient une meilleure utilisation dans le cadre d’un protocole entre médecin et patient (tel que proposé par D. SICARD), celles qui contraindraient le médecin en charge du patient à mettre en œuvre ces directives anticipées visant à administrer un traitement à visée sédative et enfin celles qui favoriseraient leur diffusion, en permettant qu’elles figurent sur la carte Vitale du malade et dans son dossier médical.

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 Café-philo du jeudi 11 décembre 2014

 Y-a-t-il un sens de l'histoire ?

Introduction au sujet

  Il y a l’histoire,  la chronologie,  le récit des historiens sur les événements passés et leur liens de causalité. Et il y a l’Histoire, qui se réfère  au devenir d’un peuple ou de l’humanité, aux progrès d’une civilisation, etc.,  celle de l’Homme capable de se penser dans le temps et qui en a conscience. A-t-elle une signification ? Est-elle déterminée par une direction, un destin, une finalité ou par la volonté des hommes ? Y-a-t-il du progrès dans l’histoire ? A-t-elle une fin ?... Autant de questions importantes à débattre pour qui veut saisir le sens du passé, comprendre le présent et voir plus loin…

 L’histoire concerne toutes les sociétés humaines, dans tous les domaines : technique, économique, politique, religieux, artistique…

   Elle cherche à établir des relations entre les traces, entre les faits.

 C’est ce qui nous permet de former notre identité présente, c’est aussi une lutte contre l’oubli.  Par exemple Hérodote (485 – 420 avant  notre ère) écrit ses Histoires « pour empêcher que les actions accomplies par les hommes ne s’effacent avec le temps ».

 Lorsque nous nous retournons sur le passé, et que, grâce aux documents écrits et à l’archéologie,  nous lisons à livre ouvert dans l’humanité, nous sommes amenés à interpréter, à chercher dans la masse des événements et des faits, un sens…

 Des conceptions déterministes  considèrent que l’histoire se joue indépendamment de la volonté de l’homme :

 Pour certains, le sens est tracé par la main invisible d’une divinité qui ordonne leur déroulement. C’est la conception théologique de l’histoire, le providentialisme, le fatalisme.

 Pour d’autres comme Lucrèce (464-482) les événements sont des «accidents de la matière et de l’espace dans lequel chaque chose s’accomplit »

 Pour Kant (1784 Idée d’une histoire universelle), l’enchainement de l’histoire depuis la Grèce Antique fait « apparaitre un « perfectionnement de la constitution politique dans notre continent. » Derrière la confusion et l’irrégularité, on peut reconnaitre « un développement progressif continu ». Cependant, « les actions humaines sont déterminées selon les lois universelles de la nature … Les hommes suivent comme un fil continu sans s’en apercevoir le dessein de la nature qui leur est inconnu… »

 Certains croient à une finalité préexistante de l’histoire : Pour Hegel, les événements concourent à la réalisation de l’Esprit, qui est l’existence de la liberté. Les faits ne sont que « des moyens au service de la fin ultime absolue », du « résultat de l’histoire universelle » (La Raison dans l’histoire 1830)

 Certaines estiment que l’humanité doit aller vers un idéal universel et supérieur qui justifie l’oppression, le totalitarisme, l’esclavage etc…  (exemple le communisme, le national socialisme, l’Etat Islamique…)

 Marx affirme au contraire l’homme comme acteur de l’histoire :

 Pour Marx, les actions humaines n’ont pas pour but de réaliser un sens déterminé à l’avance. La prise de conscience et l’union des hommes sont indispensables pour diriger l’histoire au gré des volontés humaines : « Les philosophe ont interprété le monde, maintenant il s’agit de le transformer »

  Dans quel sens ?

 Transformer le monde, force est de constater que cet élan de vie a animé l’humanité depuis Homo Sapiens jusqu’à l’homme interconnecté d’aujourd’hui.

 Les sciences, la médecine, les techniques sont en constant progrès.

 Cependant l’histoire parfois  stagne, bégaye, régresse… les convulsions de certaines époques, lointaines ou récentes, nous le montrent. Racisme, intégrismes, guerres, génocides…

 La politique, l’héritage du passé,  la technique et la science, la pensée philosophique, la religion, l’instruction, la  faiblesse des hommes, l’ambition, la volonté de puissance ... D’innombrables paramètres font fluctuer l’humanité entre conquête de libertés et obscurantismes, émancipation et oppression.

 Dans notre discussion nous avons tenté de retrouver le bon sens de l’histoire…

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  Y A-T-IL UN SENS DE L’HISTOIRE ?

 Certains jours nous sommes tentés e répondre comme Shakespeare dans  "Macbeth" : « L'histoire humaine, c'est un récit raconté par un idiot, plein de bruit et de fureur, et qui ne signifie rien »

 Ou encore nous nous demandons si « L’avion (l’humani) a un but à atteindre » ?

  Et si oui,  « Y a-t-il un pilote dans l’avion » ?

 Pour trouver des réponses, voici 3 articles de Florence Mottot, rédactrice, journaliste, consultables sur le site :

http://www.scienceshumaines.com/l-histoire-a-t-elle-encore-un-sens_fr_21989.html#21990

 1-Paul Veyne : Il n'existe de mémoire que pour les individus

 Qu’est-ce que l’histoire ? Peut-on identifier histoire et mémoire collective ? Voilà l’une des questions que soulève l’historien Paul Veyne (« Éloge de la curiosité. Inventaire et intellection en histoire », in collectif, Philosophie et Histoire, éd. Centre Pompidou, 1987). Cette distinction permet de préciser la nature même du travail de l’historien. Ce n’est pas parce qu’un peuple célèbre son passé, souligne P. Veyne, qu’il en possède une connaissance historique. À l’inverse, un peuple sans mémoire n’est pas un peuple sans histoire. Pour l’historien, la mémoire collective n’existe pas, dans le sens où ce processus n’a rien de commun avec le phénomène psychologique de la mémoire individuelle. Il faut distinguer le savoir historique de « la commémoration, par récits, monuments ou rites, de grands événements politiques ou religieux, légendaires ou authentiques, qui sont chers à une société considérée ». Pour P. Veyne, à la différence de la mémoire individuelle, les groupes, les sociétés oublient leur passé, sauf si des institutions ou des volontés en conservent des fragments, entretenus par l’éducation. À l’inverse, le savoir historique ne sacralise pas un événement, il tend à répondre à l’énoncé suivant : est-ce vrai ou faux ? L’histoire, souligne P.  Veyne, est un savoir critique.

   2-L'histoire a-t-elle encore un sens ?

  L’histoire a-t-elle encore un sens depuis la fin des grandes idéologies ? Comment penser le destin humain dans nos sociétés individualistes basées tant sur le consumérisme que sur une recherche de plus en plus manifeste d’épanouissement personnel ?

 « Je m’intéresse à l’avenir car c’est là que j’ai choisi de passer mes derniers jours. » Cette boutade de Woody Allen en dit certainement plus long qu’on ne le pense sur le contexte de la recherche historique actuelle, à savoir la façon dont on peut écrire le passé et projeter un futur proche à partir de préoccupations singulières. Adepte de l’autodérision et féru de psychanalyse, W. Allen incarne une tendance de nos sociétés contemporaines : la montée en flèche des valeurs liées à l’individualisme. L’avenir, donc, bel objet de réflexion propre à angoisser l’humoriste qui n’est pas sans partager avec l’homme de la rue la crainte existentielle du lendemain. La légèreté dé-dramatisante de son discours en fait, on l’aura saisi, tout le succès. L’avenir, sujet dont s’est également saisie depuis longtemps la philosophie de l’histoire. En point d’orgue, la fameuse question du sens, de la destinée, sur laquelle ont planché nombre de bacheliers, avec plus ou moins de bonheur. Que peut nous apprendre l’histoire ? A-t-elle un sens ? L'histoire de la pensée n'est guère avare sur cette question. Ainsi, pour Platon, s’inspirant d’Hésiode, l’histoire de l’homme est celui du déclin, passant de l’âge d’or à l'âge du bronze puis du fer. Dans la pensée judéo-chrétienne, l’histoire humaine est censée accomplir le dessein de Dieu, dessein qui conduit à la Jérusalem céleste.

Les philosophies laïques de l’histoire, de Johann Herder à Karl Marx, semblent, pour leur part, établir un principe général rendant raison de l’histoire, tout en pointant la direction que celle-ci doit suivre : réalisation de l’esprit absolu chez Georg Hegel, fin de l’aliénation des classes dominées chez Marx… Il s’agit dans chaque cas de laïciser le sens théologique de l'histoire.
Hegel voit dans l’avènement final d’un État rationnel la rencontre des intérêts particuliers et universels, grâce à l’équilibre des droits et des devoirs des citoyens.
Pour Marx, « l’histoire, jusqu’à nos jours, n’est que l’histoire de la lutte des classes ». Mais il faut bien souligner l’échec des idéologies du progrès : le marxisme a pris les traits du stalinisme, la barbarie nazie apparaît comme l’une des dérives possibles du « progrès », les questions écologiques sonnent le glas du rêve de la modernité : rendre l’homme « maître et possesseur de la nature ». Comment penser le sens de l’histoire après la dérive des grandes idéologies ? S’inspirant de la lecture que fait Alexandre Kojève de Hegel, Francis Fukuyama publie en 1992 un livre controversé : La Fin de l'histoire et le dernier homme, dans lequel il défend l’idée que la progression de l’histoire humaine, envisagée comme un combat entre des idéologies, touche à sa fin avec le consensus sur la démocratie libérale depuis la fin de la guerre froide. Il y aurait bien sûr toujours des événements, mais pas d’évolution des principes de l’organisation humaine qui sont aujourd’hui définitivement acquis. Mais n’est-ce pas une vision bien idyllique de la fin des idéologies ?

 Disparition du sens de l'histoire ?

 L’historien François Hartog (1) analyse pour sa part le « présentisme » actuel. Avec les Lumières et la Révolution de 1789, et même le marxisme, explique-t-il, c’est une véritable « posture futuriste » qui s’était instaurée, nourrie par la croyance dans le progrès, dans la démocratie. Pour l’historien, cette posture futuriste a dominé nettement pendant deux cents ans, de 1789 à 1989, date de l’effondrement du mur de Berlin. Suit un présent sans vision claire de ce que sera demain. Les choses du passé sont aujourd’hui transmises en tant que traces du passé, non pas en raison du message qu’elles seraient supposées délivrer, constate-t-il.

Dans son dernier ouvrage, Éloge de la politique profane, paru chez Albin Michel, le philosophe Daniel Bensaïd constate l’affaiblissement des grandes idéologies, relié à une difficulté de plus en plus manifeste chez ses contemporains à se projeter horizontalement, à savoir dans le temps. Quand se fragilise le politique (soit cette possibilité de se projeter horizontalement dans l’histoire), il est naturel, considère le philosophe, que les individus cherchent à s’élever vers le haut. Reprenant ainsi l’opposition classique entre immanence et transcendance, D. Bensaïd attribue le retour du religieux à une absence de vision politique, à une incapacité à donner du sens à l’histoire de façon « profane ». « Le mot “gouvernance” très galvaudé aujourd’hui n’est en fait autre chose que l’aboutissement de la conception du politique comme un art de la gestion », déclarait-il récemment (2). Parallèlement, le penseur relie la difficulté d’« inventer » un sens à l’histoire au problème de l’exercice institutionnel du pouvoir : qui est à même de décider aujourd’hui ? Qui doit tracer les grandes orientations ? Les États ? Les organisations internationales ? Les pouvoirs locaux ? Les collectifs associatifs ? « Alors que, depuis le XVIIe siècle, la modernité politique articulait un ordre territorial, un principe de souveraineté, un système de régulation internationale des conflits, ce modèle est entré récemment en crise sous le choc de la globalisation et de la privatisation du monde. » Fin des idéologies, privatisation du monde et des intérêts, le sens de l’histoire semble bien disparaître sous un individualisme narcissique.

 Le primat des émotions

 L’histoire peut-elle être la somme de projets singuliers ? Dans son dernier ouvrage, L’Empire des émotions (3), l’historien et directeur d’études à l’EHESS Christophe Prochasson interroge la place grandissante des affects individuels dans la fabrique de l’histoire. En premier lieu ceux des historiens. « De la professionnalisation des historiens à la fin du XIXe siècle jusqu’aux années 1970, l’histoire-science domina durablement pour le pire et le meilleur. (…) (Un nouveau régime émotionnel) soumet davantage les historiens au règne des affects, que ces derniers soient liés à des engagements, des croyances, des appartenances réelles ou supposées, voire à un égotisme adossé à l’individualisme contemporain ». Un exemple clair : la prolifération des études biographiques ces dernières années, qui pose la question de l’empathie ressentie par les chercheurs pour leur sujet d’étude. « Faut-il être bien misérable, se demande l’auteur de L'Empire des émotionspour ne rien éprouver face au récit de la vie d’un autre ? (…) Comment ne pas être sensible à l’appel exercé par celui ou celle dont on reconstruit la vie, comment ne pas s’y reconnaître ou, au contraire, y pourchasser tous les éléments de l’altérité ? » Pour l’historien, le plébiscite de la biographie comme mode d’approche historique serait bien le symptôme de notre époque caractérisée par l’individualisme. Autre élément consacrant le primat des émotions et des singularités dans l’écriture actuelle de l’histoire : l’avènement depuis les années 1980 d’une histoire de la victime.

  Histoire du moi ou histoire globale ?

  L’auteur de fournir un exemple simple : Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, les soldats sont traités comme des héros. En 1968, les mêmes sont déboulonnés de leur piédestal : on pisse sur la tombe du soldat inconnu. Depuis dix ou quinze ans, les soldats sont présentés comme des victimes. Parallèlement, C. Prochasson ne peut que constater le développement d’une histoire des femmes, d’une histoire des colonisés, d’une histoire des immigrés, etc. « Ce qui me gêne, déclarait-il dernièrement (4), c’est quand cette écriture de l’histoire compassionnelle devient systémique. Les historiens ont perdu la main depuis vingt ans, ils alimentent beaucoup moins le débat. Ils sont devenus des prestataires de morale. » Pour C. Prochasson, l’histoire culturelle, très en vogue, prend la forme de sermons programmatiques. « On y rencontre tout à la fois les plus originaux des projets intellectuels(…) et les plus insipides brouets, (…) propices au déluge émotionnel. La compassion, contre l’analyse, la souffrance contre la classe sociale et, finalement, la dénonciation morale contre le combat politique. » L’âge de la technique est aussi celui des émotions, entretenu par la «sur-affectivisation» des programmes. médiatiques.

 L’histoire du « moi » viendrait-elle désespérément à la rescousse d’une histoire collective déficitaire ? La crise de la réflexion sur l’histoire, vue comme une appréhension d’un tout, serait-elle à l’image de notre société contemporaine, résolument tournée sur ses intérêts propres et son ressenti émotionnel ?

Faut-il abandonner toute histoire collective ? La big history s’efforce depuis les années 1980 de croiser les disciplines universitaires et les histoires nationales (encadré ci-dessous), pour répondre de manière cohérente, et en multipliant les approches (occidentales, non occidentales), aux questions fondamentales de l’humanité : d’où viens-je ? Où vais-je ?

Auteur de Maps of Time: An introduction to big history, l’Anglo-Saxon David Christian défend l’élaboration d’une histoire humaine globale : « Dans un monde où existent les armes nucléaires, où les questions écologiques sont de plus en plus prégnantes, où, surtout, les enjeux dépassent les frontières nationales, nous avons désespérément besoin de voir l’humanité comme un tout. » En clair, la possibilité et la nécessité de donner un sens à l’histoire n’ont jamais été autant d’actualité. Voltaire écrivait, en 1734, dans son Traité de métaphysique : « Je vais tâcher, en étudiant l’homme, de me mettre d’abord hors de sa sphère et hors d’intérêt (…). Je suppose, par exemple, que né avec la faculté de penser et de sentir que j’ai présentement, et n’ayant point la forme humaine, je descends du globe de Mars ou de Jupiter. Je peux porter une vue rapide sur tous les siècles, tous les pays, et par conséquent sur toutes les sottises de ce petit globe. » Un programme historiographique ? L’enjeu du renouvellement d’une réflexion sur l’histoire se situe en effet peut-être bien dans le renouvellement des échelles d’analyse.

  NOTES

 (1) F. Hartog, Régimes d'historicité. Présentisme et expériences du temps, Seuil, 2003.

(2) France Inter, 19 janvier 2008.
(3) C. Prochasson,
 L'Empire des émotions. Les historiens dans la mêlée, Demopolis, 2008.
(4) France Culture, 21 janvier 2008.

  3 – La BIG HISTORY – La grande histoire

 La big history étudie l’histoire à une large échelle, du Big Bang jusqu’au monde contemporain, selon une approche pluridisciplinaire. Elle se rapproche de l’histoire globale, ou world history, mais s’apparente encore davantage au concept classique d’histoire universelle, en ceci qu’elle examine l’histoire du début des temps jusqu’à l’époque actuelle, sans se limiter à l’histoire de la race humaine. La big history se nourrit des résultats de champs d’étude aussi diversifiés que la biologie, l’astronomie, la géologie, la climatologie, la préhistoire, l’archéologie, l’anthropologie, les sciences naturelles, la démographie, les sciences environnementales, etc. Objectif affiché : croiser les regards disciplinaires, décloisonner les spécialités qui ont émergé au XXe siècle, de façon à mettre en évidence de grands thèmes d‘évolution et des motifs récurrents. Il s’agit aussi de sortir des cadres nationaux, de multiplier les points de vue sur l’histoire, en s’attachant à sortir d’un certain européocentrisme. Les premières tentatives de réalisation d’une histoire à grande échelle datent de la fin des années 1980 : John Mears (Université méthodiste du Sud, Texas) ou encore David Christian (université Macquarie, Australie) apparaissent comme les initiateurs du courant. La démarche fait, sans aucun doute, écho à une nécessité de plus en plus prégnante chez les contemporains, à l’ère de la mondialisation, d’appréhender le monde comme un tout. Publié en 2004, Maps of Time: An introduction to big history, de D. Christian, tient aujourd’hui lieu d’ouvrage de référence sur la question.

 Les cinq premiers chapitres discutent de l’origine et de l’évolution de l’univers, des galaxies, des étoiles, du système solaire et de la Terre. 

Les chapitres VI et VII étudient les premières organisations humaines, le chapitre VIII est consacré aux premières sociétés agraires.

Les chapitres IX et X décrivent l’émergence des villes et des États.

Les chapitres XI à XIV traitent de l’origine et des formes de la modernité. Enfin, le dernier chapitre tente une projection dans le futur. 

« Essayer d’embrasser d’un regard le passé, c’est pour moi similaire, écrit D. Christian, au fait d’utiliser une mappemonde. Aucun géographe n’enseignerait sa discipline à l’aide exclusivement d’un plan de rues. Actuellement, la plupart des historiens enseignent le passé de nations particulières, voire de civilisations agraires, sans même s’interroger sur le sens général du passé. Quel est l’équivalent temporel d’une mappemonde ? Existe-t-il un atlas du temps qui résume le passé à toutes ses échelles ? »

L’auteur enjoint ses contemporains à poser un œil neuf sur l’histoire.

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  Café-philo du 13 novembre 2014

Doit-on partager ?

Introduction au sujet

Le concept de partage selon le sens qu’on veut lui donner, renvoie aussi bien à ce qui sépare qu’à ce qui réunit

Partager vient de l’ancien français « partir » qui signifie diviser, séparer en plusieurs parts (cf l’expression avoir maille à partir) = briser l’unité d’une chose dont les parties sont désormais extérieures les unes aux autres (partager un héritage)

Le concept de partage selon le sens qu’on veut lui donner, renvoie aussi bien à ce qui sépare qu’à ce qui réunit

Partager vient de l’ancien français « partir » qui signifie diviser, séparer en plusieurs parts (cf l’expression avoir maille à partir) = briser l’unité d’une chose dont les parties sont désormais extérieures les unes aux autres (partager un héritage)

Le mot a un autre sens, qui signifie action conjointe avec quelqu’un, prendre part à quelque chose. C’est partir de la diversité pour créer de l’unité et trouver « du commun ».  Dans ce sens on met l’accent sur la participation, la capacité d’éprouver, la communion, la communication, l’intersubjectivité.

Partager la vie de quelqu’un, partager la vie citoyenne, partager l’opinion d’autrui,  partager le plaisir esthétique que la beauté nous donne, etc.  c’est se soucier de produire une unité malgré les différences.

Dans ce cas le partage constitue une relation à autrui fondée sur la réciprocité. Il apparaît ainsi comme une des manifestations de l'altruisme, de l'échange et du lien.

Cependant le partage, notion largement diffusée au nom de la morale, du devoir, du lien social  n’est-il pas contraire à l’intérêt individuel ? Doit-on partager ?

Tout peut-il se partager ? N’y-a-t-il pas des dimensions non-partageables, des souffrances, des joies, des expériences, des pensées ... qui demeurent  impossibles à partager.

Husserl : « Le champ actuel de la perception et du souvenir différencie chaque sujet, de même que ce qui est connu en commun, à titre intersubjectif, accède à la conscience de façon différente, sous des modes différents d’appréhension, à des degrés différents de clarté, etc. En dépit de tout cela nous arrivons à nous comprendre avec nos voisins et posons en commun une réalité objective d’ordre spacio-temporel qui forme ainsi pour nous tous l’environnement des existants, bien qu’en même temps nous en fassions nous-mêmes partie. » (Idées directrices pour une phénoménologie et une philosophie phénoménologique pures - 1913)

Nous partageons le fait d’être vivants, de participer du mouvement de la vie, nous avons affaire au même monde, mais ce que nous percevons et vivons peut être perçu ou vécu par d’autres sous un angle différent ou à un autre moment.

Ainsi en ce lieu particulièrement ouvert au partage d’idées, nous tenterons d’éclairer l’idée de partage, de définir ce qui le rend possible ou impossible.

Compte-rendu des débats   

 

 

 

 

 

 

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Doit-on partager ?

 

Les humains ne peuvent exister, au sens de vivre, qu’en produisant du sens commun : ils partagent le langage, la parole donnée et reçue, le regard entre eux, le lien de filiation, d’appartenance à une famille, une tribu, un groupe, à une seule espèce fragile.

 

Le partage est à la fois une nécessité salvatrice et un renoncement à une « part » de notre emprise égoïste, mais il est vital d’y consentir en trouvant une ou plusieurs façons de le réaliser.

  Partager le pain, c’est être « co-pain », c’est établir un lien symbolique, plus important que le bien matériel. Il s’agit de se nourrir ensemble, en se parlant, plutôt qu’en divisant le pain et retournant seul l’ingurgiter dans sa « cellule » !

 "Le meilleur vin n'est pas nécessairement le plus cher, mais celui qu'on partage."Georges Brassens

  L’égoïsme est il un comportement « gagnant » in fine ? Non car il repose sur le déni de l’interdépendance de fait de tous les membres d’une communauté, en s’abritant derrière des « droits juridiques individuels ». Cette attitude isolera celui qui la pratique autant qu’il prétend exclure les autres de sa vie.

  « Pourquoi se priver du bonheur de partager ? » Vladimir Jankelevitch 

  Partager c’est traduire dans les actes la coopération entre les hommes.

 La propriété individuelle a des limites, car il faut  reconnaître qu’il y a des biens communs : l’air, l’eau, la terre, les ressources naturelles du sol et du sous-sol de la planète, les arts, etc…

 Au fondement de l’humanité

 Le partage hiérarchique fut pratiqué par les sociétés primitives, le « chef » étant le plus fort et  s’attribuant les meilleurs morceaux pour se garder en vie, car il était vital pour le groupe qu’il soit capable de courir longtemps pour chasser et tuer les proies.

 Cette pratique a été abandonnée progressivement quand les hommes se sont sédentarisés, et ont pratiqué l’agriculture et les métiers : construction des abris, semer, récolter, tisser, cuisson des céréales,  élevage, etc…

 Ces activités nécessitant un nombre plus grand d’individus, et une cohésion renforcée, ont fait évoluer la civilisation vers l’acceptation des institutions collectives procédant au partage des richesses produites.

 Avec la révolution industrielle est arrivé le partage de la richesse, de la valeur, la notion d propriété, une société bourgeoise fondée sur la jouissance des biens. Le partage n’est plus une valeur prioritaire

  Partage volontaire et partage imposé 

 Toutes les nations obligent leurs citoyens à fournir à l’Etat une part du fruit de leur travail. Ensuite ils redistribuent ces fonds par un partage plus ou moins équitable, soit sous forme de prestations gratuites, soit sous forme de mise à disposition de biens publics.

 Toutes les religions enjoignent à  leurs fidèles de donner aux nécessiteux :

 Commandement biblique : Esaïe 58/7 : «  Partage ton pain avec celui qui a faim, Et fait entrer dans ta maison les malheureux sans asile ; si tu voies un homme nu, couvre le, Et ne te détourne pas de ton semblable »

 L’Ecclésiaste :  « Laisse ton pain à la surface des eaux, il reviendra encore plus grand »

  La violence de la vie permet-elle  à la société de procéder à un partage ?

 Oui la violence existe, et pourtant la victoire des groupes humains sur les animaux prédateurs et sur la nature hostile, n’a été rendue possible que par la mise en commun des forces individuelles ; ainsi que  par le partage sous forme de diffusion des techniques et des biens entre les groupes, et sous la forme de la transmission intergénérationnelle des savoirs.

  La solidarité est une conquête des sociétés qui cherchent à vivre en paix, or pour devenir effective il faut reconnaître que le partage est le seul moyen de la réaliser. La paix coûte moins cher aux individus que la guerre.

  Les réseaux sociaux : une nouvelle forme de partage

 Glissement de la vie privée vers la vie exhibée : textes personnels, photos diffusés sans limites :

 La frontière entre vie privée et vie publique a volé en éclats avec le partage de la vie privée sur les réseaux sociaux. Et pourtant tout ne devrait pas pouvoir être partagé, un vécu intime constitue un bien précieux à protéger et ne peut pas être partagé.

 Les blogs : une mise en scène de soi

 Les sms : un désir d’ubiquité.

 Recherche d’une vie intense, des émotions, des sensations.

 On créée une communauté virtuelle : vivre ce « nous » en dehors d’une organisation.

 Eclatement du « moi », difficulté à se recentrer sur soi, le sens de la vie.

 L’immédiateté

 Etre tout le temps partout avec tout le monde. Est du vrai partage ?

 Cela peut aboutir à un effacement du sens de la relation, qui devient virtuelle au lieu d’être un face à face, un lien fait de présence et de chaleur physique.

 N’est ce pas pour éviter le regard de l’Autre et son jugement que l’on  présente avec assurance et aplomb les images de nous-mêmes ? Cela sous entend que nous nous trouvons « beau », avant même d’être apprécié ou non par les « autres ».

 Ce narcissisme (au sens de culte à sa propre image) nous expose doublement :

 -          Nous perdre dans notre « moi » et perdre tout lien avec les « vrais » gens

 -          Nous faire rejeter violemment sans pouvoir se défendre puisque l’on a en face « des pseudos » individus

 -          Nous perdre dans l’océan des images déferlantes qui vont recouvrir la nôtre.

 Comme il est bon de savourer avec des proches,  le partage des regards, des mets et des breuvages, qu’ils soient matériels ou spirituels, dans un échange revigorant.

  Paradoxalement chacun demande à l’autre de « regarder et suivre sa vie » sur les réseaux, mais l’autre veut aussi être regardé et suivi, donc chacun a moins de temps à consacrer à l’autre.

 A la limite si l’on multiplie les « amis » et les « comptes » il ne reste pas de temps à « vivre pour soi »...

 Et donc plus rien à « partager » sinon un bavardage sans fin.

 Attention au danger d’une aliénation de masse, où le plus grand nombre est dirigé par un petit nombre d’individus capables de travailler en étant « débranchés », et ainsi rester capables d’acquérir les savoirs et donc le pouvoir.

  Le partage en économie :

 

Avons-nous besoin d’être propriétaire d’un bien pour l’utiliser ?

 La consommation collaborative (sharing economy) est un modèle économique où la valeur d’usage prédomine sur la valeur en  propriété d’un bien.

 Avec la croissance exponentielle des besoins en biens de consommation, il va devenir nécessaire d’économiser les ressources et les dépenses d’énergie.

 Au lieu d’acheter un bien, on le louera pour le temps limité de notre usage, et puis il sera  à nouveau remis sur le marché locatif, au lieu d’être jeté.

 Même le recyclage ne se fera que lorsque le bien sera totalement hors d’usage.

 Cette nouvelle façon de concevoir la circulation des biens, (maisons, voitures, salles de conservatoire etc…) et même des services (transports, cours de musique etc), est en voie d’expansion, surtout par le regroupement des communes et des individus qui s’entendent pour additionner leur pouvoir d’achat, et aboutir par le partage d’un bien commun, à recevoir plus de prestations que si chacun(e) l’avait acquis en propriété personnelle.

 Quelques points de vue trouvés sur le forum du site : ledevoir.com _  Thème : LE PARTAGE

 Fabien Deglise - 15 septembre 2014 

 Un futurologue, Gerd Leonhard, qui l’a dit jeudi dernier à l’occasion d’une conférence à Montréal : la plus grande tendance qui se profile actuellement dans le monde de l’automobile, estime le bonhomme, c’est finalement de ne pas en avoir une !

 Un monde sans voitures ? Le rêve est caressé avec ostentation, hargne même, par une impressionnante brochette de cyclistes urbains, méta-hipster de préférence ou platopithèque de stricte obédience. Mais bien sûr, il n’est pas vraiment sur le point de se réaliser, Leonhard faisait surtout référence ici, avec une formule accrocheuse, à une autre tendance en effet, qui est de plus en plus difficile à garder pour soi : le partage.

  Dans un monde où, depuis les trente glorieuses, l’individualisme, le moi-je et le « après moi le déluge », se développent avec la même absurdité qu’une horde de banlieusards seuls dans une voiture sur l’autoroute 15 en pleine heure de pointe, le principe relève un peu de l’improbable. Et pourtant, les signes — le développement sympathique dans les villes ici et ailleurs des services d’autopartage ou de vélo-partage en est un — ne trompent pas. Si la mise en commun de biens ou de services était une valeur cotée en Bourse, il ne serait peut-être pas bête d’investir dedans.

  C’est un peu la faute d’Internet et de sa culture de plus en plus envahissante et prégnante à l’extérieur de ses frontières naturelles. Mais pas seulement. Le numérique, depuis l’avènement du Web dit participatif, carbure au partage. C’est lui qui fait les choux gras d’une encyclopédie comme Wikipédia, qui nourrit la bête qu’est devenu YouTube, qui donne ce bruit parfois étourdissant et entêtant qui émane des réseaux sociaux. Et, au-delà de sa matérialisation en marche dans le monde du transport, il est désormais permis d’espérer que cet esprit du partage, de la mise en commun fera encore plus de chemin ailleurs.

  Imaginez un peu pour voir, un monde où le transport en commun — c’est aussi du partage de véhicule, ça  prendrait sérieusement le dessus sur les modes de déplacement à propriété individuelle. Imaginez un autre monde où, dans les zones résidentielles, les souffleuses à neige seraient mises en commun entre plusieurs bungalows en hiver et les tondeuses à gazon seraient logées à la même enseigne en été.

  Restons dans le songe. En laissant sa logique se répandre sur les vieux et tenaces plis d’un passé coriace, le partage pourrait facilement éradiquer de la surface du globe, dans les espaces à forte densité humaine, les piscines individuelles, celles qui coûtent cher, celles qui demandent de l’entretien, celles qui finissent par occuper le temps libre et l’esprit, au profit d’un renouveau des piscines publiques que même les banlieues gagneraient désormais à adopter. Avec l’inclinaison du présent, la multiplication de taches bleues dans des jardins délimités et collés devient en effet de plus en plus anachronique, non ?

  L’impossible, il n’y a pas si longtemps, devient de plus en plus réalisable, surtout lorsqu’on constate que le partage est en train d’éroder bien des fondements, pas juste ceux du tout à l’auto, mais aussi ceux de l’industrie des vacances, de l’hôtellerie ou encore du monde du taxi. Airbnb, ce site de location de chambres ou d’appartements, entre particuliers, à travers le monde, dont il était question cet été dans les pages du superbe quotidien d’information que vous tenez en main, c’est de la mise en commun, la victoire, en quelque sorte, du nous sur le je, de l’empathie et de la curiosité sur l’indifférence, de l’authentique sur le générique. Même chose pour Über, cet autre site qui propose de mettre ses déplacements personnels en voiture, dans plusieurs villes du monde, au service d’individus autour de nous, de voisins, de touristes qui pourraient en avoir besoin.

  Récemment, sur l’écran tactile d’un quotidien montréalais, La Presse+ pour la nommer, il était question d’un couple endetté par-dessus la tête, incapable de faire face à ses obligations financières, malgré un revenu familial confortable bien au-dessus de la moyenne nationale. Dans leur portrait affligeant, il y avait deux voitures (et pas des petites), des factures d’essence salées, une grosse cabane à entretenir et surtout tous ces impératifs comptables induits par ces signes extérieurs de confort, cette piscine, ces produits pour l’entretenir et autres marqueurs de l’existence, de l’américanité opulente, qu’il est possible de mettre de plus en plus facilement en commun, mais que plusieurs s’obstinent encore à ne vouloir que pour-eux-tout-seul-à-moi.

  Mais peut-être qu’un futurologue en quête de visibilité pourrait sans doute les convaincre du contraire, avec une formule accrocheuse évoquant une grande tendance dans le monde de la dette, sous l’effet du partage et des mutations du présent : celle de ne pas en avoir.

 

Denis Vézina - 15 septembre 2014 

Le libre partage

 Le partage, l'entraide et la solidarité comportent en effet de nombreux atouts lorsqu'on vit en société. Dès la naissance, la famille a un rôle déterminant à jouer pour transmettre ces vertus qui nous rappellent que l'humain est un animal social. Cependant, il faut éviter de culpabiliser certaines décisions prises par certains ménages. Comme vous savez, plusieurs font le choix de s'installer en banlieue pour diverses raisons: terrains et propriétés à des coûts moins élevés, tranquillité d'esprit, recherche d'une certaine intimité, etc. L'important, c'est d'éviter les solutions mur à mur et effectivement, par le truchement d'Internet, plusieurs biens et services peuvent être partagés par plusieurs personnes à la condition qu'elles veuillent bien y consentir. Bref, évitons de mettre en opposition mode de vie individualiste et partage car rien n'empêche de faire coexister ces deux approches qui comportent chacune leurs avantages et inconvénients.

 René Lefebvre - 15 septembre 2014 

 Partage vital et surpopulation

 Je me suis réjouis de lire l'excellent article de M. Deglise, car aujourd'hui, le partage est devenu vital pour l'humanité entière. Le partage est donc un sujet des plus importants que tous les écologistes reconnaissent comme étant la base de la survie de l'humanité. En effet, il ne se passe plus un mois sans que des organismes scientifiques de l'ONU ne publient un rapport de recherches émanant de regroupements de scientifiques reconnus mondialement qui montrent clairement que des populations entières n'ont rien du tout. Des régions entières du globe sont dans le dénuement profond dû à des années de pillage, de guerre, de déforestation, de pollution des eaux et de la terre et de l'air. Sans un partage plus équitable des ressources et une diminution rapide des destructions massives que l'humanité inflige à la Terre, cette pauvreté ira en s'accroissant, c'est certain.

Je cite en exemple le pont Champlain que plusieurs veulent utiliser gratuitement alors que je suis pour le principe de l'utilisateur payeur. Moi, je ne veux pas partager les coûts de ce pont. Car pourquoi devrais-je subventionner les banlieusards qui font le choix personnel de ne pas utiliser les transports en commun et qui veulent absolument voyager seuls dans leurs voitures polluantes pour venir travailler ou faire du shopping à Montréal? Le partage dans ce cas-ci est celui du transport en commun que les banlieusards doivent utiliser pour réduire leurs dépenses et aussi diminuer leur empreinte carbone sur l'environnement. L'environnement et l'air pur aussi se partagent et ne doit pas être accaparés par ceux qui sont devenus esclaves de leurs voitures en nombre grandissant à la vitesse grand V.

  Michel PROVOST – 15 septembre 2014 

 Technologie et naïveté

 

Victor Hugo avait mentionné au XIXe siècle que grâce à l'invention du train, Paris ne serait qu'à quelques heures de Berlin et que par conséquent il y aurait rapprochement de ces deux peuples. Les guerres de 1870, 1914 et 1939 ne lui ont pas donné raison.

Quant à Airbnb, c'est une forme sophistiquée d'évasion fiscale.

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  Café - philo du 13 octobre 2014

Peut-on vivre sans illusions ?

 

 L’illusion peut prendre diverses formes : elle peut être provoquée par les sens, l’imagination, des discours, des croyances,  … Elle est au cœur d’un problème humain important. : A la fois source possible d’erreurs de perception ou de jugement, elle peut aussi neutraliser la faculté de penser et d’agir librement, fausser le rapport au monde, aux autres et à soi. Cependant elle peut aussi exprimer un dépassement de la réalité, elle participe de la façon dont l’homme pense et construit le monde. Pouvons-nous vraiment nous en passer ? 

 Intro sur le sujet

Ce sujet nous amènera à explorer une question paradoxale : L’illusion ne serait-elle pas au fond la plus constante des réalités humaines ?…
Une réalité qui s’empare des deux dimensions de l’homme : les sens et l’esprit

Nos pauvres sens influençables et imprécis nous causent des erreurs de perception, nous interprétons, nous nous laissons prendre aux apparences, aux illusions visuelles, illusions d’optique, aux trucages de l’illusionniste

Notre esprit, tout aussi influençable, se laisse prendre aux opinions fausses, aux croyances erronées que nous accueillons avec facilité, parce qu’elles nous séduisent, à toutes sortes de chimères, leurres, rêves, utopies… Nous avons ou nous nous faisons des illusions. Nous pouvons même aller jusqu’à entretenir quelqu’un dans l’illusion, faire illusion, duper, tromper, en donnant à la réalité une apparence flatteuse…

L’artiste l’érige en vérité absolue dans sa recherche esthétique, comme le confesse dans son journal Eugène Delacroix : « Ce qu'il y a de plus réel pour moi, ce sont les illusions que je crée avec ma peinture. Le reste est un sable mouvant.»

Aujourd’hui ce n’est plus seulement l’art mais aussi la science qui nous fait prendre conscience de l’existence d’illusion même dans ce qui constitue (ou constituait) nos repères les plus fondamentaux: Albert Einstein le premier nous a révélé que «La distinction entre le passé, le présent, le futur n'est qu'une illusion, aussi tenace soit-elle.». Depuis des décennies, les découvertes en astrophysique anéantissent nos illusions sur la simplicité de l'univers, et sur la place que l’homme, sa planète, sa galaxie y tiennent…

Alors que faire, que penser des illusions ?

Les combattre ? Nier à l’homme son désir de dépasser le réél, de s’aventurer au-delà, voire même de jouer avec l’imaginaire? car le terme «illusion» vient du latin «ludere» = jouer

Les accepter ? Mais qui dit illusion sous-entend déception, désillusion.
Faut-il suspendre tout jugement ? S’abstenir de tout ? Doit-on être désabusé de tout ?

Paradoxe humain, trop humain » cerné par Friedrich Nietzsche, qui dans « Le Livre du philosophe» affirme : «La vie a besoin d'illusions, c'est-à-dire de non-vérités tenues pour des vérités »

Certains comme le militant anti-esclavagiste et anarchiste Multatuli ont trouvé leur réponse : «Les illusions perdues sont des vérités trouvées» (Idées - de son vrai nom Edouard Douwes Dekker publie 'Max Havelaar' en 1859, ouvrage anti-colonialiste et anti-esclavagiste)

Comment lever cet écran qu’est l’illusion et qui s’interpose entre nous et la réalité ?
Notre vie n’est-elle ainsi formée que d’illusions ? Suffit-il de dénoncer ces apparences illusoires pour retrouver une réalité authentique ?


Points de vue de philosophes sur l’illusion

Platon : L’allégorie de la caverne

Platon imagine que l’homme connaissant est comme un être prisonnier et attaché dans une caverne. Ses chaînes sont telles qu’il ne peut que regarder la paroi du fond et sur laquelle se profilent des ombres. Il croit que ces dernières sont la réalité, car c’est la seule chose qu’il puisse voir. Mais en réalité, ses figures ne sont que les ombres d’une autre réalité, réalité qui existe au dehors de la grotte, et dont il ne soupçonne même pas l’existence. Ces réalités sont les Idées et les ombres, les choses qui nous entourent et que nous percevons.
Pour Platon, l’illusion est primitive. Elle est connaturelle à l’homme. Elle est l’origine et la cause de toute erreur. Une sorte de tromperie installée dès le départ et compromet notre accès à la vérité. A ce titre, l’erreur est moins grave que l’illusion, car l’erreur à la différence de l’illusion ne compromet pas la sûreté du jugement. L’illusion est une contamination initiale.
Retenons que pour Platon l’illusion est une ignorance. Il faut remonter au monde des Idées pour connaître la Vérité. Idées que nous avions connues dans une vie antérieure : c’est la théorie de la réminiscence. Savoir c’est se souvenir
Ainsi, si on reste au niveau des apparences, l’illusion est indépassable pour Platon. L’illusion est donc dangereuse pour la connaissance si elle n’est pas reconnue comme telle : car alors le sujet ignore son ignorance et il prend les ombres pour la réalité.
Le premier degré de sagesse est donc de savoir que cette réalité est illusoire ! Puis il faut abandonner cette illusion en tournant la tête pour prendre conscience de ce qui se passe derrière. Or, l’homme est attaché solidement : c’est la force de l’illusion. Comment tourner la tête ? Platon n’y répond pas.
C’est que pour Platon, on ne veut pas sortir de la caverne, car on s’y sent en sécurité. Sortir serait éblouissant et aveuglant. Par-là, Platon veut montrer le pouvoir de séduction de l’illusion (annonce moderne de Nietzsche et Freud.)

Descartes : Nos sens nous abusent

Pourquoi douter de tout ? Parce que l’univers entier est comme un piège d’artifices et d’illusions. Pour Descartes, nos sens nous abusent, le sensible nous égare.
Il faut donc douter des réalités les plus immédiates. Voire même s’interroger sur notre présence ici et maintenant, sur ce lieu concret qui s’offre à moi. Car enfin qu’est-ce qui prouve que je rêve ou je que suis éveillé. Quand nous rêvons, nous croyons à la réalité du rêve ! Donc qu’est-ce qui me prouve que je ne suis pas sorti de ce rêve ? « Il semble bien à présent que ce n’est point avec des yeux endormis que je regarde ce papier, que cette tête que je remue n’est point assoupie ; ce qui arrive dans le sommeil ne me semble point si clair ne si distinct de tout ceci. Mais, en y pensant soigneusement, je me souviens d’avoir été souvent trompé lorsque je dormais, par de semblables illusions » Méditations métaphysiques.
L’univers entier n’est qu’artifices illusoires. Les objets qui se présentent à nous sont destinés à tromper nos sens et donc notre esprit, donc à nous tromper. Descartes imagine un Malin Génie très puissant qui cherche à égarer les esprits.
Pour nous dégager de ses illusions, il faut douter de tout ! C’est le doute méthodique et hyperbolique (certes provisoire.) En effet, il faut expulser l’illusion du champ du savoir pour se démettre du rêve et de la tromperie de ce Malin Génie.
Pour Descartes, le postulat est donc que les illusions perceptives portent sur les sens. Vaudrait-il mieux se référer à une connaissance intellectuelle ? En effet, celle-ci permet de détruire l’erreur. Mais ne suit-elle pas nécessairement la connaissance sensible ? Sur quoi repose réellement le « cogito : je pense donc je suis » ?
Si l’illusion trouve sa cause profonde dans la condition humaine, comment s’en libérer ?
Pour Descartes (comme pour Platon), il faut suivre 3 pistes :
- S’attaquer à la certitude de l’illusion, car la force de l’illusion majeure est de croire qu’on sait.
- Trouver là où la Vérité n’est pas suspecte (le cogito comme vérité 1ère, ou le monde des Idées.)
- Maîtriser l’illusion en distinguant la réalité de l’apparence.
Or le domaine de l’apparence est celui de sens. Dès lors il est facile de distinguer l’illusion pour Descartes. Il réduit le problème de l’illusion à celui de l’erreur sensitive. Si l’illusion ne peut être dissipée puisqu’elle dépend des sens, au moins sa menace est neutralisée : l’illusion est démasquée !

A quoi servent donc les sens ? Descartes répondra qu’ils n’ont de valeur que pour l’adaptation au monde extérieur (ceci ne résout rien et, en plus « apporte de l’eau à notre moulin », car s’adapter c’est d’une certaine manière connaître.)
Avec une telle position le monde extérieur et physique n’est plus objet de science mais d’opinion et savoir devient croire. Il faut donc passer de l’opinion au savoir !
Si nous préférons croire plutôt que juger ou raisonner, alors nous nous condamnons nous-même à l’illusion. Descartes n’a pas vu qu’en soi les données des sens sont forcément vraies. Le problème se rapportant au jugement que nous posons ensuite sur cette perception.
Ex : Le bâton apparaît bel et bien cassé. En ce sens l’œil ne se trompe pas ! Si je crois qu’il est cassé, alors là je suis dans l’erreur, prisonnier de l’effet d’optique.
Le réalisme est nécessaire mais difficile . Certes la réalité n’est pas si évidente, sans quoi l’illusion n’aurait pas de prise sur elle.

Kant : La raison productrice d’illusion

L’illusion selon Kant, appartient à la structure de notre esprit. La raison produit l’illusion. En effet, il y a une illusion naturelle à l’esprit humain qui croit qu’on connaît le réel lui-même ; alors qu’en vérité on ne saisit que des phénomènes relatifs à notre constitution.
Contrairement à l’erreur, elle ne peut être redressée par le savoir ou la connaissance. L’illusion est l’état mental de celui qui est abusé et trompé. Kant est un des premiers à trouver une certaine positivité dans l’illusion par rapport à l’erreur : La croyance (en tant qu’illusion), possède une fonction, un contenu; l’illusion une fois connue comme telle demeure et se perpétue, alors que l’erreur elle, disparaît.
Et même quand je reconnais que la chose intelligible en elle-même est inconnaissable, l’illusion de la raison humaine continue. Le leurre se poursuit indéfiniment. Exemple : Je continue de m’élever jusqu’à l’idée de Dieu … ce Dieu que je ne puis saisir.
L’illusion est enracinée en moi, dans la structure de ma raison, laquelle crée des idées métaphysiques inconnaissables et qui s’attachent à cette même raison de façon profonde. Ainsi, les idées (telles que Dieu, le monde, l’âme, etc…) sont des illusions impossibles à éviter.
Kant part du principe suivant : Les propos scientifiques sont vérifiables tôt ou tard alors que la métaphysique est objet de controverses sans fin.
Pour Kant l’illusion véritable est métaphysique, et celle-ci dérive de la raison pure elle-même. Avant d’aller plus loin, retenons bien sa distinction :
* Phénomène : ce qui apparaît aux sens. Ce n’est pas la chose en soi. Le phénomène n’est ni vrai, ni faux en soi, puis que c’est le donné sensible avant tout jugement. Le phénomène est la matière première de la science objective.
* Illusion : Elle suppose toujours un jugement.
- Soit, elle suit le donné sensible (le bâton dans l’eau est cassé)
- Soit, elle est métaphysique (on ne peut pas prouver l’existence ou l’inexistence de Dieu), elle est invérifiable et objet de discussions sans fin. Ces illusions métaphysiques viennent de la raison elle-même car elles ne peuvent s’empêcher de poursuivre au-delà de toute expérience. Les dogmes de la métaphysique (il nomme ainsi l’existence de Dieu, l’immortalité de l’âme, etc…) sont des idées produites par la raison qui ne peuvent ni se prouver, ni se réfuter.
- L’erreur qui dérive du raisonnement logique (exemple du sophisme), n’est pas illusion, puisqu’elle disparaît après démonstration contraire.
L’illusion métaphysique serait-elle donc une dégénérescence de la raison ? En effet, d’après Kant, la raison produit inévitablement des concepts inconnaissables dont l’objet n’a aucune correspondance dans la réalité.
Finalement, la raison produit l’illusion pour répondre à ses exigences d’unification et de totalisation qu’elle ne peut trouver dans l’expérience. L’illusion est donc le signe d’un désir intellectuel inassouvi dans ce monde, et donc, dans notre expérience. En effet, l’illusion métaphysique résulte d’une exigence intérieure à la raison, et nous ne pouvons pas l’empêcher de projeter à l’extérieur des formes d’être.
De ces objets illusoires, nous n’avons aucune connaissance réelle en dehors du cadre de notre expérience. Ce sont des fictions persistantes et inévitables de la raison pure.
Chez Kant, on ne peut pas connaître l’absolu. Il n’est même pas objet d’intuition intellectuelle - les seules intuitions qui existent sont les perceptions sensitives..
On le voit, le désir n’est pas absent de l’illusion kantienne, c’est un désir intérieur à la raison pure ; même si en soi, il n’y a pas d’opposition entre désir et raison. Kant se réfère à une opposition entre entendement (science objective reliant les phénomènes par des lois), et raison (unifiant nos jugements au-delà de toute expérience.)

Illusion et désir

Les philosophes du XIXème et du XXème siècle voulurent voir une positivité dans l’illusion et la réhabiliter.
Beaucoup d’entre eux formèrent ce que l’on a appelé plus tard, la philosophie du soupçon.
ces philosophes n’ont pas voulu voir dans l’illusion un simple défaut de la raison et de la vérité ; mais qu’elle découle d’une utilité subjective soulignant la positivité du corps et de ses besoins, d’où une positivité de l’illusion comme une positivité du désir.
En effet, reprenons la théorie cartésienne : la perception est source d’illusion (et en aucune façon la raison, puisque celle-ci est rationnelle et donc ne peut être sujet d’illusion.) La perception est source d’illusion parce qu’elle est œuvre du corps. Lequel ne suit pas la voie du réel, mais du besoin donc du désir !

Spinoza

Il est un précurseur des philosophes du soupçon (ensuite Marx, Nietzsche, Freud.) Pour Spinoza, rien ne se produit sans cause et toutes les causes s’enchaînent nécessairement.
Il part du postulat suivant : l’homme n’est pas libre (déterminisme), pourtant beaucoup se croient libre. Ce libre arbitre auquel croient les hommes est pure illusion. Cette illusion du libre arbitre est un défaut de savoir.
Les illusions viennent du fait que nous sommes conscients de nos actions, mais que nous sommes ignorants des causes qui nous déterminent.
Dès lors, l’illusion semble venir de l’ignorance des causes.
Spinoza souligne que l’illusion est aussi un problème de langage : Ce concept de liberté n’est qu’un mot abstrait, et le simple le fait de le prononcer engendre un mythe. Nommer la liberté, c’est l’inventer ! L’illusion provient de ces être de raison, ces idées issues du langage et purement imaginaires ; fiction abstraite que nous prenons pour la réalité.
Le langage recueille l’illusion fugitive et lui donne une durée et une communicabilité. L’illusion se propage et aggrave l’illusion, car il a une puissance de réification. Le langage est donc pour Spinoza source d’illusions reposant sur le désir.

La philosophie du soupçon 

Pour les philosophes du soupçon, les illusions sont des croyances qu’il faut savoir décrypter. La positivité de l’illusion s’enracine dans l’affectivité et répond donc à un besoin de l’esprit, du corps ou du cœur.

Pour eux, ce qui caractérise l’illusion, c’est qu’elle survit aux réfutations parce que ses mobiles sont inconscients. Il faut donc les rechercher. C’est une tendance de la philosophie contemporaine : rechercher les mobiles cachés de l’illusion. Il ne s’agit pas de contrer l’adversaire et ses illusions, mais de savoir pourquoi il tient pour vrai de telles illusions.
Cette philosophie considère comme illusion toutes les opinions adverses. Philosophie facile qui juge à priori la doctrine de l’autre comme illusion : elle refuse le dialogue et la discussion. Elle s’économise d’une réfutation argumentée au profit d’insinuations gratuites et souvent douteuses. Cette philosophie ne masque-t-elle pas une certaine intolérance intellectuelle ? N’est-elle pas une philosophie du mépris ?

Freud

« Nous appelons une croyance, illusion quand dans sa motivation, l’accomplissement de souhait vient au premier plan »
Pour Freud, l’illusion dérive des désirs humains, aussi elle ne peut pas être supprimée. Si nous avons des illusions, c’est que celles-ci réalisent sur un mode imaginaire, nos aspirations les plus secrètes. Exemples : Le sentiment religieux tire sa force dans le désir d’être protégé et aimé par: Dieu le Père.
L’attente du Jugement Dernier provient de notre exigence de justice (fort déçue ici-bas). Etc…
Ainsi, pour Freud nous croyons ce que nous souhaitons, et ceci est pure illusion (car tous les démentis de la réalité ne viennent pas ébranler notre croyance, ce n’est pas une pure erreur.) N’est pas prise en compte la conformité de la croyance au réel.
Pour Freud, l’illusion est aussi une revanche du désir. En effet, certains désirs dont la satisfaction est incompatible avec les interdits sociaux sont refoulés hors de la conscience. Ils sont loin d’être anéantis, en fait, ils disparaissent sous un déguisement illusoire. Nos désirs refoulés portent un masque : l’illusion !
Ainsi, le désir est à l’origine de l’illusion. Plus exactement une lutte entre le « principe de plaisir », exigeant la satisfaction inconditionnée de nos désirs, et le « principe de réalité », imposant au désir ses limites. Ainsi le mécanisme de l’illusion est de substituer à la réalité décevante notre désir. La « réalité » illusoire est plus satisfaisante.
L’illusion compense et console. Ainsi pour Freud, l’art appartient au mécanisme de l’illusion qui est maîtrisée et sublimée. Le délire pareillement, mais là, l’illusion a supplanté le réel.
Fidèle à la méthode psychanalytique, Freud affirme qu’il faut laisser parler le désir, ainsi pourrons-nous connaître notre inconscient, et devenir libre. A ce titre, l’illusion est positive.
Mais plus encore, l’illusion est positive de par son aspect dynamique. L’illusion engendre le transfert, l’illusion est donc créatrice, elle est une sorte de puissance.
« C’était une illusion de la part de Christophe Colomb de croire qu’il avait trouvé une nouvelle route maritime des Indes. La part de désir que comportait cette erreur est manifeste » L’avenir d’une illusion.

Nietzsche

Pour Nietzsche, l’illusion est condition de la vie. Il est impossible de l’abolir car elle console de la vie. Par elle, le poids et les difficultés de l’existence sont amoindries. Il faut s’abandonner à l’illusion car elle va dans le sens de la vie. Elle console, et à ce titre elle est un voile protecteur contre le désespoir, l’absurdité de la vie qui est néant, et contre l’angoisse.
Lui aussi accorde beaucoup d’importance à l’art qui est l’excellente illustration de sa théorie : l’art charme et dissimule le néant de l’existence avec sa belle apparence protectrice.

Sans illusion, l’homme perd tout point d’appui, car la vraie nature des choses est si vaine et si triste qu’il faut absolument de bonnes illusions pour surnager. « Abolir les grandes illusions déjà complètement assimilées détruirait l’humanité. Il faut approuver et accepter beaucoup d’erreurs et de maux. » La volonté de puissance.

pour Nietzsche, tout ce que les hommes ont vénéré jusqu’ici comme les vérités les plus hautes, dissimulait des jugements de valeurs dictés par leur impuissance à supporter la vie. La science elle-même n’a pas atteint la vérité, elle a produit des fictions utiles. L’illusion ne doit pas conduire au désenchantement, mais nous donner une nouvelle façon d’aimer la vie. Vivre, c’est consentir à l’apparence, s’en contenter. L’illusion est un besoin vital.

Marx

Pour Marx, l’idéologie relève du mécanisme de l’illusion, à un niveau collectif. L’idéologie est un système de représentations et d’idées juridiques, morales et religieuses, qu’une classe sociale tient pour la vérité, mais dont le ressort se trouve dans des désirs et des intérêts dissimulés. L’idéologie est une illusion collective : C’est l’intérêt d’une classe exploitant l’autre, et qui s’en dissimule sous le masque idéologique d’un intérêt universel et indépendant.
Qui dit intérêt, dit désir.
L’idéologie ne s’avoue jamais comme telle : elle se croit expression de la réalité. Ainsi elle méconnaît ses intérêts matériels et économiques. Marx prend l’exemple des révolutionnaires de 1789 défendant la liberté individuelle : Ceux-ci de bonne foi ne faisaient que défendre leur pensée et leur action dans le sens qui correspond aux intérêts de leur groupe social auquel ils appartiennent : la bourgeoisie et la propriété privée.
Tel est le mécanisme de l’illusion dans l’idéologie : c’est l’intérêt de la classe dominante qui pousse à présenter ses exigences comme étant celles de l’intérêt général, et comme étant rationnelles.
Ainsi, le conflit de classes se dissimule sous la forme anodine et neutre d’un échange de chose : le salaire. Comme pour Freud, l’illusion témoigne de la toute puissance du désir, et de son travestissement par des conflits.

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Réflexions et débat  de la soirée "Peut-on vivre sans illusions ?"


La soirée a débuté par la définition du mot « illusion » : vient du latin « ludus »= jeu, donc ce qui n’est pas la réalité, fantaisie, espérance vaine. L’illusion est un contenu d’image mentale, c’est une perception basée sur le réel et non une hallucination.

 Distinction entre physique (illusion) et métaphysique ( croyance) :

La métaphysique est un domaine où il n’est pas possible d’administrer une preuve, de traduire en actes les propositions contradictoires pour savoir laquelle est vraie :
- Le monde est-il fini ou infini ?
- Tout dans l’existence est-il déterminé ou existe-t-il un libre arbitre ?
- Y-a-t-il une cause première de l’univers (Dieu) ou n’y a-t-il que de la matière sans cause ?
Par exemple, la croyance en Dieu ne peut se démontrer car c’est un être immatériel, celui qui croit a une certitude, celui qui n’y croit pas qualifie d’illusion cette certitude.

 Pour que l’illusion « opère » et nous embarque, il faut qu’elle corresponde à la satisfaction de nos désirs, et ainsi nous fasse ressentir des émotions, du plaisir, ou même de la peur, de délicieux frissons. 

Les participants disent leurs expériences des illusions dues à la perception erronée de nos sens, au fait que l’apparence nous abuse :
- Les mirages
- Les effets spéciaux de Mélies et de ses successeurs au cinéma
- La forme de la lune, le « coucher » du soleil
- La réfraction dans l’eau et la diffraction de la lumière vue en arc en ciel des couleurs
- Le monde « virtuel »,
- l’art qui imite la réalité, etc…
L’art est une façon de représenter la réalité en utilisant :
- Le symbolisme,
- La fiction,
- L’évocation,
- L’allégorie,
- La métonymie,
- Les mythes revisités, etc…

L’illusion créée par l’art nous aide à supporter la réalité, elle nous procure un sentiment de réconfort, d’apaisement, dans ce cas elle est une parenthèse consciente, limitée dans le temps, qui nous « repose » de la dure réalité.

 Puis sont questionnées les illusions créées par la pensée, par les œuvres de l’esprit :

- Les fictions, les « rêves » au sens de projets
- Les théories scientifiques
- Les théories philosophiques
- Les théories économiques
- Les théories politiques

 Comment distinguer les théories «réelles» de celles «illusoires» :

- Quelles « preuves » pouvons-nous avoir ?
- Les théories sont une interprétation du monde, lesquelles sont bénéfiques lorsqu’elles débouchent sur un projet concret permettant la mise en actes pour « changer le monde ».

 Comment savoir si ces œuvres sont mensongères et nocives :

- S’il est préférable d’être dans l’action que se réfugier dans des illusions, et si nos « rêves », nos projets un peu (ou beaucoup) fous nous portent, nous poussent à agir,
- Il arrive que nous « perdions nos illusions » dans l’épreuve d’une théorie et d’un projet, quand on passe à sa réalisation dans la « vraie » vie, vie qui se révèle souvent bien plus complexe et imprévisible que toutes les théories qui nous ont « bercé » de leurs certitudes de détenir la vérité et les solutions «clés en mains » à nos problèmes,
- Il arrive heureusement, qu’en chemin de la réalisation d’un projet, l’on aboutisse à la découverte d’une réalité insoupçonnée au départ et qui soit bénéfique.

 L’illusion devient un danger si elle nous empêche de voir, de savoir, le réel.

Si l’illusion devient indispensable à notre vie, si elle est une figure mise devant toute autre perception, elle devient une idole.
Le héros Nietzchéen essaie de faire échec à toutes les illusions, car elles deviennent des idoles, c'est-à-dire des créations imaginaires qui prennent la place du réel, de la raison, et nous conduisent à des comportements fanatiques.
Il y faut du courage pour admettre de vivre en étant conscient qu’il n’y a pas de vérité absolue.
Il n’y a que des interprétations du réel plus ou moins bonnes.
Sans ce préalable, tout discours, tout art prétendant à « la totalité » de la pensée et de l’action est une imposture, une « idole ». Celle-ci prend la place de notre intelligence, nous enlève notre dignité, et ainsi notre vie se déroule dans un monde illusoire, et vain.

 Par exemple l’idolâtrie peut prendre la forme de celui (ou celle) qui nous fait des promesses idéologiques :

- Si nous lui obéissons, en désignant un bouc émissaire, en fermant nos yeux, nos oreilles, notre bouche et en laissant guider nos pas, nous pourrons facilement et sans aucun doute, obtenir du travail, de la santé, de la richesse, de la puissance et combler nos désirs. Pour cela nous devons être capables de toutes les cruautés, d’autant que noyés dans la foule des gens comme nous, nous ne nous sentirons pas coupables.

 Cette illusion mortifère peut recueillir l’adhésion des foules si elle est diffusée sur un terrain propice, dans une société faite de détenteurs de richesses qui veulent conserver leurs privilèges en manipulant le plus grand nombre, et en utilisant un cocktail dangereux :

- le chômage de masse qui détruit la dignité,
- les désirs frustrés, la honte de sa condition comparée à l’opulence vue à la télé,
- le ressentiment à la suite d’humiliations « ressenties », perte du prestige, souffrances de semblables, etc…
- la haine de « l’autre, de tous les autres », désignés comme la cause des malheurs,
- la peur assénée par la « communication »,
- les rêves qui se brisent sur le réel : les diplômes ne protègent plus du chômage,
- la perte d’identité simple et glorieuse,
- la perte de la reconnaissance et de la récompense des vertus que sont : le travail, la solidarité, l’honnêteté, le courage, le respect, le savoir, le partage.

 Le partage, un sujet à explorer.. Après ces heures d’écoute et de libre expression, les participants  se sont donnés rendez vous, à la cafétéria de CORA, le 13 novembre à 19h  pour débattre du sujet « Doit-on partager ? ». Autour de petits fours salés et sucrés et de boissons, un débat à partager avec plaisir.

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Café-philo du 16 septembre 2014

 Le travail a-t-il un sens ?

 Plus que jamais sur le devant de la scène, le travail occupe une place fondamentale dans nos sociétés et dans la vie des individus. Il apparaît comme un impératif qui détermine une identité sociale. Dans tous les cas, il revêt une réalité différente pour chacun : moyen de subsistance, épanouissement personnel ou au contraire souffrance, privation de travail par le chômage. Alors que dans l'antiquité grecque, seuls les esclaves travaillaient, permettant ainsi aux citoyens de s'adonner à des tâches dites « nobles » (affaires de la cité, culture ...), le travail peut-il être considéré aujourd’hui comme ce qui construit notre humanité ? En dehors de l'aspect rémunérateur, pourquoi travailler ? 

Ce furent quelques-unes des des questions qui furent débattues lors de cette soirée 

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Café-philo du lundi 2 juin 2014

Doit-on pardonner ?

 Philosophie du pardon 

Traduction de l’article de Daniel Ramirez pour le magazine chilien « El Periodista »  

Il y a des choses difficiles en philosophie. Intellectuellement, et parce qu’elles éveillent des réactions très fortes, évoquent des images, des moments, des histoires difficiles. On se trouve devant un réseau de significations complexes dans lequel il est facile de se perdre. La philosophie ne peut rien contre les réactions affectives ; cependant elle peut aider à comprendre. En cela, les mots sont importants.
Si on parle du pardon, c’est qu’il y a faute morale, délit, abus, préjudice, crime. Les textes anciens en parlaient déjà : Caïn et Abel, faute (ou péché), vengeance, loi du Talion, punition, condamnation. Et aussi toute une série des situations qui viennent s’ajouter : excuse, repentir, confession, pardon, rédemption, amnistie…

Les sociétés civiles se construisent avec l’idée qu’un troisième élément la justice est fondamental pour éviter la chaine sans fin de la vengeance, tant étudiée par les ethnologues. Pour cela, on écrit des codes, on édicte des lois, on nomme des magistrats. On suppose que tous les crimes doivent être jugés impartialement et punis en conséquence.

Cependant, il y a des époques terribles, des jours de colère : des conflits, des guerres civiles, des génocides, ainsi que le XXe siècle l’illustra avec son sinistre record. L’histoire met en scène des êtres faillibles, au savoir limité, tels sont les humains, dans des situations extrêmes où les barrières morales se perdent. La haine, alimentée par les idéologies, les préjugés et la propagande et amplifiée par la peur fait son œuvre et déchaîne l’inhumain. Comme l’humain est « intelligent », la violence devient un système. C’est le temps des assassinats, de la torture, de la disparition, la privation de liberté, l’exil, la dépossession, la calomnie, l’humiliation, l’injustice, l’exclusion, du mensonge généralisé. Cependant, l’histoire avance, le temps passe. La vie continue. La justice se met en marche mais insuffisamment, tardivement et difficilement. Peu à peu, la mémoire se reconstitue mais les plaies restent ouvertes.
Pourquoi ?
Mais c’est ainsi qui apparaît le thème du pardon, étrange et difficile.

Tout d’abord précisons quelques distinctions entres les termes :

Le pardon n’est pas la même chose que l’excuse. Nous nous excusons pour bousculer l’autre ; les fautes excusables ne nécessitent pas d’être pardonnées. Étymologiquement, excuse vient de « ex-causa », c’est-à-dire qu’une cause extérieure est venue interférer dans les faits. Le chauffeur qui provoque un accident après avoir été ébloui sur une route glissante est bien responsable de l’accident. Mais au moins deux causes extérieures interviennent dans les faits. Il a donc des ex-cuses. Les juges le savent. Et de ce fait, il peut être « disculpé » (mettre à part la culpabilité). Se disculper consiste généralement à mettre en avant les excuses.
Cependant, la faute morale grave, celle qui pose problème, est celle qui est imputable à l’auteur de l’acte, à lui seul, pleinement autonome et intégralement la cause de ce qu’il a fait avec la volonté claire de le faire. Les actes pourraient alors être qualifiés d’in-excusables.

Tout un chacun peut dire non à un ordre, avoir une capacité de réaction, arrêter un potentiomètre en prétextant que le prisonnier s’est évanoui. Personne n’est obligé de suivre scrupuleusement un plan sinistre jusqu’à la fin en s’enfonçant dans la cruauté. On ne peut pas exiger l’héroïsme, mais chacun peut contribuer à ralentir la machine, se déclarer malade, se mettre en retrait, puis parler et contribuer à la vérité. Lorsqu’on constate que rien de cela n’a été tenté, nous sommes devant l’inexcusable. Pire encore quand on est responsable de toute la chaîne des événements. La justice doit suivre son cours, forte et rigoureuse. Mais elle-même est incapable de sanctionner ces actes en proportion de leur gravité parce qu’ils sont hors de toute proportion.

Pourquoi alors parler de pardon ? Quand peut-il s’appliquer et qu’est-ce que le pardon ?

Il est impossible d’expliquer cela sans entrer au cœur-même de la philosophie.
Il faut ici parler du rapport au temps. Il s’avère que nous autres, êtres humains, sommes non seulement intelligents, parlants et sociaux (définitions classiques) mais nous sommes essentiellement des êtres de la temporalité. Nous vivons dans la conscience du temps, dans le présent qui vient du passé et se dirige vers le futur.
Tout ce qui est humain se joue dans ces trois dimensions. Nous avons perception seulement du présent, mais du passé nous avons la mémoire, les traces, parfois les blessures. Du futur, nous avons les attentes, les désirs, les peurs aussi et l’espérance. Toute une gamme de sentiments teinte des nuances notre expérience du temps.

Quelques exemples :
- la nostalgie est la perception du passé à travers le bonheur perdu
- l’orgueil est le passé vu à travers un accomplissement obtenu
- la culpabilité : le passé vu sous le prisme de ce que nous n’aurions pas dû faire
- la peur : la perception du futur en relation avec un mal qui menace
- la gratitude : le sentiment d’avoir reçu un grand bien
- la rancœur : le passé à travers l’offense subie.
Ces colorations affectives sont omniprésentes.
Force est de constater que les tonalités de l’âme relatives au passé étendent leurs tentacules jusque dans le présent : la culpabilité due aux faits passés colore de honte le moi dans le présent, la rancœur passée le couvre de ressentiment. Il est ainsi évident que de tels présents projettent leurs ombres sur le futur : la honte génère le projet de se cacher ou de se dissimuler ; le ressentiment le désir de vengeance ; la rancœur transforme la perception de tout le reste, d’une certaine manière, ce filtre opaque obscurcit la lumière du monde.

C’est pour cela que la médiation d’un troisième élément, la justice, est importante. Les actes et les paroles, la vérité partagée par des tierces personnes et des institutions reconnues, peuvent permettre de soulever la chape et commencer à retirer les filtres que le passé interpose entre le présent et l’avenir.
Parfois – les textes anciens le montrent – les individus peuvent avancer vers une transfiguration de leur coloration intérieure. Ainsi, la culpabilité peut générer le repentir, ce qui est déjà une manière active de reconsidérer son passé honteux. Un désir de réparation émerge alors timidement.

Mais existe l’irréparable, l’irrémédiable. Personne ne peut ramener la vie assassinée. Les jeunes morts dans le froid des souterrains obscurs, après d’innombrables souffrances, dans la solitude totale et l’abandon, en sachant qu’ils finiront dans un fossé perdue ou au fond de la mer.

Á quoi sert alors le remords de ceux qui ont perpétré d’indicibles horreurs ?
Pour cela, le repentir, la pénitence et le pardon ont été la plupart du temps des thématiques du domaine religieux. Ces choses relèvent de Dieu. Elles dépassent ce qui est pensable par les humains. L’inexcusable peut être vécu comme impardonnable. La notion juridique de l’imprescriptible (crimes contre l'humanité) confirme le caractère irréductible de l'excès dans l’inhumain.

Qu’est-ce que le pardon dans ce contexte ?
Nous avons évoqué plus haut les sentiments de notre existence temporelle, surtout ce qui teintent le présent et le futur de la marque du passé, comme la culpabilité et la rancune. Nous avons l’inhumain et l’inexcusable, qui marquent d’un sceaux indélébile certaines périodes de l’histoire humaine. Un tel passé ressemble plutôt à un destin.
Ici réside le grand problème métaphysique : le passé, nous ne pouvons le changer, il est inamovible, ce qui est fait est fait ; la boucle est bouclée, complète comme une sphère: ce qui est arrivé est arrivé pour l’éternité : ce qui est advenu ne pourra jamais ne jamais ne pas être . La liberté se voit ainsi gravement amputée.
Le futur comporte aussi son volet angoissant : il est totalement imprévisible. Aucune prédiction ne s’accomplit exactement, sauf coïncidence. Entre le passé inamovible et le futur imprévisible, l’action de cette être faillible et finit qu’est l’homme doit pourtant avoir lieu. Comment peut-on tout juste faire quelque chose si, d’un côté nous ne pouvons prévoir toutes les conséquences et que de l’autre, elles seront totalement définitives ?

Cependant, nous avons deux antidotes, fragiles mais réels, à ces deux corrosives conditions métaphysiques de l’existence: « au caractère inaltérable du passé, nous pouvons opposer le pardon. Et au caractère imprévisible du futur, nous pouvons opposer notre capacité à faire des promesses »
Si ce qui fut fait est inexcusable et le préjudice incomparable, sommes-nous condamnés, les uns à la culpabilité (parfois secrète) et les autres, à la rancœur ? Dans ces situations, le passé s’érige entre le présent et le futur, bloque le devenir et empêche le passé de passer vraiment. Bien que ce qui est arrivé ne peut pas être altéré, ce que nous pouvons changer –certes, ce n’est ni facile ni fréquent – c’est l’incidence du passé sur le présent. La personne qui se sait coupable de l’inexcusable vit dans un obscur mélange de remords et de mensonge, son présent étant malade de son passé. De même celui qui vit dans la rancœur, le ressentiment et le désir de vengeance. Entièrement prisonnier de son acte et de son statut de criminel pour l’un et de son statut de victime pour l’autre. Ils sont, de ce faits, liés aussi l’un à l’autre.

Parfois, si le premier reconnaît ses actes, s’il amorce un pas vers la victime, celle-ci peut, si elle le désire, faire aussi un mouvement vers le coupable. Il est impossible de dire jusqu’où un pas ou un autre peut aller. Toutefois, tant l’offenseur comme l’offensé retrouvent une partie de leur statut de personne humaine, pas complètement criminel l’un et pas entièrement victime, l’autre.

Nous revenons ainsi à la question initiale, que nous avons laissée en suspens : qu’est-ce que le pardon ?
Comme l’indique le mot, le pardon est un don (donation, cadeau), le préfixe « par » a la même fonction que dans le terme « par-fait » : c’est-à-dire achevé, complet. « Par » c’est ce qui ouvre la voie vers le parfait. Le par-don est un don parfait. Bien entendu, il relève de la liberté absolue de celui qui a subi le préjudice, et en aucun cas, on ne peut le commander ni constituer une obligation.
On ne peut d’ailleurs pardonner que ce que l’on a souffert soi-même. Personne ne peut pardonner pour ceux qui ne sont plus. Pour cela il restera toujours un fonds d’impardonnable, d’inexpiable. Le pardon est un don parfait mais aussi un don imparfait parce qu’incomplet. C’est le paradoxe du pardon.
Cependant, pour les souffrances vécues dans sa chair propre, pour la perte d’êtres chers, pour la dignité bafouée, il n’y a pas de nécessité de continuer à subir les conséquences éternellement. Les religions savent que le pardon libère d’une partie du fardeau du passé qui pèse sur le présent. Mais l’homme n’étant pas tout-puissant, on en laisse une partie à Dieu (cf Jésus : « Pardonne-leur seigneur, car ils ne savent pas ce qu’ils font » ).
On ne peut pas obliger à pardonner (sans quoi ce ne serait pas un don parfait) mais inversement – et c’est là le plus difficile – on ne peut l’interdire.
Imaginons que pour certaines des victimes, une transformation intérieure ait commencé, motivée ou non par un acte vertueux de la personne qui a commis l’irréparable. Ce serait très triste que, du fait d’un climat collectif et par des campagnes de communication, ce processus soit étouffé.
Ainsi, le slogan « ni pardon, ni oubli » , porte une contradiction. Premièrement, s’il y a oubli, par répression, autocensure ou amnésie, il n’y aura jamais de pardon. Pour pardonner, il faut se souvenir, il faut reconnaître la faute, la dette, en tant que telle pour la considérer. Le pardon est une modalité de la mémoire et non de l’oubli.

De même, la consigne « sans justice, pas de pardon » est infondée : si le pardon est un don absolu, il ne peut être sous-tendu par des conditions. La justice doit suivre son cours. Ni le pardon ne doit l’interrompre , ni la justice ne doit conditionner le pardon. Ce sont des mondes séparés. Institutionnelle, collective et au service de la société, objective (si possible) et froide, la justice est médiation, troisième terme, objectivité. Personnel, individuel, subjectif, le pardon est un acte intime non motivé, gratuit et totalement libre. Toujours affaire d’individu à individu, le pardon ne supporte ni loi ni décret. Il est extra-judiciaire, extrapolitique. L’intimité d’une conscience qui considère une personne comme telle (en la séparant de son acte) peut produire cette libération partielle.
Un acte sincère, une parole de vérité, un processus, une reconnaissance, tout cela peut faciliter le mouvement vers le pardon. Mais comme nous l’avons vu, on ne peut pas l’obliger. De la même manière, l’absence de ces conditions ne peut l’interdire, ni l’empêcher.

Une chose est d’admettre que les sociétés ont besoin, pour la paix civile, de justice, de mémoire, de réflexion, d’histoire, parfois aussi d’amnisties, de lois. Autre chose est ce dont a besoin une conscience douloureuse et enfermée dans la souffrance.
Personne ne devrait même conseiller de pardonner, cependant gardon-nous d’empêcher, par des besoins collectifs et politiques, l’avènement de cette expérience strictement libre, individuelle, profonde et improbable, si jamais elle venait à surgir.

Il s’agit d’attention, de soin (on ne peut pas savoir s'il y aura une guérison) envers une mémoire malade, tant celle du coupable comme celle de la victime. La possibilité, fragile et rare de rétablir un ordre immatériel mais essentiel dans l'expérience temporelle humaine: que le futur s’envisage comme futur et non pas comme une projection du passé. Et que le passé apparaisse comme passé et non comme une ombre sur le présent.

Prendre soin de la mémoire et avancer, pour ceux qui le peuvent, ne signifie pas infidélité aux morts. L’objet du pardon, comme nous l'avons dit, n'est pas l’oubli mais la mémoire, libérée d’une partie de la douleur, celle qui empêche le cours de la vie temporelle. Le but de pardon, là où on ne peut excuser l’inexcusable, c'est la liberté intérieure. Ceux qui sont tombés ne reviendront pas. Mais leur souvenir peut être source d'autre chose que le fond et les ténèbres de l'abîme. Comme le désir de vie qui illumina leur existence, le bonheur de les avoir connus, la gratitude de les avoir succédé dans le temps, d’habiter le monde pour lequel ils ont lutté. Tout cela peut être source d’une nouvelle lumière.
Ce qui est perdu ne peut être retrouvé, mais au lieu de laisser le vide, les terrains de la mémoire en friche, nous pouvons parfois avoir la liberté de semer à nouveau, d’attendre des nouvelles pousses, peut-être même de grands arbres peuvent-ils s’épanouir. Plus le préjudice est important, plus grand peuvent être le courage et la générosité.
Dans tout naufrage humain il reste toujours quelque chose d’intact. Cela mérite une attention discrète (loin des caméras, des débats et du bruit) et notre plus grand respect.
La légère et lucide vibration de l'amour pourra arroser, mais en silence, les improbables fleurs du futur.

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   Café Philo du 27 mars 2014

"Quel est notre rapport à la nature ?»

Notre rapport à la nature est ambivalent. Associée à la vie, nous savons qu’elle est un patrimoine qu'il faut protéger.  Mais elle est aussi un moyen  pour permettre à l'homme d'améliorer sa vie, voire même d’assurer  sa propre conservation. Ainsi sommes-nous  face à des choix et à des questionnements : Quels sont les pouvoirs de l'homme sur la nature, l'homme est-il transcendant par rapport à elle ? Y a-t-il des limites à l'exception humaine ou l'homme s'intègre-t-il dans la nature  comme les autres êtres ?  De quelles façons pourrait-on alors la respecter et d’ailleurs, pourquoi lui doit-on le respect ?

  LA PHILOSOPHIE : Réflexion critique sur les problèmes de l'action et de la connaissance humaine; effort vers une synthèse totale de l'homme et du monde. 

Philosophie de la nature, par opposition à philosophie de l'esprit. Ensemble des réflexions des philosophes post-kantiens (notamment Schelling et Hegel) sur la nature matérielle. « Après l'idéalisme subjectif de Kant et de Fichte, vint la philosophie de la nature, retour à la réalité » (A. de VIGNY, Journal d’un poète,1847, p.1252).
 « La philosophie n'est pas seulement le retour de l'esprit à lui-même, la coïncidence de la conscience humaine avec le principe vivant d'où elle émane, une prise de contact avec l'effort créateur. Elle est l'approfondissement du devenir en général, l'évolutionisme vrai, et par conséquent le vrai prolongement de la science, −pourvu qu'on entende par ce dernier mot un ensemble de vérités constatées et démontrées. » (H. BERGSON, l’Évolution créatrice,1907, p.368).
Philosophie de la nature ou philosophie naturelle. Ensemble des disciplines qui ont pour objet le monde matériel. «  À chaque étape du progrès de nos connaissances en philosophie naturelle, s'introduisent des éléments nouveaux qui nous obligent souvent à refondre entièrement l'ensemble de notre interprétation des faits physiques.» (L. DE BROGLIE, Nouvelles perspectives en microphysique, 1956, p.49).
« La philosophie est une prise de position raisonnée par rapport à la totalité du réel. Le terme de «raisonné» oppose la philosophie aux prises de positions purement pratiques ou affectives ou encore aux croyances simplement admises (sans élaboration réflexive exemple : une pure morale, une foi).»(J. PIAGET, Sagesse et illusions de la philosophie.1965, p.57).

QUELQUES REFLEXIONS sur la « NATURE » et la « PHILOSOPHIE »
« Dans la mesure où la philosophie occidentale consiste premièrement en une réflexion théorique sur l’être, la philosophie de la nature se trouve au centre de la philosophie depuis ses origines dans la Grèce ancienne. Les premiers présocratiques, tels que Thalès (env. 640 avant J.-C.), Anaximandre (env. 611-549 avant J.-C.) et Anaximène (deuxième moitié du 6e siècle avant J.-C.), sont considérés comme des philosophes de la nature puisqu’ils avancent des hypothèses audacieuses sur l’être des choses. De leurs réflexions naquirent les sciences de la nature ainsi que la philosophie, les deux demeurant inséparables de leur origine à aujourd’hui.

Notre concept « nature » vient du concept grec physis, lui-même dérivé du verbe phyein, qui peut être traduit par « être engendré, croître ». Selon la première philosophie de la nature systématique, la Physique d’Aristote (384-322 avant J.-C.), la physis est le domaine de ce qui est en soi, en tant qu’ayant en soi le commencement du changement et la continuation de son existence. La physis d’une chose est ce qui fait que cette chose existe par elle-même. Nous voyons ici comment les deux sens actuels du mot « nature » convergent : nature en tant qu’essence d’une chose et nature en tant qu’ensemble des choses qui existent par elles-mêmes. Par conséquent, Aristote n’oppose pas le domaine de la nature au domaine de l’esprit, mais plutôt au domaine de la technique, compris comme domaine des choses qui trouvent leur origine dans l’action de l’homme (voir, en particulier, Physique, livre 2, chap. 1). L’esprit – compris comme étant ce dont dispose un être doté de perceptions, d’émotions, de désirs, de croyances et d’intentions – existe par lui-même et, à ce titre, appartient à la nature. » Michael ESFELD.
Cette Nature a d’abord fait l’objet de soumission (animisme), puis de sublimation (mythologies), puis qualifiée de création divine, enfin d’espace de conquête et de réservoir de richesses captées par la « propriété » humaine.
Depuis qu’un satellite nous a montré une vue de la terre, planète bleue poétique, mais perdue dans l’immensité cosmique, nous avons compris que la Nature, en fait, pour nous « humains », se limitait à la Terre et qu’elle était un tout petit « jardin ».
Nous savons que nos ressources sont limitées, et que nous sommes, nous « tous les humains » dépendant d’un «écosystème » fragile, fini, et unique : LA NATURE au sens de notre planète, sur laquelle nous vivons.

 Nous savons que toutes les espèces (biodiversité) moléculaires, minérales, animales, humaines, sont en inter-action, en éco-systèmes ouverts, (et non fermés), et que la disparition de l’une d’elles entraînera la fin de vie des autres.

Nous ne disposons pas de planète de rechange, et si cela existait, combien de nos enfants et petits enfants pourraient y émigrer ?
Mais nous ne savons pas comment sortir de notre mode de vie car il nous a été légué et valorisé par les générations précédentes.
Et pourtant nous voulons permettre à nos enfants, aux générations futures de vivre, de respirer un bon air, de boire de l’eau saine et de contempler la beauté de la Nature.
Comment concilier notre « raison connaissant le danger de détruire notre espèce en épuisant nos ressources », et notre « incapacité à agir sur nos besoins sociaux induits par un système dans lequel nous sommes immergés » ?
C’est là que le combat philosophique commence entre les idées anciennes, séparant « l’humain » et le « non humain », et les nécessaires et vitales nouvelles idées de « l’Homme faisant partie intégrante de la Nature », et gardien de sa préservation par la limitation de ses nuisances.
Peut-être faut-il insister sur  la nécessaire nouvelle vision du monde à comprendre et à partager : le plaisir de vivre et d’agir sera sûrement plus fort si nous intégrons le respect de nos ressources :
- en partageant la terre au lieu de se l’approprier, propriété qui n’est qu’une illusion, puisque la pollution ne connaît pas de frontières, que les fleuves traversent plusieurs pays, que le dérèglement climatique s’étend sur toute la terre, etc…
- en accordant plus de valeur aux biens immatériels : la connaissance, les arts, les échanges culturels…
- en relativisant la valeur de l’argent, qui au-delà d’un certain chiffre, couvre plus sûrement une spoliation de la nature et des autres hommes, et qui renforce le règne de l’arbitraire…
- sans renier la science et ses découvertes, chercher à en tirer les bienfaits et à réduire les effets néfastes sur notre environnement…
- se nourrir avec peu de viande et adopter un régime sobre, afin de permettre à 6.8 milliards d’humains de vivre en mangeant à leur faim sans épuiser les ressources.
Ce n’est pas l’intelligence qui manque, c’est la volonté. La volonté notre capacité désirante : de valeurs à défendre, de biens intellectuels et matériels, d’avoir des objectifs à atteindre.
C’est la volonté qui peut imposer cet « Homme Nouveau », conscient de devoir protéger et épargner la Terre, bien matériel, indispensable à la survie des hommes et donc à l’existence d’une vie spirituelle.
C’est la philosophie qui peut conceptualiser, déployer et faire accepter ce « nouveau monde », où les plaisirs de l’amitié, de l’amour,  de la nourriture, de l’art, seront la vraie richesse de chacun, parce que la loi, en démocratie, aura valorisé ces modes de vie.

Quelques articles et textes
Le droit des générations futures : questions de Léonard & Julien Saiman
« Il a longtemps semblé que, pour s’affirmer, l’homme devait nier la nature. Ainsi, tout au long de son histoire, l’humanité a cherché à s’émanciper des contraintes naturelles grâce au développement de la technique. Ses pouvoirs se sont tellement étendus que l’humanité est aujourd’hui capable d’amener, au nom de ses intérêts présents, des modifications et des dégradations irréversibles à son milieu (exemple: les organismes génétiquement modifiés etc.). Ces modifications et dégradations, nous n’en saisissons pas encore scientifiquement toute la portée, de telle sorte qu’il est légitime de se demander si le monde de demain sera encore vivable. À cette question, certains répondent que la science et la technique pourront toujours remédier aux problèmes qu’elles n’ont qu’accidentellement engendrés, ou bien “on n’arrête pas le progrès” et qu’il faut aller de l’avant au lieu de s’accrocher au mythe de la nature: nous pourrions, par exemple, aller vivre sur Mars! Mais n’est-ce pas faire preuve d’une confiance aveugle en la science? La science n’est pas une religion; là où on ne sait pas, ne vaudrait-il pas mieux faire preuve de prudence?
Doit-on alors, par prudence, et par des moyens juridiques, chercher à limiter les pouvoirs de l’homme sur la nature, tout comme on cherche à limiter les pouvoirs de l’homme sur l’homme grâce aux droits de l’homme? Au nom de quoi pourrait-on instaurer des lois écologiques? Il est manifeste que face aux intérêts en jeu, la seule émotion ou même la bonne volonté ne saurait suffire. Pourrait-on alors le faire au nom d’un supposé “droit de la nature”? Cela consisterait à faire de la nature un sujet de droit. Mais, tout droit suppose une réciprocité: on reconnaît un droit envers un sujet qui doit être lui-même libre et capable de se reconnaître des devoirs. Or, il n’y a pas, de ce point de vue, de réciprocité entre la nature et nous. Pourtant cela ne suffit pas pour conclure qu’il n’y a pas de droit de la nature, car nous reconnaissons bien des droits à des êtres avec lesquels il n’y a pas de réciprocité de fait: les enfants, les handicapés etc. Une autre question se pose: si on reconnaît que la nature est sujet de droit, est-ce que cela concernera la nature prise en sa totalité? Si oui, alors il faudra considérer même le moindre virus ou la moindre bactérie comme ayant des droits!
L’idée d’un droit de la nature semble trop problématique pour qu’une juridiction puisse s’y rapporter, il faut donc trouver autre chose. Pourrait-on alors limiter nos intérêts et nos pouvoirs technologiques actuels au nom de l’intérêt des générations futures? Vu que l’homme a des pouvoirs nouveaux, il doit se reconnaître une responsabilité nouvelle. Avant, quand nos pouvoirs étaient limités, nos responsabilités étaient toujours individuelles, limitées à nos concitoyens et à nos contemporains, mais aujourd’hui ne faudrait-il pas aussi reconnaître et légiférer sur des responsabilités collectives, envers toute la planète ainsi qu’envers les générations futures? »

Catherine et Raphaël Larrère : Du bon usage de la nature
On nous dit que la nature n'existe plus: de part en part intelligible, la voici enfin totalement maîtrisée. Maîtrisons-nous pourtant le réchauffement climatique? Parvenons-nous à enrayer l'érosion de la biodiversité? Maîtrisons-nous notre maîtrise? On a brandi la menace que représenteraient pour nos démocraties certains mouvements écologistes. Mais entre ceux qui nous mettent en garde contre une crise environnementale et ceux qui n'y voient que fantasmes sociaux, qui est obscurantiste? Et s'il s'agissait moins de choisir entre l'homme et la nature que de comprendre posément à quelles conditions un nouveau naturalisme est aujourd'hui possible? L'ambition de ce livre est d'abord de réexaminer les termes d'un débat dont la violence a fini par masquer les enjeux. Chemin faisant, de l'histoire de la philosophie à l'analyse des politiques modernes de protection de la nature et de prévention des risques, Catherine et Raphaël Larrère posent les jalons d'une nouvelle vision de la nature. Une nature es devenir dans laquelle l'homme pourrait s'inscrire sans dommage, qu'il rendrait propre à être sa demeure, pour le présent comme pour le générations futures. Au-delà de l'opposition entre naturalisme et humanisme, ils en appellent ainsi à un bon usage de la nature, un usage écocentré. 

Pourquoi une philosophie de l’écologie ?
« En quoi l’écologie aurait-elle besoin d’intellectuels ? La chose ne va pas de soi pour tout le monde. À cette question, militants et praticiens de l’écologie, ingénieurs et directeurs de parcs répondent parfois que les impératifs pratiques de l’écologie n’ont aucun besoin d’être étayés par des réflexions philosophiques ; que l’écologie marque justement la victoire du concret sur les spéculations vides.
 La perspective technique et la culture scientifique de nombreux écologistes rendent en effet pour eux la philosophie souvent superflue.
Du côté des philosophes à l’inverse, on se heurte en général à l’idée, très répandue dans le milieu universitaire français, qu’« il n’y a rien à penser dans la nature ». B. Lanaspeze ( site : www.mouvements.info)

 Le philosophe américain John Baird Callicott : « Je vois dans la crise environnementale une profonde répudiation par l’environnement lui-même des attitudes et des valeurs de la civilisation occidentale moderne à l’égard de la nature. […] Je fais partie de ces philosophes que l’on appelle "écocentristes" [11] ».

L’écologie en tant qu’elle n’est pas qu’un enjeu technique, mais aussi, et peut-être même d’abord, un enjeu culturel : voilà la conviction qui fonde la deep ecology.
 Notons que l’objet de cette philosophie n’est pas « la nature » (en tant que chose extérieure à l’homme dont il n’y a en effet « rien à penser »), mais l’idée de nature – la façon dont nous pensons nos relations au monde naturel, la signification que nous accordons à notre propre naturalité. »

  L’ECOLOGIE « PROFONDE » (Deep Ecology)

Selon « Wikipédia » : L’écologie profonde est une philosophie écologiste contemporaine qui se caractérise par sa défense de la valeur intrinsèque des êtres vivants, c'est-à-dire une valeur indépendante de leur utilité pour les êtres humains.
Elle attribue plus de valeur aux espèces et aux différents écosystèmes que ne le font les mouvements écologiques classiques, ce qui entraîne le développement d'une éthique environnementale. Tandis que l'écologie classique pose la satisfaction des besoins humains comme finalité (anthropocentrisme) et attribue au reste du vivant le statut de « ressource », l'écologie profonde réinscrit les finalités humaines dans une perspective plus large, celle du vivant (bio-centrisme) afin de prendre en compte les besoins de l'ensemble de la biosphère, notamment des espèces avec lesquelles la lignée humaine co-évolue depuis des millions d'années. (Voir sur le site wikipédia la suite)

 Baptiste LANASPEZE – extrait de son texte sur la  « deep ecology » : site « la bibliothèque résistante »

James Lovelock : « Ce n’est pas la Terre qui est en danger, c’est l’espèce Humaine qui disparaitra : l’une des premières contrevérités véhiculées par la vulgate écologiste est l’idée selon laquelle « nous mettrions la planète en danger ». Que ce soit par ignorance ou par souci pédagogique, un tel raccourci est pour le moins inexact. Celui qui réfute cette idée avec le plus de force, et depuis le plus longtemps, est le scientifique indépendant britannique James Lovelock.
James Lovelock travaille depuis bientôt un demi-siècle à l’unification des différents savoirs des sciences naturelles, en vertu d’une hypothèse qu’il a baptisée « Gaïa » au début des années 1970, et qui consiste à supposer que la Terre forme un écosystème autorégulé, un « quasi-être vivant », dont les parties ne peuvent être bien comprises que les unes par rapport aux autres et par rapport au tout qu’elles forment. On pourra étudier l’éponge isolée de l’océan aussi longtemps qu’on voudra, on ne commencera à la comprendre que dans sa relation aux autres espèces et au milieu où elle vit.
En posant l’idée que la Terre est un vaste écosystème au sein duquel tout est en relation, Lovelock ne fait qu’étendre la méthode de l’écologie à l’ensemble des sciences naturelles, ou proposer à la maison du savoir de réviser sa structure en fonction des nouveaux outils dont nous disposons. La notion de « chaîne alimentaire », principe maître de l’organisation du vivant, a été forgée par le tout jeune botaniste Charles Elton à Princeton en 1927; et la notion d’écosystème en 1930 par Roy Clapham (puis affinée par le botaniste Arthur Tansley en 1935). Il y a fort à parier que
l’hypothèse Gaïa, forgée au début des années 1970 mettra encore quelque temps à être validée par la Cité des Sciences. Elle est cependant aujourd’hui accréditée non plus seulement par le bon sens, mais aussi, depuis peu, par quelques sociétés savantes [21]. S’il ne peut exister de mammifères sans bactéries, sans insectes, sans oxygène, sans sol, sans eau, peut-être cela signifie-t-il que la vie ne doit pas être attribuée à des individus, mais à la sphère tout entière où ces organismes ont pu apparaître : la surface de la Terre.
 La Terre pourrait être considérée non comme un endroit mort où des organismes vivent, mais comme un endroit vivant, un « tissu » d’interrelations, dont chaque organisme serait un « fil ». De même qu’un fil isolé du tapis s’effiloche, un individu vivant isolé de la tapisserie ne restera pas vivant longtemps.
C’est ni plus ni moins qu’étendre la notion de « biosphère » à la planète tout entière; et en effet, sans roches, pas d’os pour les mammifères; sans noyau de fer liquide au centre de la planète, garant du champ magnétique qui nous protège des rayons et particules cosmiques, pas de vie possible à la surface; aussi la géologie, la biologie et la chimie doivent-elles se souvenir de l’unité « organique » de leur objet. La planète n’est pas une superposition de rochers, d’eau, de bactéries et d’animaux.
Il est donc regrettable, selon Lovelock, d’étudier la géologie indépendamment de la botanique, de la zoologie, de la biologie et même de la chimie, dans la mesure où les êtres étudiés par ces différentes sciences, qui ont co-évolué depuis des millions d’années, sont les parties d’un même corps.
Et cette unité n’est pas une réalité extérieure à notre propre destin : tout comme les autres organismes vivants, notre corps lui-même, dont les éléments matériels aussi bien que la structure ne proviennent de nulle part ailleurs que de cette planète où nos vies ont lieu, est littéralement une mémoire vivante de l’histoire de la Terre, et il est pour ainsi dire « formé à l’image de Gaïa ».
Nos intestins abritent par exemple des bactéries « anaérobies ». Ces bactéries, apparues il y a quatre milliards d’années à l’époque où il n’y avait pas d’oxygène sur la Terre, qui constituent un tiers de l’histoire de la vie sur Terre, n’ont pas cessé d’exister depuis, formant pour ainsi dire la basse continue de l’histoire du vivant.
 L’histoire planétaire, dont nous pouvons lire quelques chapitres dans nos entrailles, consiste donc en une interaction incessante et mutuelle des êtres inanimés et des êtres animés, des organismes et des milieux, de sorte qu’il semble pertinent de subsumer tous ces êtres, animés ou non, sous un ensemble plus vaste, la Terre, et de tenter de réunir au sein d’un même ensemble ce qui n’aurait jamais dû être séparé : les différentes « sciences naturelles ».

 Se remémorer quelques dates essentielles de l’histoire de notre planète constitue un préalable indispensable à toute réflexion philosophique sur l’écologie. 

« Nul n’entre ici, s’il n’est biologiste », semble nous suggérer Lovelock.
La formation de la planète Terre remonte à environ 4,6 milliards d’années, et les premières formes de vie, les bactéries anaérobies, remontent à 3,6 milliards d’années. L’oxygène a commencé à dominer dans l’atmosphère il y a 2,5 milliards d’années, entraînant une mutation et un développement du vivant. Les mammifères (avec qui nous avons en commun l’allaitement, les poils, les dents, le sang chaud, le néocortex…) sont apparus il y a environ 150 millions d’années. Le genre Homo se serait séparé du chimpanzé il y a 7 millions d’années, et l’homme tel que nous le connaissons aujourd’hui (Homo sapiens) il y a 200 000 ans. Que retenir de cette cascade de chiffres?
Par exemple que les mammifères représentent le dernier 1/25e de l’histoire de la vie sur Terre, et qu’Homo sapiens en représente quant à lui le dernier 1/180 000e. Ou que l’état actuel de la biosphère est le résultat d’une histoire naturelle de 36 millions de siècles. Cet auguste processus, dont nous pouvons lire la complexe et harmonieuse beauté dans le paysage où nos vies prennent lieu, dans le trot d’un cheval, dans la forme d’un arbre, dans le bleu du ciel, dans la fertilité du sol, mais aussi dans le corps qui nous fait désirer, marcher, aimer et penser, voilà qui n’inspire du désagrément qu’au naïf, et du dégoût qu’au puritain. Les esprits mieux balancés y concevront plutôt un effroi sacré ou un recueillement apaisé.
Mais ces proportions numériques, certes malcommodes à manier, sont malheureusement tenues pour peu d’intérêt dans le milieu de la culture et des sciences humaines, et sont en général renvoyées par le philosophe spéculatif au rebut du « factuel ».
L’esprit anglo-saxon, dans son pragmatisme, sait mieux que nous accorder au « factuel » la place qui lui revient : la première.
Ces proportions permettent en effet de mieux accepter l’idée que, selon Lovelock, l’espèce humaine ne puisse pas faire grand mal à la Terre. Certaines métaphores approximatives peuvent donc être invalidées. L’homme, un « cancer de la Terre » ? Lovelock congédie d’un revers de main cette « idée favorite des démagogues écologistes » : « Les conséquences pour Gaïa des changements environnementaux que nous avons provoqués ne sont rien, comparé à ce que vous ou moi subirions à la suite de la prolifération sauvage d’une communauté de cellules malignes ». D’abord, notre impact sur la Terre n’est pas grand-chose en comparaison de ce que la planète a déjà enduré ; et ensuite ce serait sans compter la force d’évolution et de renouvellement de la vie sur Terre.
« Tout ce qui rendrait la planète inhabitable a tendance à induire l’évolution d’espèces qui peuvent précisément construire un environnement neuf et plus confortable. Si la planète est rendue inhabitable par notre faute, il y a aura probablement évolution vers un régime qui sera plus favorable à la vie, mais pas obligatoirement à notre avantage »
« Quant à ce qui semble causer le plus d’inquiétude, les radiations nucléaires, elles ne représentent pas grand-chose pour Gaïa, même si elles font peur aux individus humains »
Ainsi que Lovelock le répétait récemment à Hervé Kempf, le journaliste chargé de la rubrique « Environnement » dans Le Monde, « ce n’est pas la Terre qui est menacée, mais la civilisation » Le massacre de la biosphère actuelle, quand bien même elle jetterait, peut-être pour plusieurs siècles, le vivant dans le chaos, aurait plus vraisemblablement pour effet notre propre anéantissement que celui de la planète. La thèse, rarement entendue, est malheureusement rarement relayée.

Arne Naess : L’ « écocentrisme » ou l’élargissement du champ éthique
Le fait de savoir que ce qui se joue dans la crise écologique, notre survie et non celle de la planète, n’est donc pas une argutie de détail. Il met en évidence le fait que la crise écologique n’est pas une crise de « l’environnement » car ainsi nous appelons le monde dans une perspective anthropocentrique et technicienne, mais bien une crise de la civilisation, l’un des symptômes des dysfonctionnements d’une civilisation qui se conçoit contre le naturel.
L’autre inconvénient d’une inexactitude sur ce point si important de l’impact de nos activités sur la planète est qu’il entretient le climat d’ignorance et d’inculture scientifique qui règne aussi bien dans le monde politique que dans le monde des sciences humaines, et même parfois chez des militants. Tous ces groupes, pour des raisons qui sont propres à chacun d’eux, ne voient pas d’intérêt à étendre aussi loin leur souci de vérité.
Il n’est pas étonnant que le monde politique et le monde des sciences humaines, dont les intérêts demeurent purement « intra-sociaux » ne parviennent pas, en toute bonne foi, à percevoir la valeur de ces considérations pour eux « inhumaines », dans la mesure où la société épuise pour eux le champ de la conscience et de l’action.
 Ces milieux ne sont donc pas les plus propices à l’extension de l’éthique à l’ensemble de l’écosphère.

 Le fait d’accorder une valeur en soi au monde naturel ou, en d’autres termes, de quitter l’ancien point de vue anthropocentrique pour adopter un point de vue « écocentrique », c’est ce qui caractérise pour le philosophe norvégien Arne Naess le passage à la deep ecology. Là où l’écologie technique ne vise au bout du compte à rien d’autre qu’à « la santé et l’affluence des gens dans les pays développés », l’écologie éthique constitue une refondation radicale de nos valeurs.

L’écologie anthropocentrique, Naess la juge « shallow » peu profonde, superficielle, qui propose : la nature n’a pas de valeur en dehors de l’homme, elle est donc un outil, une matière ou un décor.
L’écologie écocentrique, il la baptise « deep » profonde, elle pose que la nature a une valeur indépendamment de l’homme, la nature ne vaut donc pas d’être sacrifiée au développement humain, mais le développement humain doit au contraire en tenir compte comme d’une limite.

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     café philo du 13 février 2014

 Que signifie avoir des valeurs ?

Introduction au sujet

 Le fait même de vivre implique l’existence de valeurs,  vivre oblige à choisir et les choix se font en fonctions d’envies, de besoins, de préférences morales qui ordonnent des valeurs.

 Le terme « valeur », en mathématiques, en économie, en philosophie, ne recouvre pas les mêmes réalités. Les valeurs économiques recouvrent un sens matériel. Les valeurs vitales relèvent de la santé, ce qui est lié au corps, à ses besoins, à son plaisir et plus généralement ce qui favorise la vie et s’oppose à la mort. Le respect de la nature, de l’environnement est lié aux valeurs vitales. Les valeurs morales, à l’opposé des valeurs économiques, sont mises en pratique dans un esprit matériellement désintéressé. On citera également les valeurs esthétiques, les valeurs affectives, et enfin, les valeurs intellectuelles caractéristiques de notre époque qui leur donne de l’importance.

 Sens et valeurs semblent indissociables. Ainsi, la contradiction d’une situation avec le sens éthique que nous donnons à nos vies peut être cause de mal-être. L’étude de l’Insee sur les risques psychosociaux (2011) montre que la « souffrance éthique » est ressentie par une personne à qui on demande d’agir en opposition avec ses valeurs professionnelles, sociales ou personnelles.

 En revanche on distingue les valeurs du concept de norme lié au domaine réglementaire et juridique.

 D’une culture à une autre, d’une époque à une autre, d’une famille à une autre ou même d’une personne à une autre, « nous n’avons pas les mêmes valeurs ». Les systèmes de valeurs seraient des constructions complexes, variables dans l’espace et dans le temps. Le sociologue Durkheim (1924) voit une objectivité des valeurs dans l’observation de la vie d’une société tout en prenant en compte le fait qu’une règle morale, aujourd’hui adoptée, peut très bien ne plus l’être demain, parce ce que l’état social aura évolué, et qu’elle aura perdu toute raison d’être.

 Tout en prenant en compte le fait de leur évolution, de leur relativité et l’idée qu’elles puissent être aussi construites,  s’exprimer de différentes manières, nous pressentons cependant que les valeurs auraient une permanence dans le temps et dans l’espace qui tendrait à l’universalité.

 Michel Serres 2011 : « En 1900, la majorité des humains, sur la planète, s’occupaient de labourage et de pâturage ; en 2010, la France, comme les pays analogues au nôtre, ne compte plus qu’un pour cent de paysans. Sans doute faut-il voir là une des plus immenses ruptures de l’histoire depuis le néolithique. ».

 Méda 1995 :  « Nous sommes donc aujourd’hui dans l’ère de la technique et par ce dernier terme, il faut entendre bien plus qu’un ensemble de procédés mécaniques visant à rendre le monde plus confortable. Il s’agit d’un type de rapport au monde où celui-ci est considéré à la fois comme un champ à transformer, comme un réservoir d’où l’homme tire ce qui lui est utile et comme l’extériorité qui lui permet de se construire en tant qu’homme. »

  De nouvelles questions se posent ; il s’agit de problèmes biologiques, politiques, médiatiques, juridiques, sociaux, économiques

 Les nouveaux moyens ont donné lieu à de nouvelles valeurs, incarnées par de nouveaux indicateurs de richesse et par là, à un sens du développement humain qui ne s’analyse plus de la même façon.

 La question inévitable lorsqu’on parle de valeur est : « Sur quoi sont-elles fondées ? » Raymond Boudon (1999)  formule le problème de cette façon : « Nous passons une bonne partie de notre temps à émettre des jugements de valeurs – X est bon, mauvais, légitime, illégitime (…) Nous les émettons parce que nous y croyons. Mais pourquoi y croyons-nous ? »

 Comment rendre compte du sens des valeurs en les asseyant sur des principes ultimes ?

 L’autre question que nous pourrions nous poser  : Comment aujourd’hui réinsuffler du sens et des valeurs alors que nous vivons une époque de crise écologique, alimentaire, politique, sociale, financière, économique, et aussi, une crise des valeurs. ..   Quelles sont les valeurs que nous voulons pour le développement de l’humanité ?

 Différentes conceptions sur ce qui fonde les valeurs

Pour Nietzsche   la vague nihiliste qui a frappé la modernité est à l'origine de la crise actuelle des valeurs, qu'elle a renversées ou emportées. Celle-ci en effet, une fois ses dieux morts, ne saura plus vers où se tourner, comment agir ni pourquoi le monde et notamment l'existence humaine est dénué de toute signification, de tout but, de toute vérité compréhensible, de toutes valeurs. Le nihilisme axiologique, en niant toute réalité des valeurs ne reconnaît même plus le fait de valeurs, et peut provoquer le sentiment de la vanité de toute chose, l’étouffement du désir, le pessimisme, la dépression.

« Dieu est mort » traduit l’idée que le fondement métaphysique de notre système de valeurs serait perdu.

Erreur d'interprétation qui frappe de nullité toutes les valeurs puisque selon lui, elles étaient fondées sur l’idée de Dieu. Elles n’ont pas d'essence préétablie :  Nietzsche enracine la valeur dans la vie elle-même. Une vie qui doit être dionysiaque et pleine d’élan créateur pour ne pas sombrer dans la morosité de l’absurde. Plus de tergiversations, de fuites vers des mondes religieux, de dualisme moral. Ainsi, la force, l’abondance, la beauté, la bonté, l’égoïsme, l’authenticité, et tout ce qui est positif (avec comme corrélat l’horreur du négatif), sont autant de valeurs qui participent à la reconstitution d’un système de valeur et qui annoncent une réconciliation des valeurs vitales et des valeurs éthiques. Il n’y aurait de valeur que dans la vie, par la vie et pour la vie, pour autant qu’elle s’éprouve elle-même avec authenticité.

 Jonas dans le Principe de Responsabilité (1979) : puisqu’il y a de l’être, il y a aussitôt une responsabilité à l’égard de ce qui est. La vie implique pour l’homme, un devoir-être qui protège, promeut ce qui permet de la préserver ; un devoir-être qui se place dans la perspective du futur.

 Cette idée que la vie (et sa conservation) suggère en elle-même des valeurs, est présente également chez Aristote (par la notion téléologique) et dans beaucoup de sagesses antiques et orientales.

 Les conceptions fidéistes : par l’intuition, nous avons un sens des valeurs comme nous avons un sens des couleurs (Scheler 1913).

 Les théories sceptiques, pouvant mener à l’idée que les valeurs n’existent pas et « qu’aucune certitude, même scientifique, ne peut être fondée. » (Boudon 1999, p.21).

 Les décisionnistes reconnaissent le phénomène d’attachement des sujets sociaux à leurs valeurs et placent le curseur de l’éthique sur le choix de ces valeurs (existentialisme).

 Les causalistes posent que les croyances normatives ne sont pas fondées mais causées ; Elles sont le résultat de processus biologiques, psychologiques, sociologiques, affectifs.

 Les théories utilitaristes reposent sur le calcul rationnel qui permet au sujet de choisir les meilleurs moyens pour parvenir à ses fins ; Weber nomme l’adoption des valeurs morales « processus de rationalisation de la vie morale » (Economie et société 1921).  Les sujets sociaux endossent des croyances axiologiques parce qu’ils ont de fortes raisons de le faire ; « Ces raisons peuvent être acceptées par autrui et comprises par un observateur extérieur. Cette position, qui est celle de Boudon, pose que s’il est vrai que les principes ne peuvent être démontrés, il n’en demeure pas moins qu’on peut rationnellement en discuter.

 Les théories cognitivistes cherchent à démontrer que les valeurs et les normes résultent de déductions irrécusables car elles relèvent d’une rationalité universelle. Kant est l’illustration la plus célèbre de cette théorie des normes et des valeurs qui stipule qu’une bonne règle est celle qu’endosserait un individu quelconque faisant par hypothèse totalement abstraction de ses intérêts (1788).

   Compte-rendu des débats      

 « Que signifie avoir des valeurs ? »

 La définition des valeurs. Ce sont des concepts appliqués aux actions humaines, auxquels on se réfère pour organiser sa vie. Les valeurs et les normes sont liées. Les valeurs peuvent être définies comme des grands principes moraux servant de repères aux individus dans la conduite de leur vie sociale. Elles sont interdépendantes et constituées en système. Aux valeurs sont attachées des règles de comportement social dont la transgression peut être sanctionnée. Le terme de « valeur » a succédé au terme ancien de « vertu » : la vertu est une façon d’être et un mode de vie objective, qui a été remplacé par la valeur qui désigne une préférence subjective. La plupart des valeurs n’ont d’existence que si elles sont partagées.

 Valeurs «fines» : Ce sont les valeurs de base selon Williams. Le Bien : est considéré comme bien ce qui est jugé bénéfique : le beau, l’harmonie…Le bien est la valeur normative de la morale, avec comme opposé le mal. La détermination de ce qui est bien ou mal peut se faire dans le cadre des règles de civilité, de l'honneur, de l'utilité collective, de l'intérêt public ou au contraire particulier. Ces différents ordres peuvent être en contradiction : ce qui est bien dans un domaine, peut ne pas l'être sur un autre plan; on parle alors soit de dilemne, soit de conflit d’intérêt. Sur le plan philosophique, la signification et la pertinence même des concepts de bien et de mal ont fait l'objet de nombreuses analyses divergentes. Employé comme nom en métaphysique, le Bien désigne ce qui est désirable. Il est donc partie liée au désir défini comme positivité. Il s'agit là du désir humain basé sur l'esprit, contrairement au désir animal qui est basé sur les sens. Ainsi quand Socrate dit que «Celui qui commet une faute se montre mauvais archer de l'existence : il vise mal la cible qui est la même pour tous : le bien» : il explique que le désir humain est de faire le bien, mais il faut bien comprendre qu'il ne s'agit pas du désir animal qui au contraire pousse l'homme dans le monde des animaux, dans l'erreur. Le Mal : est considéré comme mal ce qui est jugé nuisible. sa définition est quasi impossible à saisir et sert souvent à justifier les prises de pouvoir en utilisant des mots qui ont autant de force meurtrière que des armes. Pour apaiser le débat nous citerons : Chez Spinoza le mal au sens moral n'existe pas : il n'y pas de mal ou de bien en soi, il n'y a que du bon et du mauvais relativement à l'être qui vit une situation donnée. ‘Ce qu'on appelle «mal» est en réalité une diminution de puissance, c'est-à-dire une tristesse, ainsi que ses causes, car l'unique bien est la joie et tout ce qui la provoque. L'idée du mal est en fait une pensée qui vient de la comparaison du réel avec un modèle imaginaire que l'on considère comme parfait, alors que du point de vue de la raison tout arrive selon la nécessité absolue de Dieu, c'est-à-dire la nature, et ne peut être autrement ». Le mal est donc une interprétation humaine et n'existe pas dans le monde, qui est en soi parfait : « par réalité et perfection, j'entends la même chose». Avant Nietzsche, Spinoza propose ainsi une éthique totalement a-morale, par delà le bien et le mal, pour augmenter les sources de joie (raison, vertus, sagesse) et diminuer les sources de tristesse (passions, vices, folies...).

Valeurs «épaisses» : Ce sont la déclinaison des valeurs fines dans les différentes cultures. Ex : la beauté morale, le comportement rigoureux… Ces valeurs sont fondées sur  des critères de désirabilité et de préférence : l’honnêteté, le courage, la générosité, l’être … On peut hiérarchiser, préférer des valeurs. Exemple les gens qui ont préféré la mort à la vie pour défendre une valeur supérieure à la vie (la liberté, la patrie..). Exemples de valeurs «positives» : la sécurité, la liberté, la solidarité, l’amour, la laïcité, la fraternité,  la paix, l’amitié, la responsabilité, le respect de soi, le respect des autres, la justice, le respect de l’autorité, l’égalité des droits, l’autonomie, l’indépendance, la démocratie,  la tolérance, l’hospitalité, etc. Exemples de valeurs «négatives» : l’exclusion, , la force au service de l’injustice, l’intolérance, la violence, l’exploitation, le cynisme, la cruauté, etc. Des valeurs peuvent être ambivalentes, être considérées comme positives ou négatives selon l’intention ou selon les cultures. Ex : la liberté d’entreprendre, la liberté d’expression.

 La relativité des valeurs.Selon la manière dont comment vous avez défini le bien, le beau, le bon et le clair vous allez obtenir ce que vous considérez comme vrai et juste. Donc, déjà s’intéresser au vrai et au juste c’est entrer dans une évaluation par rapport aux valeurs, elles, fondamentales qui sont le bien, le beau, le bon et le clair. L'écrivain Norman Spinrad articule ses livres autour de  l'idée que les conflits sont rarement une opposition du bien au mal, et beaucoup plus souvent « un conflit entre deux visions différentes et incompatibles du bien ». Ainsi, comme Pascal l'avait remarqué, «ne pouvant trouver le juste», il ne reste plus qu'à «trouver le fort». Pour le philosophe Michel Henry, le mal culmine dans la violence de la haine . Prôner des valeurs veut pas dire les pratiquer : on peut admirer le courage mais ne pas être courageux. Elles sont souvent de l’ordre du discours.

 La place des valeurs. La valeur est plus qu’une croyance. Elle ne laisse que peu ou pas de place au doute; elle est une adhésion totale de l’esprit à un objet considéré comme absolument vrai. De ce fait, la valeur transcende de beaucoup l’opinion, cette dernière faisant une grande place à la subjectivité et au doute. Issue d’une mûre réflexion, la valeur s’impose à l’esprit comme une certitude objective et commune à plusieurs êtres humains. (Legendre, 1993).

La valeur peut être vue comme une inclination, une option et une préférence. Comme une inclination, car la valeur est un sentiment qui fait que l’on éprouve le désir conscient d’une chose généralement bonne. Une option, car toute valeur est un choix nécessaire entre plusieurs possibilités qu’on peut obtenir simultanément;. Une préférence, car la valeur est un acte par lequel on pose un choix à partir de motifs intellectuels dénués de visées pratiques. (Legendre, 1993)

Elle est un élément d’un ensemble composé de croyances, d’aspirations, d’options, d’idées, de sentiments, de principes dans lesquels se reconnaît et par lesquels s’exprime une collectivité humaine. (Legendre, 1993)

Élément essentiel et fondamental d’une personne, d’une société, d’une organisation, d’un domaine de savoirs ou d’activités. (Legendre, 1993).

 L’Évolution récente des valeurs. Nous pensons en « modernes », certains que la raison humaine peut décider ce qui est bon. Rockeach (1960) détermine qu’il existe deux grandes catégories de valeurs, soit celles dites terminales (partage, liberté, amour, justice) et des valeurs dites instrumentales (la politesse et le respect qui amène un enfant à être courtois). À partir des valeurs terminales, on définit deux sous catégories. La première catégorie est formée des valeurs personnelles Ce sont celles qui se forment, à partir de nos expériences, de notre éducation familiale. La deuxième catégorie est composée des valeurs sociales, qui sont celles qui font que telle ou telle société ou ville possède telle ou telle caractéristique. Par exemple, les gens du Saguenay sont reconnus pour avoir un sens du partage et de l’entraide. Pour ce qui est des valeurs instrumentales, elles sont des outils qui amènent les gens à développer certains comportements plus précis. On retrouve les valeurs morales et les valeurs de compétences. Ces valeurs sont principalement définies par les religions présentes dans la collectivité, l’histoire, les mœurs et les expériences vécues comme peuple.

 Les valeurs à travers le temps dans les sociétés occidentales.

Années 1950

La stabilité

La solidarité

La conformité aux rôles

Le respect de l’autorité

L’obéissance

Années 1960

La démocratisation

La liberté

La confiance en l’avenir

 

 

Années 1970

L’éclatement des valeurs traditionnelles

La libération sexuelle

L’approbation totale de la liberté

Le bonheur matériel

 

Années 1980

L’individualisme

Le réalisme

L’abolition de la peine de mort

Les droits de l’homme en action

 

Années 1990

Le développement d’une société multiethnique 

La mondialisation

La mondialisation

L’adaptation constante

 

Années 2000

L’autonomie

La réussite

Le respect de l’environnement

L’engagement,la socialisation

L’instruction et la qualification

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café-philo du 10 décembre 2013

 Le hasard existe-t-il ?  

 Introduction au sujet 

 hasard :   Ce que l'homme ne peut (ou ne sait)  prévoir ou expliquer.  Ce qui semble dépourvu de toute raison d'être, de toute finalité.

   On désigne souvent le hasard comme une sorte de phénomène magique ou de substitut d’une sorte de divinité qui déciderait à notre place « le hasard en a décidé ainsi »…

  Ce thème a été choisi dans le cadre de la semaine du hasard de Livry-Gargan qui a lieu du 7 au 15 décembre. Néanmoins, loin d’être ludique ce thème a un rapport avec nos conceptions les plus fondamentales, la vision que l’on a du monde et le sens que l’on donne à notre vie..

  La question de l’existence ou non du hasard se pose dans de nombreux domaines : la science – par exemple concernant l’origine de l’univers (est-il dû à un hasard de phénomènes cosmiques ?)  L’apparition de la vie (hasard ou nécessité ?) les mécanismes de l’évolution (se fait-elle au hasard ou selon des constantes, des règles ?) – La notion de hasard intervient aussi dans la physique quantique. etc..

  Ces questions et bien d’autres occupent de nombreux chercheurs et mathématiciens et suscitent des débats infinis… Appelle-t-on hasard des causalités que nous ne savons pas expliquer mais qui ne doivent en réalité rien au hasard mais simplement à notre ignorance ? Serait-il en réalité la rencontre de séries causales indépendantes (selon Cournot)

  La question du hasard a aussi un aspect éthique, elle se pose dans la conduite de notre vie – avons-nous un libre arbitre ou alors  sommes nous déterminés, soumis à un destin tracé d’avance par des forces supérieures ou divines, selon les croyances…

  Ces questions ne sont pas anodines car les réponses qu’on leur apporte influencent le sens que l’on donne à notre vie. Et déterminent aussi la façon dont les êtres humains assument leurs responsabilités, mettent en œuvre leur volonté et aussi la  manière dont ils  gouvernent les sociétés, le monde...

  Alors, le hasard existe-t-il ? Quels sont ses rapports avec la volonté, le destin, la science ou encore la raison ?

Résumé des échanges et du débat :

  Le mot hasard vient de l’arabe «Al azar » = « le dé ».   Le destin, le sort, correspond à la croyance que le passé détermine le présent. La chance est avec nous, s’adresse à l’avenir. La providence pourvoira à nos besoins s’adresse au futur.

  Le hasard, une métaphore pour nommer quelque chose que l’on ne contrôle pas: Il existe de l’imprévisible, de l’inexplicable (ou inexpliqué) ou encore, nous qualifions de hasard la méconnaissance des causes de certains phénomènes ...

  Nous expliquons, nous interprétons

 Nous vivons et nous réfléchissons selon des modèles

 Le plus habituel est le modèle causal, par exemple celui de la science moderne newtonienne

 En cherchant les causes, nous sommes portés à expliquer et aussi à interpréter, en littérature et dans de nombreuses disciplines.

 Nous estimons avoir une véritable connaissance d’un phénomène lorsqu’on peut en connaître les causes, nous interprétons le monde avec un modèle rassurant : tout ce qui arrive a forcément une cause.

  Nous cherchons à nous rassurer par la pensée magique

 Depuis l’antiquité existent des concepts rassurants : Moira, la divinité, les oracles, omniprésents dans les cultures anciennes (en Egypte, etc..), les héros et demi-dieux (comme Gilgamesh qui cherche un remède à la mort), des puissances qui savent… Les prêtres interprétaient le langage des dieux ou des oracles, incompréhensibles pour le commun des mortels. A d’autres époques et dans d’autres cultures, ce fut la prédestination (tout ce qui arrive est écrit) s’appuyant sur les cartes, le marc de café, l’astrologie, des rituels, l’ésotérisme est basé sur ces croyances.

 Durant toute son histoire, l’humanité a tenté de conjurer le sort et les hommes de faire en sorte que le destin soit avec eux, et ainsi à échapper au chaos.

 Notre cerveau est entrainé, formaté à identifier les régularités. Accepter que ce qui arrive est hasardeux serait angoissant. Alors on vit comme si on pouvait prévoir.

 En réalité on ne peut prévoir que peu de choses.

  Voici résumée l’histoire d’Œdipe, qui, par une série de hasards, tue son père et épouse sa mère...

 « L'oracle de Delphes, prédit à Loïos et Jocaste, régnant sur Thèbes,  que s'ils avaient un fils, celui-ci tuerait son père et épouserait sa mère.

  De peur que la prédiction ne s’accomplisse, ils font exposer le nouveau-né sur le mont Cithéron, après lui avoir fait percer les chevilles pour l’accrocher à un arbre, afin qu’il meure.

 Œdipe est contre toute attente sauvé et adopté par Polybe et Mérope, le roi et la reine de Corinthe, qui l'élèvent comme leur fils.

 L'histoire reprend lorsqu’ Œdipe est un jeune adulte.

 Un homme accuse Œdipe, au cours d'un banquet, d'être un enfant supposé. Œdipe décide donc de partir pour Delphes, afin de savoir de l'oracle si Polybe et Mérope sont bien ses vrais parents.

  Sur la route, à un carrefour, Œdipe rencontre un vieil homme sur un char. Ils se disputent, pour des histoires de priorité dans le passage, et en viennent aux mains : Œdipe tue le vieil homme, sans savoir qu'il s'agit de son père. La première partie de l'oracle est accomplie.

 En continuant sa route, Œdipe arrive à Thèbes ; y sévissait alors la Sphinx, il résout l’énigme et en débarrasse la ville.

 Comme récompense pour avoir vaincu la Sphinx, Œdipe obtient le trône de Thèbes, laissé vacant après la mort du roi Laïos, ainsi que la main de la veuve, Jocaste : le second volet de l'oracle est accompli. »

  La stratégie qui prétend éliminer le hasard échoue : le crime visant à annuler le futur en tuant l’enfant ne réussit pas à éviter les autres crimes prévus (le crime ne paie pas).

  Question : qui sont les vrais parents, ceux qui l’ont engendré ou ceux qui l’ont élevé ?

  Le hasard existe dans des domaines qui ne dépendent pas de nous

 La formation de l’univers, l’apparition de la vie, l’évolution, certains phénomènes doivent beaucoup au hasard et se dérouleraient différemment si on passait le film à l’envers.

  Il y a un futur nécessaire, que l’on pense connaître et dont on peut maîtriser certains aspects, et il existe le futur contingent : ce que l’on ne peut pas connaitre, ni prévoir, comme le futur de l’humanité, celui du cosmos…

  Mais beaucoup de choses dépendent de notre volonté.

 La phrase célèbre « alea jacta est » signifie : « que les dés soient jetés », fut prononcée par César avant de traverser le fleuve Rubicon pour entrer à Rome avec son armée alors que le Sénat le lui avait interdit.

  Cet exemple illustre le fait de poser un acte qui change les règles, en faisant un choix, et montre que nous pouvons, malgré les menaces divines ou légales, être libres de nos décisions.

 Le risque d’agir en acceptant l’imprévu peut être bénéfique, alors même que nous cherchons à nous protéger par les institutions et les règles dont nous avons hérités.

 La créativité nécessaire à l’adaptation au vivant « présent » exige de chercher de nouvelles routes, et d’accepter les conséquences de nos actes propres.

 Métaphore de notre vie, où toutes les possibilités sont ouvertes.

  Cette liberté dément les rassurantes conceptions que sont : le déterminisme, la prédestination, celle d’un Dieu prescient qui sait à l’avance et décide pour nous.

  Conclusion

 Le hasard… nom que l’on donne à ce que l’on ne peut pas contrôler, qui nous échappe, et aux événements qui arrivent dans notre vie sans que l’on en connaisse les causes.

  C’est pour cela qu’à notre avis nous devons parier sur « LA VIE » :

 1-   qui est la capacité à accepter le passé,

 2-   qui consiste à agir dans le présent sur ce qui nous concerne et que l’on peut « saisir » = la chance sourit aux audacieux, 

 3-   et qui est la confiance en nous, même si l’on sait le futur  imprévisible…

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Retour sur notre café philo du 26 septembre 2013

« L’autre est-il un miroir de moi-même ? »

     

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Introduction au sujet 

 La présence d’autrui dans notre existence est ambiguë. A la fois lointain et proche, il est « alter » par sa différence et « ego » en ce qu’il possède des choses communes avec moi. L’autre est ainsi pour chacun d’entre nous une contradiction vivante par sa différence et sa similitude.

  Car familiarité, ressemblance ne signifient pas pour autant identité, similitude. Autrui existe toujours dans une certaine distance avec nous, comme un autre sujet dont nous éprouvons la différence.

  Devant l’autre nous pouvons éprouver un sentiment d’étrangeté, une angoisse, la peur de ne pas comprendre ses comportements, les signes, les paroles, les gestes qu’il émet pour manifester sa pensée. L’accès à sa conscience étant indirect, nous le saisissons de manière incomplète et incertaine.

  Pourtant nous vivons dans le même monde, le monde des hommes où tout est signe, symbole, message. Nos gestes, nos paroles, nos pensées sont destinés à l’autre. L’existence de notre conscience n’est concevable que dans une relation avec l’altérité d’autrui, la coexistence avec d’autres. Nous nous rapportons constamment à autrui et au monde qui nous est commun.

 Pour vivre, pour nous affirmer, nous avons besoin de cette expérience de l’opposition et du partage. Autrui nous oblige toujours à agrandir les dimensions de notre être, il questionne en permanence notre personne.

 Approche sociétale : de l'antiquité à nos jours, chaque société a sa propre expérience de « l'autre ». Mais dans la diversité des expériences, on retrouve l'ambivalence des jugements et des comportements, la distorsion entre une tension destructrice et constructrice : l'autre est à la fois refusé et accepté, un modèle et un repoussoir.

  Quelques questions que nous pouvons  nous poser :

 Pouvons-nous « nous voir » ? nous connaître ? sans le regard de l’autre ?

  • Autrui n’est-il qu’un alter ego (un autre moi-même) ou bien un étranger irréductible ?
  • et d’abord qui sont-ils ces Etrangers?
  • N’avons-nous pas un sentiment d’étrangeté même envers des gens proches ?
  • Qui est l’autre ?  Comment envisager, dans la différence, les rapports à autrui ?
  • Comment  est-il possible d’établir avec les autres une relation de paix, d’amitié, voire d’amour ?

 Comte-rendu des débats

 Animé par Jean Marc BEDECARRAX, professeur de philosophie, ce café philo a permis d’évoquer les diverses facettes de la relation avec autrui. Voici quelques propos de cette soirée livrés à votre réflexion :

La relation entre le nom de notre association « Agir Reliance » et le thème de « l’autre », puisqu’il s’agit de communiquer avec  et de comprendre l’autre.  L’autre me renvoie un jugement sur moi, et nous portons un regard sur le « miroir » qu’est cet autre, même quand il n’est pas présent.

Il est aussi possible que  moi-même (ou l’autre) soyons incapables  de voir, ou « lire » les  codes de celui que nous tentons de comprendre, et donc de nous identifier à cet «étranger »...

Pour qu’autrui existe il faut que je le reconnaisse comme digne d’intérêt. Pour cela il doit émaner de lui quelques façons d’être qui me le font ressentir comme un « semblable ».

Pour accéder au dialogue qui permettra d’échanger, il est nécessaire de « se décentrer », de mettre à distance ce que je suis, et de « briser » le miroir afin de me mettre à « réfléchir » sur ce que cet « autre » « étrange » me donne à voir et à ressentir.

Pour que ce dialogue soit possible je dois, accepter de recevoir des critiques, et assumer d’en formuler. Aussi il est bon de savoir que les jugements portés sur autrui renseignent autant sur celui qui les formule que sur celui qui en est l’objet.

Pour être « moi-même », ai-je besoin d’autrui ? Cherchons-nous à savoir qui nous sommes,  à combler nos fantasmes, à travers l’autre ? Est-ce que l’autre est pour moi un « sujet libre » et non un « pur objet » ?

Pour que l’autre ne soit pas qu’un « miroir », il est nécessaire que moi et lui ayons du « répondant », que nous soyons à la bonne distance et portions « un bon regard » l’un sur l’autre. Le préalable consiste pour moi, à sélectionner les personnes qui me conviennent, et à abandonner la position infantile de demande d’identification à moi par lui,  et  aussi de savoir que la recherche de « fusion » est une illusion qui conduit à la déception, sauf à devenir dépendant.

La dépendance est un aveu de manque de confiance en soi et le souhait que l’autre m’évite de regarder la réalité en face, puisque je lui délègue le soin de penser et d’agir pour moi.

Nous avons toujours besoin de reconnaissance par nos semblables, ou même d’opposition de nos dissemblables, et cela sera le « carburant » toute notre vie d’une confrontation entre nos désirs et le monde.

La « pression » exercée par le groupe auquel  j’appartiens me laisse-t-elle la possibilité de devenir «  moi-même » ?

Et comment saurai-je quand je serai devenu « moi » ?: c'est-à-dire, avec une confiance suffisante en mon « épaisseur » d’être, pour qu’ainsi je sois capable d’affronter « les autres » sans avoir peur de devenir sous influence,  et inversement , avec la délicatesse de ne pas vouloir « changer » de force l’autre pour qu’il me rassure ?

Il est vital pour tout être humain de se construire avec l’appui de ses parents, puis de ses proches, puis de son groupe. Pour devenir autonome, adulte, il lui faudra :

-soit faire siens ces enseignements et ces modes de pensées et d’agir, et éventuellement les retravailler pour les renouveler et faire « du neuf »,

-soit sentir qu’ils ne vous font pas vivre, et alors il faudra trouver la force de s’opposer à tous ces acquis, en s’appuyant sur des alliés ; des activités, des maîtres différents de ceux imposés par le « milieu » d’origine.

Celui qui s’oppose et cherche sa propre voie est dans une démarche de créativité autant, et même plus féconde que celui qui reste conforme à ce que l’on attend de lui. Il fait advenir du nouveau et vivre un besoin d’ouverture.

Il arrive qu’une société, collectivité s’étant donné des institutions, décrète une clôture sur son identité (définie par qui ?), n’accepte pas d’évoluer en dialoguant  avec  une opposition, et refuse l’intégration d’êtres différents. Elle va reproduit le « même » et assécher la création, le fleuve du vivant. Elle va prendre le risque d’entrer en « phase terminale » puis en déclin.

Il faut autoriser l’erreur, car elle est inséparable de la recherche de la vérité et de l’exactitude.

ETRE LIBRE SEUL, C’EST FACILE, MAIS CE QUI EST INTERESSANT C’EST D’ETRE LIBRE AVEC LES AUTRES.

Pour qu’il y ait de l’unité il faut qu’existe de la disparité, puis l’acceptation du compromis.

La culture des « autres », individus ou sociétés, peut révéler une dignité et une universalité auxquelles je vais me confronter et qui seront aussi de nouvelles « fenêtres » venant construire par élargissement une nouvelle représentation de la condition humaine.

Hannah  Arhendt : le concept de «monde commun »

« Dans -Condition de l'homme moderne-, Hannah Arendt met en place une hiérarchie de concepts - travail, oeuvre, action - qui lui permet d'analyser un retournement typique, selon elle, de la modernité. Au sommet se situe l'action. Avant tout politique, l'action permet la création d'un monde commun, un domaine public où l'homme dépasse le confinement biologique de la famille et l'isolement du soi. L'existence de ce monde commun est la condition de notre relation au réel.

L'action nous met par ailleurs en relation avec la pluralité humaine qui, selon Arendt, est notre seule voie d'accès à la réalité infinie du monde. Tant il est vrai que nous n'éprouvons celui-ci comme vrai que parce que d'autres l'éprouvent avec nous. Contre la tradition platonicienne qui privilégie la vie contemplative, à la "vita activa", Arendt pense que l'action est le seul remède à l'"acosmisme", c'est-à-dire au refus du monde. »

A. Jacquard :

C’est la mère qui fait, déjà pendant la grossesse,  advenir un « autre être » en le reconnaissant comme une  personne nouvelle.

A. Rimbaud :

Le langage peut faire naître un nouveau sens aux mots et la poésie est cet art.

Sa vie fut une constante révolte contre le conformisme, et ses actions la recherche de nouvelles façons d’être.

« Car Je est un autre. Si le cuivre s'éveille clairon, il n'y a rien de sa faute ». (Extrait de la lettre à Paul Demeny (dite lettre du voyant), 15mai1871).

JP Sartre

Il faut laisser la possibilité de se surprendre soi-même. La liberté c’est angoissant car à tout moment je peux devenir « un autre moi ». Il n’y a aucune garantie d’un être enfermé dans une condition figée. C’est inquiétant de ne pas être sûr de ce que l’on est. Nous sommes un pur « néant » duquel peut surgir à tout instant une possibilité d’ « être » nouvelle.

Cette démarche « d’invention » de soi c’est l’exercice de la liberté.

   ____________________________Le café philo du 12 juin 2013

A propos du bonheur  

Introduction sur le sujet 

Si, comme l’affirme Pascal, « tous les hommes recherchent d’être heureux"  encore faut-il s’accorder sur une définition du bonheur. Difficile car il reste lié à l’expérience singulière et empirique.
Le mot vient de « heur », du latin « augurium » « les augures » en vieux français = la chance. Il évoque un ensemble de circonstances qui font que nous sommes bien.
La Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, énonce que "Le but de la société est le bonheur commun. Le gouvernement est institué pour garantir à l’homme la jouissance de ses droits naturels et imprescriptibles (...)".
Aristote l’avait déjà dit : « La cité est une communauté de semblables, et qui a pour fin la vie la meilleure possible ».
Ces conceptions affirment un lien entre bonheur et politique et suggèrent que les choix politiques peuvent augmenter le bonheur collectif et individuel, que l'action utile (et moralement bonne) est celle qui contribue au plus grand bonheur du plus grand nombre.
Aujourd’hui, des travaux d’universitaires montrent en effet que le sentiment bonheur s’accroît en même temps que le taux de croissance, la santé, l’éducation, le progrès technique, etc..
Des psychologues, médecins, chercheurs, en discutent lors des Assises du Bonheur qui se tiennent en France. Des observatoires du bonheur sont créés. Des économistes le mesurent en termes de Bonheur National Brut ou l’intègrent dans la richesse nationale en tenant compte du bien être apportés par la santé, l’éducation, les relations humaines et pas seulement la production  et les flux commerciaux. On donne de cours de bonheur dans des universités, les écoles de commerce, on dresse des indicateurs, des palmarès du bonheur dans les pays en croisant des données. La France était d’ailleurs classée 46 ème rang en 2011 malgré son économie prospère et sa qualité de vie.
C’est que nos sociétés développées prennent conscience de problèmes environnementaux, d’écarts de richesses, d’inégalités, de faim dans le monde. L’homme ne se contente pas du confort matériel, il veut de l’harmonie, de l’humain, du sens à sa vie.
Mais cela n’est pas nouveau, comme le montrent différentes conceptions  de l’antiquité.
« L’eudémonisme » (du grec eudaimon : heureux) le Bien suprême est constitué par le bonheur. Au-delà de la satisfaction de tous nos désirs, il s’agit de chercher la réalisation du bonheur dans la vertu, le devoir, le bien. Toute action bonne est considérée comme vertueuse et pas seulement les  “bonnes actions”, au sens moral du terme. Vivre  selon la Nature et se conformer à sa nature propre, (Sénèque).
L'hédonisme (de hedon : plaisir) ou épicurisme, assimile, non seulement le bien avec le bonheur, mais encore le bonheur avec l'ensemble des plaisirs,  ou plutôt l’absence de douleurs, un accord et une harmonie avec un monde matériel. La vertu consiste à savoir distinguer les bons plaisirs  nécessaires pour une vie heureuse,  et les mauvais désirs.  Santé du corps et tranquillité de l’âme (ataraxie).
Et d’autres conceptions :
Les Stoiciens : il faut combattre la tyrannie des désirs qui entretient l'état de manque. La plénitude intérieure suppose de s'affranchir des désirs et des passions
Pour Aristote , le bonheur est dans « la vie de l’esprit, l’esprit constituant essentiellement l’homme,  la connaissance, la vie contemplative.
Le christianisme : le bonheur ici-bas n'existe point. La religion promet le paradis, à ceux qui sauront le mériter,  le bonheur sera une récompense différée, l’espérance…
Pour des philosophes influencés par le christianisme comme Kant,  le bonheur n’est qu’un idéal de l’imagination. "La morale nous enseigne comment nous devons nous rendre dignes du bonheur. "C’est seulement lorsque la religion s’y ajoute, qu’entre en nous l’espérance de participer un jour au bonheur dans la mesure où nous avons essayé de n’en être pas indignes."
Spinoza, lui nous enseigne que le bonheur réside dans la "joie intellectuelle",  la connaissance, l'accroissement des connaissances qui procure la joie. : "La joie est le passage de l'homme d'une moindre à une plus grande per¬fection »  
Bergson : « La nature  nous avertit par un signe précis que notre destination est atteinte. Ce signe est la joie »
Moyens matériels, équilibre spirituel,  plénitude sociale, vie contemplative, partage... Comment définir le bonheur ? Est-il un droit,  un devoir, une illusion ? Dépend-il de notre volonté ? Est-il un but dans la vie ? Ou simplement une manière de voir la vie ?
 Et d’ailleurs, tous les hommes cherchent-ils le bonheur ?
 

 Propos  sur le « bonheur », saisis lors du débat :

- absence de malheur pour nous, pour nos proches, mais ce serait une conception égoïste ; le bonheur  des autres est nécessaire au nôtre.
- absence de souffrance (cf Epicure : mesurer, contrôler ses désirs, se détacher des objets de désir)
- Distinguer le bonheur  des moments de joie, de la satisfaction, du contentement, plus fugaces, faisant suite à un évènement heureux.
- Le bien-être matériel ne suffit pas et avoir ce que l’on désire ne permet pas à coup sûr d’atteindre  « le bonheur ». Cependant, peut-on concevoir le bonheur sans bien être ?
- On peut être heureux sans que ce soit « Le Bonheur »
- chez les Grecs anciens, l’aristocratie consistait à être courageux, droit, instruit = l’excellence, la vertu, cependant il ne s’agit pas seulement d’être bon
- Le fameux « Eureka ! » d’Archimède est un cri de bonheur, mais il a accompli un long parcours et souffert avant de trouver
- Se pose la question du « scandale du mal », le mal qui atteint les justes, les innocents, les méritants
- chacun a sa vision et sa façon de réaliser « son bonheur ». Pour l’enfant pauvre de Mexico, s’en sortir chaque jour est une conquête quotidienne de bonheur
- les religions sont dans la promesse : l’au-delà, le messie, le Paradis ou l’Enfer. Le bonheur humain est secondaire et incomplet par rapport à l’amour divin. Pour Saint-Augustin, on peut poursuivre le bonheur en étant vertueux. Pour Kant, il s’agit de se rendre digne d’être heureux en mettant en pratique les impératifs catégoriques qui fondent  la morale.

Il ressort que pour parvenir à ressentir « le bonheur » certaines conditions sont nécessaires :
- s’inscrire dans la réalité et non dans l’imagination ou le virtuel
- la durée pour réaliser des choses dans une vie. L’oeuvre peut être notre vie elle-même, divers composants permettant de relier les périodes de cette vie et de leur donner du sens  pour l’ériger en mission (exemple : Mandela)
- Avoir l’espoir d’être heureux et si le bonheur cesse, continuer à être heureux de l’avoir vécu
- la liberté d’action et de penser
- des choses incontournables ne peuvent manquer : par exemple les amis
- mettre ses actes en accord avec ses propres principes moraux, ou religieux.
- Encore faut-il décider d’être heureux. Question d’optimisme, de résistance aux épreuves de la vie. Cf Raymond Aubrac : « résister c’est être optimiste ». A nuancer toutefois, les épreuves peuvent renforcer mais aussi détruire les individus.
- C’est un rapport harmonieux à un monde harmonieux, telle l’harmonie cosmique des anciens Grecs
- Mais si le monde n’est pas harmonieux, peut-on être heureux dans une société injuste ? Oui, à condition de lutter et de voir les améliorations

 En conclusion :
- il est vain de prétendre saisir une définition du « Bonheur », car c’est la RECHERCHE du bonheur qui est notre but.
- On le trouve chemin faisant, par des rencontres, des actes.
- Ce n’est pas seulement l’instant présent, c’est un parcours, le parcours qui nous a permis de l’atteindre
- Le bonheur ne peut se vivre que partagé, avec les siens, avec les autres…
- « le Bonheur» n’est pas un absolu, ni éternel,  ni une addition de bonheurs. Bien plus, c’est la façon de vivre de celui qui possède « le bon esprit », « l Eudemonia » (demon = esprit), qui vit en bonne relation avec les autres, avec les lois, qui cherche à donner un sens à son « être », plutôt qu’à accumuler les possessions, "l'avoir".
- C’est une quête de cohérence dans sa vie
- Etre fier de la vie qu’on a vécue
- Ainsi peut-on atteindre cet  ETAT de contentement durable, qui procure une sérénité intérieure.

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Notre café philo du mercredi 10 avril 2013

 La violence est-elle conséquence de nos choix ?

Introduction sur le sujet 

Du latin violentia, « abus de la force » la violence qualifie, en droit civil, une action « de nature à faire impression sur une personne raisonnable, et qui peut lui inspirer la crainte d'exposer sa personne ou sa fortune à un mal considérable et présent» (Article 1112 du Code civil)

Dans le langage courant, c’est ce qui détruit, sépare ce qui était lié, l’usage immodéré de la force par un individu, un groupe ou une structure politique. Ou encore, la manière de traiter l’homme dans l’intention d’en faire  un moyen ou une chose.
 
La violence surgit, explose, elle est de l’ordre de la crise. Elle est un comportement de régression de l’humain : en pratiquant la violence, je nie l’autre, je me nie aussi comme être de raison.

Elle peut être violence physique, verbale, psychologique (dans le harcèlement par exemple)

Elle est échec de la raison : L’homme violent impose son discours tandis que l’homme raisonnable cherche à constituer avec d’autres un qui relie, rassemble. La discussion, la rationalité constituent une démarche  de réduction de la violence.
Pour cela on peut considérer nos café-philos comme une démarche de non-violence ou d’anti-violence. Ainsi, nous analyserons la nature et le causes de ce phénomène strictement humain, qui n’existe pas dans le monde animal :
L’usage de la violence est-il toujours signe de faiblesse, en ce qu’il est dommageable à son auteur et à sa victime ?
Existe-t-il des raisons qui justifient le recours à la violence, peut-elle être dans certains cas légitime et/ou nécessaire, inévitable ? Par exemple :
- la violence révolutionnaire vue par certains comme un mal nécessaire en vue d’instaurer un ordre plus humain, conforme à la raison et à la dignité de l’homme

-  ou encore  lutter contre les violences en recourant à la violence : La violence comme riposte : c’est la légitime défense;.

- Au niveau politique, certaines institutions semblent faire un usage légitime de la violence, pour protéger les libertés, assurer la sécurité des individus. L’État, la police, la Justice ou encore l’armée. La guerre est violence organisée, et la notion d’état de guerre est une notion juridique.

On pourra aussi se demander si elle est, comme l’affirme Freud, une donnée fondamentale du réel,  nécessaire parce que faisant partie de la réalité donnée. La violence serait à l’origine de l’homme et de ses comportements : pulsion de destruction ou « libido négative », tendance naturelle à l’agressivité, à la destruction qui cohabite avec une tendance opposée : Eros ou pulsion de vie qui nous porte à la création, (de discours, d’enfants...de raisonnements). Cette agressivité serait primaire, originelle.

Certains voient dans le conflit une cause de changement dans la nature ou dans la société, un moteur du devenir : puisque rien ne naît de rien, pour que quelque chose soit, quelque chose doit être nié, détruit. Héraclite : "La guerre (le combat) est le père de toutes choses et le roi de toutes choses" fragment 5.
 "La violence est l’accoucheuse de la société nouvelle" disait Engels.

La disparition de la violence du monde humain, le règne du droit garanti par l’Etat et assurant paix et concorde intérieures et extérieures constituent-elles  le vrai défi de l’avenir de l’humanité, ou n’est ce qu’une utopie ?

Faisons un petit pas dans ce sens par notre discussion de ce soir.

 Citations et éléments de réflexion

 - FREUD “Malaise dans la civilisation”

 “L’homme n’est point cet être débonnaire, au coeur assoiffé d’amour, dont on dit qu’il se défend quand on l’attaque, mais un être, au contraire, qui doit porter au compte de ses données instinctives une bonne somme d’agressivité. Pour lui, par conséquent, le prochain n’est pas seulement un auxiliaire et un objet sexuel possibles, mais aussi un objet de tentation. L’homme est, en effet, tenté de satisfaire son besoin d’agression aux dépens de son prochain, d’exploiter son travail sans dédommagements, de l’utiliser sexuellement sans son consentement, de s’approprier ses biens, de l’humilier, de lui infliger des souffrances, de le martyriser et de le tuer. Homo homini lupus : qui aurait le courage, en face de tous les enseignements de la vie et de l’histoire, de s’inscrire en faux contre cet adage? (...)
Cette tendance à l’agression, que nous pouvons déceler en nous-mêmes et dont nous supposons à bon droit l’existence chez autrui, constitue le facteur principal de perturbation dans nos rapports avec notre prochain; c’est elle qui impose à la civilisation tant d’efforts. Par suite de cette hostilité primaire qui dresse les hommes les uns contre les autres, la société civilisée est constamment menacée de ruine. L’intérêt du travail solidaire ne suffirait pas à la maintenir : les passions instinctives sont plus fortes que les intérêts rationnels. La civilisation doit tout mettre en oeuvre pour limiter l’agressivité humaine et pour en réduire les manifestations à l’aide de réactions psychiques d’ordre éthique. De là, cette mobilisation de méthodes incitant les hommes à des identifications et à des relations d’amour inhibées quant au but; de là cette restriction de la vie sexuelle; de là aussi cet idéal imposé d’aimer son prochain comme soi-même, idéal dont la justification véritable est précisément que rien n’est plus contraire à la nature humaine primitive. Tous les efforts fournis en son nom par la civilisation n’ont guère abouti jusqu’à présent. (...) Mais il serait injuste de reprocher à la civilisation de vouloir exclure de l’activité humaine la lutte et la concurrence. San doute sont-elles indispensables, mais rivalité n’est pas nécessairement hostilité; c’est simplement abuser de la première que d’en prendre prétexte pour justifier la seconde.”

 - Dans le chap XIII de la 1° partie du Leviathan, Hobbes avance qu’il est possible de trouver dans la nature humaine c’est-à-dire dans l’essence même de l’homme trois causes principales d’affrontement : la rivalité, la méfiance et la fierté :

 “Si deux hommes désirent la même chose alors qu’il n’est pas possible qu’ils en jouissent tous les deux, ils deviennent ennemis : et dans leur poursuite de cette fin qui est , principalement, leur propre conservation, mais parfois seulement leur agrément, chacun s’efforce de détruire ou de dominer l’autre....Il apparaît clairement par là qu’aussi longtemps que les hommes vivent sans un pouvoir commun qui les tienne tous en respect, ils sont dans cette condition qui se nomme guerre, et cette guerre est guerre de chacun contre chacun.”

- Définition de Kant dans le Projet de paix perpétuelle de 1795 :

 “ Chaque Etat fait consister sa majesté à ne se soumettre à aucune contrainte légale extérieure. “

 Ne faut-il pas dire alors que - en vertu de la souveraineté dont disposent les Etats - les rapports entre ceux-ci relèveraient nécessairement de ce que Hobbes appelait “ état de nature “ ? (c’est-à-dire cette situation où chaque individu - et en ce sens, chaque Etat particulier est comme un individu - est seul juge des moyens à utiliser pour assurer sa conservation. ) Si l’on transpose le raisonnement de Hobbes au plan interétatique, les Etats sont dans leurs relations mutuelles dans un état de nature dont il faudra se demander s’il peut être dépassé. Cet état de nature est un état permanent de crainte et d’insécurité.

 - Rousseau dans le chap IV du livre I du contrat social, conteste qu’il puisse y avoir des guerres dans l’état de nature, tout simplement parce que la guerre n’est pas une relation d’individu à individu, mais une relation d’Etat à Etat. Il n’y a de guerre que dans l’histoire et entre des entités politiquement constituées

 - La neurophysiologie, la psychologie animales et la paléontologie nous apprennent, d’après Fromm, un psychanalyste américain, que les animaux ne sont agressifs :  qu’en vue de se nourrir, de se conserver en vie : l’agressivité est moyen (seulement), qu’en réaction à l’attaque dans le seul cas où ils ne peuvent s’enfuir, afin de préserver leur vie, mais cela ne va jamais jusqu’à la mort du congénère; pas de torture, de destruction mais le plus souvent une simple attitude de menace qui sert d’avertissement

- L’expérience de Milgram, "La soumission à l’autorité" montre que d’infliger une pénalisation douloureuse à la victime ne vient pas des pulsions destructrices des participants, mais de leur intégration dans une structure sociale dont ils sont incapables de se dégager. Cette tendance, si elle existe, ne s’exprime que dans des conditions historiques et sociales déterminées

 
Propos échangés lors de la discussion

Qu’est-ce que la violence ?
On ne qualifie de violence que les actes humains commis avec une force qui provoque volontairement des destructions, qui est cruelle envers les faibles.
C’est un moyen utilisé pour atteindre des fins. Ces fins peuvent être qualifiées par le bon sens soit :
- en bonnes fins : l’agressé l’utilise pour se défendre contre un agresseur (guerres contre les tyrans, contre les armées des régimes  nazis ou fascistes)
en mauvaises fins : agression pour asservir d’autres humains (esclavage), ou pour les tuer afin d’affirmer sa soi-disant supériorité (crimes racistes, exterminations).

 Phénomène social ou naturel?
La violence est-elle un phénomène social ? La société, par le préjudice qu’elle cause à certains peut déclencher l’état de violence
Un phénomène naturel ? l’état de nature peut être idéalisé ou diabolisé (cf Rousseau : l’homme est naturellement bon / Hobbes : l’homme est naturellement violent) : la violence est innée ET acquise
L’on ne peut comprendre les actes violents si on n’admet pas qu’ils procurent :
- DU POUVOIR  à celui qui les ordonne
- DU PLAISIR  à celui qui les accomplit concrètement
L’être humain s’est construit en tant qu’humain par la violence, d’abord en luttant contre/ puis en imitant la puissance des prédateurs, puis en réussissant à fabriquer des armes et en devenant à son tour un prédateur. Sur ce sujet lire Wolfgang SOFSKY (né en 1952,  sociologue, journaliste et écrivain allemand) « Traité de la violence » et « L’ère de l’épouvante », (et voir le texte joint).

Des situations où s’exerce la violence :

Terrorisme, totalitarisme
Le terrorisme est un acte criminel qui vise à tuer au hasard des populations civiles.
Les dirigeants  des Etats qui ont soumis et/ou soumettent encore aujourd’hui des populations entières par la violence, ont éliminé d’abord, par des crimes organisés, leurs opposants, supprimé toutes les libertés ; puis avec comme armes l’idéologie et la terreur exercés sur la masse des gens plus passifs, les ont conduits à collaborer à leur crimes.

Mensonge
Le mensonge peut constituer une violence : certains mensonges tuent comme la calomnie qui peut entrainer la vindicte populaire, le suicide… En revanche un mensonge pieu n’est pas violent. Toute violence est immorale mais toute immoralité n’est pas violente

Agression
Il faut éviter d’assimiler agresseur et agressé qui agit par légitime défense. L’agresseur est responsable de la violence de celui qui se défend.
Le droit des victimes est borné par la loi pour substituer l’action de la justice, même imparfaite, à la vengeance. La justice n’est pas chargée de consoler ni de soigner la victime (cela relève du domaine social ou médical).

Inégalités
L’inégalité peut être génératrice de violence, susciter des haines quand il y a égalité des droits mais inégalité de conditions. Lorsque des systèmes politiques permettent et légalisent de fortes inégalités sociales. Par exemple certaines fortunes, ou encore les privilèges entretenus par les impôts payés par les autres sont immoraux et constituent une forme de violence envers la société.

La violence invisible
Un exemple de violence non reconnue : La violence faite à l’environnement :
Elle ne lèse personne aujourd’hui mais dans le futur ; il y a violence envers nos descendants car nous allons leur léguer un monde moins bon que le nôtre.
- personne ne la voit, personne ne sait exactement comment elle opère,
- les victimes sont invisibles, et souvent lointaines,
- nous ignorons les conséquences tant dans leur ampleur que dans leur durée,
- nous nous exonérons très facilement de la culpabilité des actes commis, et laissons la responsabilité de la lutte aux autres,
- les compensations financières imposées aux pollueurs sont insuffisantes, car la nature met plusieurs siècles à réparer les dommages, quand c’est encore possible,
- il y a peu de personnes ou de sociétés pollueuses  traduites devant un tribunal, sauf en cas de catastrophes majeures.
Sur ce sujet lire  Hans JONAS « Le principe de Responsabilité » qui théorise la violence faite aux générations futures (voir le texte joint).

Peut-on mettre fin à la violence ?

Par la non-violence
Pour rompre avec le cycle de la violence répondant  à la violence, il faut faire un acte signifiant une brisure symbolique, il faut trouver une autre voie (« tendre l’autre joue »), répondre par un acte NON VIOLENT, qui constitue une stratégie de désobéissance aux provocations et une résistance à l’ordre établi.
La non-violence comme stratégie politique n’a pas fait beaucoup carrière bien que ce soit une stratégie de résistance courageuse (néanmoins Gandhi était dur et intraitable avec ses proches, ce qui constitue une forme de violence…)

Par la politique
Pourtant il existe des sociétés et des organisations sociales non violentes (et qui respectent la nature,  exemples : Les Kibboutz, des communautés d’Amérique du Sud qui ont voté des lois protégeant la « Terre Mère » considérant la nature comme un être vivant. La destruction est punie comme un crime
L’être humain, par l’action et la mise en place d’organisations telles que l’ONU, l’UNICEF, le GIEC, la FAO, la WWF … essaie de devenir pacifique en cherchant à substituer d’autres solutions à la violence :
- la coopération mondiale pour diminuer la faim et l’ignorance, pour aider en cas de catastrophes naturelles,
- la négociation avec l’acceptation de compromis permettant d’éviter les coûts et les destructions des conflits armés,
- la prise de conscience de nos responsabilités envers les autres populations,
- la connaissance des limites des ressources de la planète et de leur épuisement,
- l’exercice collectif et solidaire de solutions respectant la vie et l’environnement.

Conclusions
La quête d’une société non-violente est forte dans l’humanité.
Il est certain qu’il existe un lien entre violence et manque de culture et d’éducation.
Il est inutile de se poser la question de savoir si la violence est innée ou acquise. Il faudrait penser la violence comme étant mauvaise dans l’absolu. Tout en admettant la violence défensive (la violence exercée pour supprimer une violence) pour ce qu’elle est : nécessaire. Point n’est besoin que quelque chose soit beau pour être nécessaire… il est aussi inutile de chercher à légitimer la violence en disant qu’elle est « juste ». La violence est mauvaise par définition mais parfois nécessaire pour une raison supérieure.
Il y a beaucoup de moyens d’éviter la violence. Mais on n’y arrive pas parce qu’on justifie sans arrêt la violence.
Elle relève du stade primaire de l’homme, n’est pas digne d’une société évoluée.

L’être humain étant intelligent, il aura un jour raison de la violence

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Notre café-philo du 19 février 2013,

Amour, sexualité, érotisme... l'énigme...  

"Désir, sexualité, érotisme... L'énigme"

Introduction au sujet

Il s'agit de réfléchir à la place de la sexualité dans notre société, dans notre vie,  penser la sexualité dans un cadre de liberté, d'égalité et de réciprocité, les rapports de la sexualité avec la morale, la culture, l’amour, l’attachement, l’engagement.

Les pulsions font partie de notre humanité, de notre conditionnement biologique.
Comment les cultures et les sociétés ont permis à l’homme de les dépasser, de les sublimer, de les maîtriser, d’éveiller intelligence et sensibilité.

La sexualité et l’érotisme sont des thèmes récurrents de l'art et de la mythologie
Le terme sexualité englobe les phénomènes de la reproduction biologique, les comportements sexuels permettant cette reproduction, et les phénomènes culturels liés à ces comportements. Chez l'être humain (et aussi le Chimpanzé, le Bonobo, l'Orang outan et le Dauphin, entre autres), le comportement sexuel peut donner lieu à des comportements érotiques
L'érotisme (du grec ἔρως, érôs : « le désir amoureux ») désigne l'ensemble des phénomènes qui éveillent le désir sexuel, et les diverses représentations, en particulier culturelles et artistiques, qui expriment ou suscitent cette affection des sens. Il résulte d’une sorte de tension entre la morale et la sexualité. Comme le montre Bataille, il n'y a érotisme que lorsqu'il y a transgression. Roland Barthes : « L'érotisme c'est lorsque le vêtement baille » : pensées,  discours,  textes  poésie ou  prose, images peintes, sculptées ou filmées,  chansons,  musiques, leur sexualité, il ne suffit pas aux hommes et aux femmes de la vivre, ni même de la dire, il leur faut aussi la rêver....
L'érotisme sublime le désir. Alain écrit à propos de la danse amoureuse qu'il est bon que « l'animal ne se montre pas trop, et enfin qu'il s'humanise ». La frontière est souvent confuse entre le besoin (organique ou biologique) et le désir qui comporte une dimension mentale, et parfois spirituelle …
Platon dans le Banquet évoque le mythe de la naissance d’Eros, symbole du désir amoureux. Issu de Poros (l’abondance : image de la plénitude) et Penia (la pauvreté : image du manque)
Et aussi le mythe de l’androgyne coupé en deux qui n’a de cesse de retrouver sa moitié.
Pour lui, le désir naîtrait du manque, on désire ce que l’on n’a pas, il est basé sur la croyance (idéaliste ?) que l’objet de son désir est l’incarnation de ses attentes. Une aspiration à une  insaisissable plénitude.

La sexualité humaine varie en fonction des époques et des cultures. Les observations ethnologiques montrent une grande diversité des mœurs, des croyances, des valeurs, des représentations sexuelles et des comportements érotiques et elles montrent l'importance de la culture dans le développement et dans l'expression de la sexualité humaine.
Suivant les sociétés, les normes sexuelles se construisent à partir de critères magiques, religieux, moraux, sociaux, affectifs, comportementaux, ou médicaux. En fonction de ces normes, ont été tracées des lignes de partage entre le permis et le défendu, la norme et les écarts.

Après la permissivité gréco-romaine, nos sociétés occidentales ont traversé vingt siècles de judéo-christianisme où une  morale encadrait sévèrement la sexualité, et où le puritanisme générait frustration et  culpabilité. Puis vint l’idéalisation romantique, et ensuite, un tournant historique avec Freud et la psychanalyse (qui donne lieu actuellement à quelques polémiques), Mai 68, la révolution sexuelle (Reich l’a théorisée « tout est sexuel »). Ce changement des mentalités donne lieu aujourd’hui à des dérives : l’hypersexualisation de notre société, ce que Houellebecq appelle  « la consommation libidinale de masse » : Banalisation du  libertinage, « le corps émotionnel », la violence, l’inflation de la sexualité dans la publicité, les magazines, la TV, le cinéma, la littérature…
 Ce «  nouveau désordre amoureux » (livre de Finckelkrault et Bruckner) ne serait-il pas en passe de devenir un nouveau conformisme ?
Ou un nouveau mode de domination masculine ?

 Le compte-rendu des débats de la soirée

Un constat, ce sujet traverse la pyramide des âges car se soir là, les participants allaient de 20 à 75 ans dont trois quarts de femmes... Sur ces trois mots : désir, érotisme, sexualité, les définitions sont liées à l’approche personnelle et intime, à l’aspect psychologique, au ressenti et aux expériences de chacun. Néanmoins nous nous sommes entendus sur les convergences suivantes :

Le désir. Peut d’entre nous sont capables d’identifier, à brûle-pourpoint, les motivations qui influencent le choix de leurs partenaires. Ces motivations sont variées, elles tiennent a notre passé, peuvent même remonter à des souvenirs d’enfance. Les explications ne manquent pas, chacune jetant un peu de lumière sur le mystère de nos vibrations intimes : nos hormones, nos gènes, notre éducation sexuelle, notre personnalité, ou tout cela à la fois. Le désir amoureux peut-être aussi formaté dans notre inconscient par des interdits (religieux, par exemple) qui nous auraient été dictés dès notre prime jeunesse. Il semble indéniable que les frustrations et les manques affectifs, voire les traumatismes de l’enfance, de l’adolescence et de l’âge adulte, influencent nos scénarios sexuels et amoureux. La différence des approches face au désir reste une énigme.

 L’érotisme. L'érotisme est souvent lié à la stimulation de l'imagination, à la recherche d’une jouissance sans nécessairement attendre la finalité de la « consommation ». Certaines personnes sont plus réceptives physiquement et psychologiquement à l’érotisme qu’à la sexualité. Il est souvent stimulé par l'ambiguïté d'une attitude, la suggestion, le non-dit, voire la promesse d'une situation future, car l'imagination et le désir sont mieux sollicités que lorsque tout est déjà gagné ou donné. Cela peut être utilisé comme un ressort de séduction, consciemment ou inconsciemment. C'est dans ce sens qu'il faut comprendre la citation de Georges Clemenceau : « Le meilleur moment de l'amour, c'est quand on monte l'escalier ». Les nombreux tabous (par exemple la nudité) donnent lieu à la transgression. Des écrivains comme Georges Bataille ont érigé l’érotisme dans l’ordre du sacré, de la transgression, de la mort. L’érotisme des uns n’est pas l’érotisme des autres, c’est donc aussi une énigme.

 La sexualité. Si le désir, l’érotisme sont les moteurs de la sexualité, on peut en conclure que le principal organe sexuel, n’est pas le sexe, mais le cerveau. Rien ne peut s’appréhender en matière sexuelle qui n’ait été au préalable analysé, géré par notre inconscient. Ne pas confondre, le sexe et l'amour sont deux choses différentes, qu'on peut bien sûr vivre ensemble, heureusement, mais qui n'en sont pas moins disjointes. On peut avoir des rapports sexuels avec quelqu'un dont on n'est pas amoureux. Ou aimer quelqu'un sans qu'il y ait de rapports sexuels. Et puis, la fonction sexuelle et la fonction de reproduction sont à la fois liées, puisqu'elles se font par les mêmes organes, et disjointes, puisqu'on peut faire l'amour sans faire d'enfant… Mais, jouir du corps de l'autre n'est jamais innocent, la singularité du désir sexuel est qu'il produit en nous un trouble particulier, du fait qu'il se heurte toujours à une espèce d'interdit vague. On constate ainsi que la  sexualité, tellement différente entre les individus est également une grande énigme.

 L’énigme. Le désir pourrait naitre d’un traumatisme et se matérialiser dans nos fantasmes. De fait, lorsque nous percevons en l’autre un corps désirable, c’est que quelque chose de cette personne ranime en nous un souvenir marquant. Avant même que notre corps ne soit nu, le désir dénude notre âme, nos carences et nos motivations. L’érotisme est une vision personnelle de la beauté qui est une sublimation artistique et sensuelle de l’amour, ce peut-être aussi un vecteur de communication instinctif pour amener des partenaires qui vont « consommer » ou non leur(s) fantasme(s). L’énigme résiderait dans ce que cet outil de la séduction rencontrerait parfois et parfois pas du tout l’altérité amoureuse du convoité. En ce sens l’érotisme a plus  à voir avec l’instinct alors que la sexualité à plus à voir avec nos pulsions. Dans les deux cas, il s'agit de tendances comportementales innées. La différence c'est que l'instinct inclut son propre mode d'emploi : un instinct, c'est un savoir-faire transmis génétiquement. Par exemple, les araignées savent tisser leur toile, et les oiseaux font leur nid, sans que personne ne le leur apprenne. En revanche, nous n'avons aucun savoir faire transmis génétiquement dans ce domaine. C'est la raison pour laquelle, enfants, nous nous interrogeons tellement sur « comment on fait des bébés ». Ce savoir-là n'est pas transmis par les gènes, c'est un savoir acquis. Autrement dit il faut apprendre ! C'est pourquoi la sexualité est une pulsion, et non pas un instinct. Nous avons une tendance comportementale innée, celle de faire l'amour, mais nous ne savons pas comment nous y prendre. Cela fait partie de tout cet apprentissage sexuel que chacun doit acquérir. L’énigme est que nous y parvenons souvent- si non tous- lorsque nous parvenons à vaincre note angoisse de pénétrer le champ intime de l’autre.

 Une approche culturelle et historique.

 Ces trois notions, désir, érotisme, sexualité s’expriment au travers de la complexité des cultures et des civilisations.  Au fil du temps, elles furent influencées par diverses valeurs sociétales, morales et spirituelles. La société médiévale faisait une place à l’expression « païenne », pulsionnelle de la sexualité humaine. Jusqu’à ce que l’Eglise en fasse un interdit, elle autorisait  le carnaval  qui permettait au travers de l’anonymat des masques aux hommes et aux femmes de se rencontrer et plus si affinité. A la fin de cette époque, la « modernité » commence, par un interdit religieux qui génère une culpabilisation, et détermine une individualisation de la sexualité érigée en règle morale. Une normalisation de la sexualité devient donc à l’ordre du jour pour ne pas contrarier les dogmes ! Mais les approches culturelles divergent. Par exemple  on peut trouver étrange la façon d’exprimer dans l’art japonais le désir et l’acte sexuel. Sur cette question il faut savoir que dans la culture japonaise :

ce qui est indécent c’est de montrer ses émotions : le plaisir, le dégoût,  à l’inverse  le nu,  la baignade nue à plusieurs, le sumo ne sont pas tabous.
La représentation « décoincée » : dans la littérature, le sexe est considéré comme une chose infantile, adolescente et l’on y exprime la plus  grande fantaisie sans être jugé.
leur érotisme s’exprime dans le rituel de l’habillement, dans le fait de se couvrir avec recherche et créativité.
Certaines sociétés avaient un rapport équilibré et libre avec la sexualité, par exemple dans la Grèce antique on pratiquait le culte du corps, on allait l’entretenir au gymnasium, l’athlète représentait la figure du héros. Les Indiens d’Amazonie (Lévy-Strauss) avaient une sexualité très libre, comportant des codes. Et aussi l’imagerie de l’Inde (Kamasutra), les contes des Mille et Une Nuits, etc… Il peut exister aussi une culture de « l’a-sexualité », par exemple chez les Incas, des vierges gardaient le temple.

 Une approche sociologique et psychologique.

 Les participants pensent que des questions restent sans réponse par peur de soulever des tabous ou de paraître irrespectueux. Sont évoqués la question de la sexualité des personnes âgées  et celle des handicapés. Beaucoup pensent que l’âge et le handicap ne peuvent-être un obstacle à l’épanouissement sexuel. Certains pensent que notre regard distant sur la sexualité des handicapés et des vieillards ne correspond pas à leur réalité. Nous savons que si les changements physiques et psychologiques liés à l’âge et au handicap ne doivent pas être niés, ils n’entraînent aucun obstacle majeur à une activité sexuelle harmonisée en tenant compte de ses contraintes. Certains pays proposent des solutions réfléchies et adaptées en dehors de tout tabou, en acceptant de reconnaitre comme métier les assistants sexuels hommes et femmes pour intervenir dans la sexualité des handicapés. Il s’agit aussi d’une difficulté à penser la vieillesse sous un autre mode que celui de la maladie, du déclin, ou bien du vieillard sage au-dessus des réalités sensorielles. Cela atteste aussi que dans la pensée de beaucoup, le handicapé ayant perdu de l’autonomie physique, il est nécessairement exclu de « l’exercice physique » qu’est la sexualité, certes c’est hélas vrai parfois, mais pas toujours !

 Et l’amour dans tout ça ?

Dans la discussion sont évoqués le caractère initiatique de la 1ere activité sexuelle,  le fait que la connaissance de son propre corps implique que chaque relation sexuelle soit une création libre, que nous sommes des êtres de désir et de liberté. Mais pour en arriver là -et d’ailleurs faut-il nécessairement en arriver là ?- le désir et l’érotisme sont sinon des outils indispensables, du moins des liants puissants à la sexualité. Mais au final, ne seraient-ils pas un moyen de concrétiser une quête de l’amour, auquel chacun aspire au plus profond de soi ?

L’inquiétante marchandisation

Dans l’assemblée, certains considèrent que de nos jours on parle trop de sexualité et pas toujours de la bonne manière. La pornographie en imposant une présence obsédante  et vulgaire de l’acte sexuel en est un exemple type. Il ya aussi l’utilisation et le détournement d’images érotiques et même pornographiques à des fins commerciales : par exemple est citée la vente des voitures trop souvent associée à la nudité féminine. En imposant une présence obsédante  le discours dominant cherche à cacher la véritable importance et la véritable nature simple et libératrice de la sexualité.       Dans certains cas, par un langage trivial et vulgaire, on cherche à taire les sentiments de désir et d’attirance pour une personne. Le langage crû démystifie pour éviter de s’engager ; il peut être un mécanisme de défense.

Une excessive normalisation ?

Malgré la « révolution » de mai 68,  jusqu’aux années 1990, on n’en parlait pas en famille, au travail, en public. On était gênés, taxés d’indécence ou de harcèlement. Aujourd’hui, dans notre société, qui se dit  évoluée et « libertaire » on constate une sorte de normalisation de tous nos comportements, y compris de notre sexualité. Foucault a parlé de « bio-pouvoir » pour qualifier la normalisation, le contrôle de la vie, du corps, des mœurs, de la reproduction.

Conclusion

Les institutions protègent contre ce qui est  inhumain dans l’humain. Mais on ne doit pas tomber dans la normalisation excessive et la répression. Plus de liberté c’est moins de marginalité. Il ne faudrait surtout pas dénier et abolir la complexité des cultures et des civilisations et le fait qu’elles peuvent encore évoluer.